Je viens de terminer « Surveillance:// » de Tristan Nitot, qui m’a fait (re)découvrir comment aujourd’hui nous étions facilement « traçables » grâce aux technologies et à la mobilité. Quelle coïncidence terrible que de découvrir quelques jours plus tard que les États-Unis demandent depuis le 20 décembre 2016 de déclarer -facultativement à ce stade- ses profils sociaux lors des demandes d’ESTA !

Que celui qui est contre la sécurité se dénonce !

Qui contestera que la sécurité est nécessaire à la liberté ? Personne ! Quelle liberté a-t-on si on risque de se faire trucider à chaque coin de rue ? Attention à cet argument puissant car simple et clair, car le diable est dans les détails, et l’enfer est pavé de bonnes intentions.

Concrètement, on fait quoi ? On espionne tout le monde ?

Une fois que nous avons posé ce besoin d’assurer notre sécurité, quelles sont les actions à mener dans le détail ? J’imagine que les personnes responsables, à l’armée, dans la police, réclament des moyens d’enquête, préventive -ex-ante- et post crime, -ex-post. Du coup, des lois passent pour autoriser le recueil de données, les écoutes sur téléphone fixe et mobile. La révolution numérique et les smartphones ont rendu la collecte de données extrêmement facile, complète et massive.

Tous les acteurs du numérique qui offrent des services gratuits collectent en échange des données sur vous pour ensuite essayer de les valoriser.

Du coup il devient facile pour un Etat, au-delà de ses propres moyens, de collecter par la loi des données auprès de ces géants du web : soit vous nous laissez accéder à ce que nous demandons, soit nous vous faisons fermer boutique.

Si vous ne connaissez pas l’histoire de Lavabit, je vous invite à la découvrir : ici https://korben.info/lavaboom-service-demail-securise-remplacer-lavabit.html ou ici https://lavabit.com/

Donc oui, en conclusion, cyniquement et sous la pression des électeurs, parce que dans tout groupe humain il y a entre 1 et 5% de malfaisants, on va pratiquer le management des 3%, c’est-à-dire qu’on va écouter, surveiller tout le monde. Tout le temps, partout. Du miracle de l’internet mobile acronymisé en ATAWAD, AnyTime, AnyWhere, on AnyDevice, on passe au cauchemar de la Surveillance:// de masse avec ABATAWAD, le AB étant pour « AnyBody »…

Les politiques de tous bords s’y sont mis.

Quelles conséquences à cette Surveillance:// ? À terme, la Servitude:// !

Que tous ceux qui proclament n’avoir rien à cacher me communiquent leurs 10 dernières recherches sur l’internet, leur agenda, les photos sur leur smartphone, leur avis d’imposition, leur fiche de paie et leurs relevés bancaires. Pourquoi met-on un verrou à la porte des toilettes et des rideaux aux fenêtres ?

Si nous sommes totalement exposés et conscients de l’être, que va-t-il se passer ? Il va se passer que tout le monde va se protéger de plusieurs manières :

  • pensée unique, auto-censure, politiquement correct : dire uniquement ce qu’on croit être correct et non polémique, avec comme conséquence un appauvrissement des débats, la disparition de la riche contradiction, de ce blog…
  • sortie du numérique ou utilisation de services numériques sûrs s’il en reste : enchérissement des échanges, ou leur raréfaction, ou leur allongement de transmission
  • arrêt d’utilisation de services « gratuits » : je ferme instagram, facebook, snapchat, twitter, DropBox, gmail ou ne mets plus rien que de banal dessus, conduisant à une perte d’intérêt de ces services
  • à l’extrême, comme dans les meilleurs états totalitaires, enfermement intérieur : on ne dit plus rien, on se méfie de tout le monde, on n’est plus que gris face à la société.

L’enfer étant pavé de la bonne intention de sécurité, est-ce que nous sommes en route, nous, sociétés occidentales, vers ce genre d’enfer ?

Je reprends Benjamin Franklin

« Ceux qui sont prêts à abandonner une liberté fondamentale, pour obtenir temporairement un peu de sécurité, ne méritent ni la liberté ni la sécurité.

They who can give up essential liberty, to obtain a little temporary safety, deserve neither liberty nor safety. »

Benjamin Franklin participant à l'écriture de la constitution des Etats-Unis

Benjamin Franklin participant à l’écriture de la constitution des Etats-Unis

Que faire contre cette Surveillance:// inéluctable ?

Encore une fois, tous les sondages le prouvent (cf. ici et ), on va aller vers cette surveillance généralisée, on y est déjà largement. Voir aussi cet article éclairant sur Facebook Graph Search.

Que peut-on faire ?

Tristan Nitot, dans son livre propose de promouvoir les « SIRCUS : Système d’Information Redonnant le Contrôle aux UtilisateurS ». Basés sur du code libre, auditable, modifiable, permettant à ceux qui en ont la compétence de vérifier l’absence de cheval de Troie ou de faille. J’y crois dans un univers libre, mais que va-t-il se passer quand une loi va soit obliger à donner un accès à l’Etat à ces services ou soit les rendre illégaux car justement impénétrables ? Heureusement à ce stade, l’utilisation de systèmes de chiffrement est totalement libre en France (cf. ANSSI et Wikipedia).

Tristan fait partie du projet Cozy Cloud qui est une belle promesse de libération, avec d’autres systèmes tels que KeeeX de Laurent Henocque.

La dernière solution est aussi de promouvoir la culture de la liberté, partout et sans relâche.

Statue de la liberté

Give me your tired, your poor, Your huddled masses yearning to breathe free, The wretched refuse of your teeming shore. Send these, the homeless, tempest-tossed, to me, I lift my lamp beside the golden door !

A propos de ce sujet, voici un article de la Revue des Ingérnieurs des Mines #488, « Big Data : un challenge pour le droit » d’André Meillassoux, d’ATM Avocats, ainsi que le diner littéraire de l’association X-Mines Auteurs où était invité Tristan Nitot.

Article du 30 décembre 2016, mis à jour le 18 février 2017 et le 21 février 2017