Pour vous souhaiter à tous une excellente année 2020, pourquoi ne pas sortir du cadre et parler d’une excellente lecture de vacances : le livre de Michel Goya, « S’adapter pour vaincre » ou comment les armées évoluent.

Michel Goya est un ancien colonel de l’infanterie de Marine, docteur en histoire contemporaine, enseignant l’innovation militaire à Sciences-Po notamment et auteur du blog très réputé « la voie de l’épée ». Que ce soit sur son blog ou dans ses livres, il s’intéresse à la manière dont les armées ont innové, et nous offres des enseignements pour la manière dont les entreprises peuvent le faire. Son dernier livre « s’adapter pour vaincre » raconte différentes mues militaires : celle de l’armée Prussienne au 19e siècle, celle de l’armée française pendant la première guerre mondiale, celle de la Royal Navy Britannique, celle de l’armée américaine face à la bombe atomique, etc…

Or, nous vivons l’ère de la révolution numérique ou digitale, et toutes les entreprises doivent, d’une manière ou d’une autre, opérer leur mutation, en lien avec le numérique. Et, moi qui ai fait plusieurs missions récentes pour des DSI, j’ai été frappé par un parallèle que l’on peut faire : d’une certaine manière, la DSI est à l’entreprise ce que l’armée est à l’état. Citons Michel Goya : « Missions comme ressources sont fixées par l’autorité politique supérieure avec laquelle l’armée entretient un double rapport d’expertise et de subordination ». C’est exactement cela : le DG attend de son DSI (mais ça marche avec la plupart des autres managers spécialisés) une expertise (quels sont les bons outils pour cette nouvelle ère numérique et comment y aller) et une subordination aux enjeux stratégiques. Et l’expertise attendue ne correspond pas nécessairement aux besoins du moment parce qu’il est très difficile de faire bouger ce que Michel Goya appelle une « Pratique ».

Faire évoluer une armée, c’est faire évoluer sa Pratique, définie comme un ensemble de techniques, de manière de se structurer, de doctrines (la culture) et de méthodes. Et les changements peuvent intervenir sur chacune de ces composantes, pas seulement sur la technique. Souvent d’ailleurs, les innovations techniques sont au départ peu fiables, mal appréhendées par les troupes et conduisent à l’échec avant d’être maîtrisées.

On apprend dans le livre qu’il y a toujours eu une grande vitalité intellectuelle dans l’armée, avec des courants de pensée dominants et des systèmes de pensées alternatifs, qui attendent l’épreuve du feu pour venir sur le devant de la scène, parfois pour sauver in extremis la guerre (cf l’armée française dans la grande guerre) parfois pour enferrer le commandement dans une impasse.

« Si telle façon de faire est si drastiquement meilleure, pourquoi toutes les grandes DSI ne l’ont-elles pas déjà adoptée ? » me demandait un jour un Directeur Général. Pour une raison simple : elles se sont structurées pour une certaine Pratique, pour certaines technologies et certains paradigmes, et seule l’épreuve du feu (les coups de boutoir de la concurrence) permettront leur adaptation. On ne change pas une culture, des compétences, des croyances du jour au lendemain. Seul le feu ennemi produit cet effet. Et malheureusement, pour les armées, le feu ennemi engendre aussi la mort.

Mais on voit qu’au-delà de la confrontation à l’ennemi, les armées qui se sont le mieux adaptées sont celles qui ont su utiliser (parfois inventer !) les préceptes de l’amélioration continue : analyser les batailles perdues ou gagnées pour en tirer des enseignements théoriques, identifier ce que les innovations techniques ou sociétales de la société pouvaient apporter à l’armée, faire évoluer la pratique à l’aide de la théorie, et faire évoluer la théorie à l’aide de la pratique.

Que vous soyez DSI, Directeur Général, manager, consultant, ou juste un « honnête homme » au sens du siècle des lumières, lisez donc ce livre, il sera une source d’inspiration.

Et passez une excellente année 2020 : nouvelle décennie, nouveau monde, puissiez-vous vous y adapter pour réussir !