La crise sanitaire que nous vivons est sans précédent depuis la seconde guerre. Le COVID-19 impacte nos quotidiens et bouleverse nos habitudes. Au delà de la situation sanitaire, quelles sont les « surinfections » de cette pandémie ?

 

Crise sanitaire

La pandémie du COVID-19 s’étant abattue sur le monde entier depuis plusieurs mois, de très nombreux articles sont publiés sur cette crise sanitaire. Ils décrivent de graves situations de chaines de contamination, des scènes de débordement dans les hôpitaux et des personnels de soins épuisés mais vaillants. Nous sommes reconnaissants à ces personnels mais aussi à toute la chaine de professionnels de « deuxième et troisième ligne ». Le sujet étant suffisamment traité par les professionnels de santé, cet article évitera la redite sur l’effet sanitaire du virus lui-même et analysera plutôt les « surinfections » que le COVID-19 engendre, c’est-à-dire les crises successives auxquelles nous faisons déjà face et qui se profilent.

Crise sociale

Afin d’endiguer la contamination à le COVID-19, des mesures de confinement et/ou de couvre-feu ont été prises, des écoles, lycées et universités fermés. Des voix de dirigeants internationaux s’élèvent contre les coûts sociaux induits par ces mesures et l’impact du virus. La fermeture des écoles provoque une inégalité de l’enseignement entre familles et entre territoires. Selon l’UNESCO, 1,5 milliard d’étudiants de 184 pays soit plus de 90% des étudiants du monde, sont renvoyés chez eux en raison de cette pandémie. Tandis que certains parents arrivent à aider leurs enfants en fonction de leurs disponibilités professionnelles et capacités, d’autres n’ont pas cette possibilité. Cela se traduit par une baisse de niveau des élèves. Les difficultés scolaires sont une réalité malgré l’effort des enseignants et professeurs pour dispenser les cours ou mettre à disposition des exercices via les outils numériques (« ma classe à la maison », « Ma Cl@sse Virtuelle », zoom, teams, meet,…). Les technologies n’ont jamais été aussi présentes dans notre quotidien. Dans le même temps, les pays avec une forte fracture numérique mais ayant adopté la stratégie du confinement, sont tout simplement privés d’enseignement depuis plusieurs semaines. Le secteur du e-learning post-COVID-19 proposera de plus en plus de formations « diplômantes » en plus des formations « certifiantes » existantes.

Le COVID-19 crée ainsi une tension sociale sur le plan éducationnel mais aussi sur le plan nutritionnel. Nombreux sont les enfants qui n’avaient que la cantine scolaire pour avoir au moins un repas équilibré par jour. Aujourd’hui, ils en sont privés. Ce constat est valable autant à New Delhi qu’à New-York City. Dans cette dernière, cette situation a été un facteur déterminant dans la décision tardive de fermeture des écoles.

Sur le plan relationnel, les violences conjugales et la maltraitance des enfants sont en constante croissance depuis le début du confinement. Des drames se produisent dans les familles et la dématérialisation des plaintes et signalements en ligne sont des réponses partielles.

Crise humanitaire

Utiliser le terme de crise humanitaire dans un pays du G20 relève presque de la provocation. Et pourtant, la crise du COVID-19 crée une situation dans laquelle un grand nombre de personnes est menacé par la paupérisation et où les aides des associations limitent la catastrophe. En France, malgré les conditions très favorables de chômage partiel pris en charge par l’État, l’association d’aide Emmaüs est débordée par les demandes des plus défavorisés. Aux Etats-Unis, 22 millions de chômeurs ont été recensés en 4 semaines et la paupérisation de cette population est grandissante. En Afrique où le secteur informel occupe parfois jusqu’à 80% des travailleurs, le confinement est difficile à respecter et ses conséquences sont plus brutales et violentes. L’expression « mourir du COVID-19 ou mourir de faim » a très vite pris place dans les consciences et circulé sur les réseaux sociaux. Au Bénin, afin de laisser tourner une économie où le gain de la veille fait vivre le lendemain, ce sont les malades qui sont confinés et plusieurs mesures de restrictions de déplacement et de rassemblement sont prises. Cela n’empêchera pas toutefois l’impact du ralentissement mondial et de la fermeture des frontières. Plusieurs mesures d’atténuation de la crise sont prises par les gouvernements mais la mise en œuvre de moyens exceptionnels est nécessaire pour éviter une catastrophe ou au moins en limiter les conséquences.

Au-delà des aides directes aux plus démunis, des mesures de transformation de ces économies informelles peuvent être prises afin de préparer la période post-COVID-19. Au cours d’un brainstorming récent avec un haut responsable politique d’un pays africain, plusieurs pistes ont été identifiées pour transformer cette épreuve en opportunité. Les trois principales pistes sont la réduction de la dépendance aux importations à travers la structuration de la production de biens de protections sanitaires ; l’accentuation de l’investissement dans l’agriculture pour prévenir une crise alimentaire ; et l’accompagnement social du secteur informel à travers l’organisation d’une grande campagne numérique de formalisation de ces entrepreneurs en échange d’un appui financier exceptionnel et d’une couverture santé. Cette formalisation massive permettra un regain de croissance du PIB à partir de 2021 et entrainera toute l’économie dans son ensemble.

 

Crise économique

En cette période de crise sanitaire, l’incitation à transformer temporairement notre système économique en une « économie de guerre » anime tous les industriels. Cette économie ne génère pas une rentabilité élevée mais permet de répondre aux besoins urgents du quotidien. Cela relève d’une « responsabilité » envers la société dans laquelle nous vivons. En France, nous constatons donc que la rentabilité est en baisse, la demande en chute libre, le chômage partiel explose, l’investissement est gelé, et la visibilité sur le redémarrage est quasiment nulle. Ce sombre tableau montre les prémices d’une crise économique longue et durable à l’issue incertaine. Dans une telle situation, la flexibilité et l’agilité des entreprises seront nécessaires pour surmonter cette crise naissante. Certaines entreprises ne survivront pas tandis que beaucoup d’autres en ressortiront bien plus solides. L’adage dit qu’en cas de famine, les gros maigrissent, les maigres meurent. Un peu brutal mais assez vrai. Selon le secteur, les petites entreprises insuffisamment agiles ou en difficultés avant la crise ne survivront pas malgré les différents mécanismes financiers de l’État (le prêt garanti par l’État (PGE), le prêt rebond, le prêt atout, …). Quel que soit le mécanisme utilisé, certaines entreprises avec des bilans calamiteux passeront à travers les mailles. À date, près de 55 milliards de PGE sont ou vont être accordés selon Bpifrance. Or, en période de crise, il faut laisser mourir les entreprises avec des business models dépassés ou destinés à disparaître, et dynamiser les entreprises en phase avec le besoin de l’économie. Les PGE aux entreprises « pourries » d’aujourd’hui sont les dettes de l’État demain. À l’opposé, les entreprises plus solides qui s’adaptent et se réinventent en sortiront renforcées.

Notons qu’à ce jour en France, le confinement a poussé 10 millions de salariés au chômage partiel, soit environ la moitié des salariés du secteur privé. Ce chiffre ne cesse de croitre jour après jour. Selon le ministère du Travail français, près de 8 millions d’emplois sont aujourd’hui compatibles avec le télétravail dans le secteur privé, soit un peu plus de 40%. Imaginez-vous le confinement il y’a 30 ans ? Avec une pandémie du COVID-19 en 1990, comment aurions-nous pu continuer à travailler ou maintenir une activité partielle ? Cela aurait été un désastre. La dématérialisation est la quatrième ligne de cette riposte contre le virus. Les solutions collaboratives les unes plus innovantes que d’autres sont apparues ou ont démontré leurs utilités. Les entreprises se sont très vite adaptées et ont aussitôt adopté plusieurs outils digitaux car le « COVID-19 est le meilleur Chief Digital Officer » remarque t-on.

Cette digitalisation des conditions de travail aura sans doute un impact sur nos choix de vie après cette crise. Les postes en « remote » seront plus fréquents et acceptables et la consommation découlant du revenu de ces emplois ne sera plus essentiellement dans la région de rattachement de l’employeur, mais dans la région ou le pays d’où le salarié est en « remote ». Ce sera un moyen de suivre son épouse ou époux muté(e) tout en gardant son emploi, ou tout simplement permettre de repeupler les territoires désertés.

Crise financière

Sur le plan européen, les différentes mesures des états, de la Banque Européenne d’Investissement, de l’UE et de la BCE face à cette pandémie sont massives. Des plans de soutien à plusieurs milliards sont annoncés. En France, la facture du soutien de l’État au chômage partiel croît inexorablement. Les potentiels défauts de paiement futurs des PGE commenceront à alourdir la facture de l’état à l’horizon 2023. Une clause de Bercy exige aux banques d’user de tous les recours avant l’activation de la garantie de l’État.

Concernant les PME qui n’ont pas accès au PGE, un fonds de solidarité a été mis en place pour les inclure dans le plan de sauvegarde de l’économie. Du côté de la sécurité sociale, à date, elle devrait enregistrer en 2020 selon Bercy un déficit de 41 milliards d’euros, contre 2 milliards en 2019. Depuis le début du confinement, 3,2 millions d’arrêts maladie sont dus au COVID-19. Nous notons donc que les comptes publics seront dans une difficulté financière aggravée dans les prochains mois.

Dans cette crise financière, il n’y aura pas de crise des banques mais une crise de la dette des états. De nouvelles règles permettant d’exclure les dépenses et dettes liées au COVID-19 seront peut-être adoptées. Sans cela, les agences de notation n’auront aucune indulgence face aux États. Par ailleurs, le mécanisme financier « Corona Bonds » qui est une obligation qui permettrait aux États membres de la zone euro de lever de l’argent sur les marchés à coût très réduit, est soutenu par plusieurs pays dont la France. En effet, les intérêts, au lieu d’être indexés sur la santé financière du pays emprunteur, seraient liés à celui de la zone euro dans son ensemble. Bien évidemment, il faudra « passer sur le corps » de l’Allemagne pour obtenir cet accord.