1er janvier, nous laissons derrière nous l’an 2020, particulier à bien des égards. L’occasion de se poser un peu pour faire le bilan d’une année qui aura vu s’initier ou s’accélérer de nombreux changements structurels à l’échelle de la planète. L’occasion aussi et surtout de regarder un peu devant nous, cette année 2021 qui part déjà avec un énorme avantage : elle pourra difficilement être pire !
Bye bye 2020
Ce que je retiens de cette année écoulée, au-delà de l’évidence dramatique de plusieurs centaines de milliers de mort liés à la pandémie Covid-19. Au-delà même de la mise à l’arrêt, plus ou moins volontaire, de nos économies pour y faire face :
- Un premier constat d’humilité : malgré toutes les avancées techniques et médicales réalisées depuis plus d’un siècle, notre sentiment de maîtrise et d’invulnérabilité n’est qu’un leurre. L’Humanité, même si on veut lui coller un grand H pour faire bien, pour faire grand, ne reste in fine que la prolifération (réussie ?) de l’espèce humaine sur la planète, une espèce biologique certes intéressante et à laquelle nous portons tous une certaine affection naturelle, mais néanmoins soumise à tous les risques inhérents à sa condition animale. Et sujette aux maladies, à la mutation hasardeuse d’un bout de génome viral au fin fond d’une grotte chinoise, dépendante des ressources de la planète bleue… En maîtrise de son seul nombril en somme.
- Les très nombreuses théories plus ou moins fumeuses, plus ou moins complotistes visant à rendre tel ou tel pays, telle ou telle organisation politique voire telle ou telle politique globale responsable du cataclysme sont malheureusement issues d’un biais cognitif déterministe, qui nous pousse à chercher du « sens », une « cause », un « responsable » là où il n’y en a manifestement pas. « L’hypothèse selon laquelle corrélation équivaut à cause est probablement l’une des deux ou trois erreurs les plus répandues et les plus graves du raisonnement humain. » (Stephen Jay Gould). La mutation d’un virus est naturelle et hasardeuse, plus fréquente même que celle bien admise comme mécanisme principal de l’évolution (mutation et sélection naturelle), mis à jour par un certain Darwin. En d’autres termes, « Il est bien remarquable de trouver, à la base d’un des phénomènes d’adaptation moléculaire les plus exquisement précis qu’on connaisse, une source au hasard. » (Jacques Monod, Le hasard et la nécessité).
- Aurait-on pu éviter cela ? On pourrait évidemment envisager de finir de zigouiller les dernières chauve-souris, les derniers pangolins, ou même les derniers mangeurs de Pangolin tiens, pourquoi se limiter aux autres espèces animales. Idée peu séduisante mais surtout peu réaliste, il nous faudra toujours cohabiter avec d’autres espèces, ne serait-ce que pour trouver quelque chose à se mettre sous la dent. Nous évoluons nécessairement dans un environnement biologique, et sommes de fait inexorablement soumis à ses mécanismes, quand bien même ils nous sembleraient « cruels ».
- Aurait-on pu mieux l’anticiper ? Probablement, nous aurions pu collectivement faire en sorte qu’un grain de sable dans notre belle machine ne grippe tout l’ensemble (sans jeu de mot oiseux). Prévoir des mécanismes d’alerte, des procédures d’urgence, des stocks de masques… Ces derniers ont bien existé un temps en France, merci Roselyne, elle fut à l’époque critiquée pour son incurie et la dilapidation des deniers publics, parfois par les mêmes qui dénoncent aujourd’hui ‘l’impréparation » de nos gouvernants. On ne peut pas se cacher derrière le « on ne savait pas », le scénario était écrit et décrit avec précision. Revoir ICI le Ted de Bill Gates en 2015. On peut aimer ou détester ce qu’il a fait de Microsoft, mais force est de reconnaître : il a oublié d’être bête, ce Monsieur.
Welcome 2021
Quelques bonnes nouvelles (il y en a, aussi) pour commencer cette nouvelle année d’un bon pied :
- L’arrivée d’un vaccin, de nombreux vaccins même, dans un délai encore jamais vu. Résultat d’une mobilisation sans précédent (scientifique, politique et financière), il nous faudra encore de longs mois avant que d’être à l’abri de cette « immunité collective » tant attendue.
- Le coup d’arrêt brutal à notre économie, mais aussi probablement le « temps calme » imposé par le confinement, ont accéléré une prise de conscience générale autour des enjeux environnementaux et de l’urgence climatique. Quand bien même la pandémie n’a vraisemblablement aucun lien avec le réchauffement climatique (je défie quiconque de m’expliquer le lien de cause à effet autrement que par le très générique « la Nature est agressée, elle se venge »…), la catastrophe sanitaire a rendu dans notre inconscient collectif la catastrophe climatique plus crédible, plus « palpable ». Avec notamment pour effet l’orientation appuyée du plan de relance vers une économie décarbonée, plus à même d’approcher les objectifs de l’accord de Paris. Il n’y a « plus qu’à » mettre en oeuvre…
- C’est historique : nous avons tous, collectivement et individuellement, sacrifié une partie de notre confort, de notre économie, voire de nos moyens de subsistance, pour sauver nos aînés, largement les plus à risque. Les sacrifices sont énormes, et répartis de manière très inégale dans la population (de la définition critique et toujours discutable de ce qu’est une « activité essentielle », ou du « quoi qu’il en coûte »), ont amené une restriction sans précédent de nos libertés. Mais tous ces choix ont pour le coup un « sens » et une portée inédits.
Et la transformation numérique, dans tout ça ?
Et bien la transformation numérique s’est très largement accélérée elle aussi :
- Adoption massive et probablement durable du télé-travail, avec la mise en oeuvre (parfois dans l’urgence) d’outils collaboratifs performants, de visioconférences, de dématérialisation des documents… Les outils étaient là, mais leur adoption s’est faite à marche forcée, justifiant parfois a posteriori des révolutions techniques : Cloud, SaaS, API…
- La DataViz et l’Open Data se sont ouvertes plus que jamais au grand public, permettant de suivre au jour le jour la progression (ou régression) par pays, par région, par classe d’âge… Voir deux références particulièrement étoffées : le Financial Times et Le Monde. Quand d’aucun se plaignent de « ne pas disposer d’information », « on ne nous dit rien », on sait « trop peu, trop tard », qu’ils se souviennent que les dernières épidémies ont été largement sous-estimées tout simplement parce que… leur existence et l’évaluation de leurs dégâts n’ont pu être possibles qu’après de longues années et l’analyse de données collectées à grand peine (voir ICI un très bon article sur le sujet). Quel progrès accompli, non seulement dans l’information, mais aussi dans la capacité de réaction et d’adaptation des politiques publiques.
- Paradoxalement, l’accessibilité de l’information et la décentralisation des sources sur les réseaux sociaux ont coïncidé (favorisé ?) une défiance accrue envers les politiques, la recherche pharmaceutique et la science en général. Autorisant la dérive des Fake news et autres théories plus ou moins fumeuses (QAnon aux Etats-Unis, diverses théoriques complotistes et montée en puissance de nouveaux « gourous » de l’internet…). L’outil n’est rien, seul l’usage qu’on en fait compte…
PS : sous l’effet d’une auto-censure dont je me sens seul coupable, j’ai finalement renoncé à intituler ce premier billet ISLEAN de l’année de son titre initial , « Bonne année mon cul », quand bien même ça m’a démangé un moment. D’abord parce que ce ne serait que reprise et plagiat (voir la chronique de la haine ordinaire du au combien précieux, indispensable et regretté Pierre Desproges, et sa reprise certes moins littéraire mais néanmoins tout aussi efficace par Benoit Poelvoorde). Mais aussi et surtout car j’aurais eu bien du mal à justifier sans cabriole hasardeuse le rapport avec notre sujet de prédilection, à savoir la transformation numérique.
Au lendemain de ce réveillon confiné, donc, toute l’équipe ISLEAN se joint à moi pour vous souhaiter une Bonne année 2021 à l’ère du numérique (hic !).