En créant ma première société en 2003 (nouveau né SARL, label musical 2003-2011, fondée avec Christian Semé, également associé d’ISlean consulting), j’ignorais à quel point cette aventure était porteuse d’expériences. J’allais bien sûr goûter aux satisfactions et amertumes de la prise de risque, ainsi qu’à la double vie de consultant le jour et d’entrepreneur la nuit. J’allais surtout vivre aux premières loges les effets de la rupture numérique dans l’édition musicale.

Les premières secousses du numérique, vécues de l’intérieur

En 2003, le CD s’étale encore en rayon à la Fnac et le téléchargement de MP3 est souvent illégal (bien que pratiqué par tous) mais le monde de la musique va radicalement changer – a-t-il d’ailleurs fini de le faire ? Le modèle classique de conception, financement et production centralisées de produits standards, vendus par des canaux maîtrisés va être bouleversé.

En 2004, nous regardons de près le modèle de Sellaband, qui donnera plus tard naissance en France à MyMajorCompany en ouvrant le pré-financement des artistes au public. En tant que label « nouveau né » et indépendant, nous produisons nous- même nos albums, et voyons les distributeurs établis, dont certaines FNAC qui proposent nos CD, fermer les uns après les autres : la baisse des volumes affecte leurs marges et les bloque dans leur métier d’origine, dorénavant condamné.

Les majors souffrent mais sont obligés de transformer leur modèle face aux nouveaux concepts

Les concerts ne servent plus à vendre des CD, mais deviennent le centre de l’expérience du fan : contrairement au CD elle ne peut être dupliquée dans un format numérique ni piratée. En parallèle, les majors renforcent leurs partenariats avec les médias pour financer leur Recherche et Développement de talents via les émissions de téléréalité (et de leurs votes payants pour le public) où les tubes déjà bien connus sont recyclés. Une bonne façon de donner une autre vie à un produit amorti (au sens comptable bien sûr !). Les majors se battent pour continuer à vendre des copies physiques, durables et légales dans un catalogue verrouillé, pendant qu’arrive Deezer et son offre d’abonnement illimité à tous les morceaux pour une durée limitée.

Jouer la carte de l’opportunité technologique pour survivre

Nous produisons six albums en réduisant les coûts de production grâce aux technologies  démocratisées. Notre « Music Lab » tient dans une grange ! De plus, même en travaillant en décalé (la nuit !) et sans connaissance préalable du secteur, nous développons la notoriété de notre artiste grâce au premier réseau social d’envergure à l’époque : Myspace. Nous y rencontrons d’autres artistes, des critiques de musique, mais aussi des animateurs de radio pour convenir d’une émission, et enfin des propriétaires de salles dans la France entière pour programmer des dates. Bien que petits, nous pouvons nous « connecter » rapidement à d’autres professionnels.

La valse des réseaux sociaux et les remises en question digitales

Myspace a perdu son rang, rappelant à quel point le monde numérique est impitoyable ; d’autres plates-formes ont vu le jour et nous avons fermé notre société après six albums qui se sont autofinancés. Sans amertume puisque nous avons participé à l’économie du don, enrichissant le patrimoine musical français. Toutefois, cette expérience nous a permis de vivre la nécessité de se réinventer dans un monde digital. Et cette aventure nous a également rendus plus solides dans notre métier de consultant !

L’industrie musicale n’a plus l’exclusivité des bouleversements numériques. Cette rupture a trop longtemps été vue comme uniquement technologique. Ceux qui ont surpassé cette vision technologique, dans le secteur de la musique, l’ont transformée en opportunités de nouveaux modèles, de nouveaux services et de nouvelles postures. Tous les secteurs sont dorénavant concernés : de très belles perspectives pour nous réinventer !

 

Louis-Alexandre Louvet

 

 

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