Y a-t-il vraiment une différence entre une milice armée qui vous attend devant le bureau de vote et la menace d’infection et de servir de vecteur à un virus mortel ? Les Français se sont-ils sentis pris en otage lorsque le gouvernement a décidé de maintenir le premier tour des élections municipales ? Eléments de réponse par la donnée…

 

Municipales et COVID-19 : 3 cartes pour mesurer l’impact du maintien

Le premier tour des élections municipales de 2020 a eu lieu le 15 mars en France, en plein milieu de l’épidémie de COVID-19 et malgré les demandes de report. En jeu, la santé des Français, mais aussi la représentativité des élections. Aux Etats-Unis on appelle les techniques visant à réduire le taux de participation de certaines populations « voter suppression« , qui peuvent prendre la forme de barrières supplémentaires au vote (demande de pièce d’identité, suppression de bureaux de vote, etc). Sans entrer dans le détail de l’impact sur les résultats pour le moment, j’ai décidé de m’intéresser à l’effet sur le taux de participation.

Le taux de participation était en stagnation

Mais le taux de participation baisse de toutes façons depuis des années, c’est normal que les gens ne soient pas allés voter !

Pour en avoir le coeur net, j’ai regardé ce qui s’est passé depuis 2001 à différentes élections, toujours au premier tour s’il y a lieu pour m’épargner les fluctuations supplémentaires.

Taux d’abstention aux élections (1er tour uniquement)

Le mieux que l’on puisse dire, c’est que les Européennes sont prises de plus en plus au sérieux, les législatives le sont moins, et l’abstention stagne aux municipales et aux présidentielles.

Un bond dans l’abstention : de 36,5% à 55,4%

Focus sur les municipales :  je propose de modéliser l’abstention au premier tour simplement comme une marche aléatoire en prenant en compte l’historique depuis 1959. J’intègre également les limites de rejet d’une hypothèse d’une fluctuation statistique avec un degré de confiance à 95%.

On peut affirmer avec plus de 95% de certitude que l’abstention réelle n’est pas une fluctuation statistique

Le faisceau de possibilités est assez large : entre 26% et 47%. Nous somme pourtant bien au-dessus en 2020, à 55,4%. Pour les fanatiques d’excellence opérationnelle, on dit qu’on est à plus de « 3 sigma », il y a moins d’une chance sur 3000 que ce soit le fruit du hasard. L’explication la plus directe : le COVID-19.

Pour savoir où se situent les 8,7 millions d’électeurs perdus, j’ai pu utiliser les données publiées sur data.gouv.fr. Le taux de participation aux municipales a baissé quasiment d’un tiers en comparaison avec 2014, avec des inégalités locales.

En 2014 :

 

En 2020 :

 

L’écart varie géographiquement, avec une augmentation particulièrement marquée de l’abstentionnisme au Pays de la Loire, le Sud-Est, et dans le Grand Est. Cette liste ressemble beaucoup à celle des régions les plus touchées par le virus.

 

Conclusion

Une analyse rapide, en concours avec les résultats d’un sondage IPSOS, montre une première conséquence du maintien du premier tour des élections municipales : un taux de participation qui s’écrase à cause de l’épidémie. Nous essayerons de répondre à 2 autres questions par la suite, toujours grâce aux données :

  1. Est-ce que le maintien du scrutin le 15 mars dernier a participé à la propagation du virus ? L’événement aura pu faire des victimes directes en moyenne 18,5 jours après infection (première semaine d’avril), mais également des victimes indirectes car des personnes infectées dans les bureaux de votes auront pu à leur tour servir de vecteur.
  2. Comment organiser la démocratie en temps de confinement ? Le second tour a été reporté par contrainte sanitaire, mais cela ne nous empêche pas d’envisager l’avenir démocratique du pays pour autant. Nous parlerons des solutions qui peuvent se présenter à nous pour répondre au besoin d’organisation d’élections.