Cela fait plusieurs mois maintenant que nous sommes tous devenus malgré nous familiers avec les termes de « distanciation sociale », de « gestes barrière », avec l’usage du gel hydroalcoolique ou des masques FFP2.

Ces mesures restent pourtant mal comprises et parfois mal appliquées, dans notre vie de tous les jours comme dans l’organisation de l’entreprise : petit rappel (ou découverte ?) sur la biologie du virus, pour mieux comprendre les tenants et aboutissants des mesures de prévention.

Que le Covid-19 ait changé nos vie est une porte ouverte que je n’enfoncerai pas. En revanche, il faut avoir conscience que cette adaptation devra perdurer bien au-delà du confinement (voir ICI un précédent article sur le sujet). Mais ces mesures de prévention et les stratégies à adopter sont souvent mal comprises, et de fait parfois mal appliquées. Je me suis souvenu à cette occasion de mes (lointaines) études en biologie (ingénieur agronome et thèse en biologie). Sans me poser en expert (il en existe déjà de bien trop nombreuses sortes, voir ICI le caustique discours du sénateur Malhuret), je vous propose de partager quelques notions sur les virus, permettant de mieux comprendre (et donc mieux appliquer) ces mesures.

Vivant ou non vivant le virus ?

Au risque de vous étonner, cette question qui parait élémentaire fait encore aujourd’hui débat. Si personne ne conteste que les virus fassent partie du « monde du vivant », ils ont pour particularité de ne pouvoir « croitre et multiplier », c’est à dire « vivre » au sens où nous l’entendons couramment, sans l’invasion et le détournement à leur profit du métabolisme d’autres cellules vivantes. On parle alors d’un « parasite intra-cellulaire obligatoire » : il lui est obligatoire de s’introduire dans une cellule vivante pour se développer. 

Mais qu’est-ce qu’un virus, donc ? Les deux schémas ci-contre représentent un même virus, parasite d’une bactérie. Pour la petite histoire, c’est le phage T4, virus d’une bactérie courante dans nos intestins et célèbre pour avoir été un des premiers objets d’étude en biologie cellulaire : Escherichia coli.

Ci-contre deux représentations de ce virus, le phage T4. Je suis particulièrement fier du dessin de gauche, qui est le scan de mes notes de cours de Maths sup Bio de… 1992 (et je vous épargne les ricanements, au fond de la classe). Celui de droite est issu d’un article Wikipedia. Bien aussi, mais plus impersonnel, disons.

Notre virus est constitué d’une « capside » (=sorte de capsule, mais en plus scientifique pour faire sérieux) entourant un brin de code génétique, de l’ADN en l’occurence, le tout monté sur un « train d’atterrissage » qui ressemble à s’y méprendre à la capsule Apollo. Et de fait, la ressemblance n’est pas que fortuite puisque la seule fonction de l’ensemble est « d’alunir » sur la surface d’une cellule hôte (notre Escherichia coli de tout à l’heure), d’y planter son « aiguille » (tube creux) et d’y injecter son ADN grâce à sa »seringue », la gaine contractile. « Un petit pas pour l’ADN du T4, un grand pas pour le virus » : à partir du moment où le brin d’ADN a infecté sa cellule hôte, il va progressivement en détourner ses ressources pour que la cellule fabrique non plus de nouvelles protéines et cellules d’Escherichia coli, mais plutôt des protéines de virus, de nouvelles capsides, de nouveaux tubes creux, de nouveaux brins d’ADN, et au final de nouveaux virus prêts à infecter d’autres cellules. Tout cela est exponentiel, chaque infection libérant des millions de nouveaux virus, qui eux même… etc.

A quoi bon me direz-vous ? Infecter, se multiplier, puis ré-infecter… Pas passionnant le cycle du virus. Mais au-delà du « sens de la vie », terrain glissant sur lequel je ne m’aventurerai pas, reconnaissons que le mécanisme est couronné de succès, permettant malheureusement à un tout petit machin de ce genre, à peine vivant, de stopper dans leur élan effréné l’expansion de nos civilisations humaines multi-millénaires…

Le virus transforme chaque cellule infectée, chaque hôte en « usine à fabriquer du virus »

Si l’on revient à notre fameux Covid-19, il a une forme sensiblement différente mais un mécanisme identique : un brin de code génétique entouré d’une capside et d’une enveloppe protéique, avec non pas une seringue mais des protéines capables de « s’accrocher » à des récepteurs de cellules humaine (cellule pulmonaire ou muqueuses des yeux et de la sphère ORL, voire autres organes par la suite). De cette manière, elle peut infecter cette première cellule, s’y multiplier, infecter d’autres cellules… Une démultiplication phénoménale du virus dans l’organisme (responsable de la fameuse « charge virale » dont nous entendons parler aux infos), avec deux effets directs :

  • l’affaiblissement progressif de l’hôte (nous pauvres humains en l’occurence), via les cellules et organes infectés. Jusqu’à un état critique grave pour certains d’entre nous, de forme bénigne pour d’autres, en fonction de la capacité de notre système immunitaire à stopper ce cycle dans notre organisme
  • la démultiplication du nombre de virus présents dans notre corps, prêts à être relâchés dans la nature via les gouttelettes d’eau que nous projetons lorsque nous parlons et respirons, mais plus encore lorsque nous éternuons ou que nous toussons 

De fait, il faut considérer que le danger c’est un autre hôte potentiel… donc un autre être humain. Le virus ne peut se reproduire sans cet hôte, et ne peut donc « proliférer » dans différents milieux comme par exemple des bactéries de Salmonelle, responsables d’intoxications alimentaires. Deux modes de contamination possibles :

  • contamination directe lors d’une conversation, suite à un éternuement, en travaillant côte à côte… Risques contrôlés par la distanciation physique et le port du masque
  • contamination indirecte par des « points de contact » : une personne infectée tousse dans sa main, puis touche un objet courant (poignée de porte, interrupteur, dossier de chaise, barre de métro…). La durée de survie du virus dépend de la surface en question, allant de quelques minutes à plusieurs heures, voire jours selon le cas. Le suivant récupère le virus par contact de la main lui aussi, et comme nous portons tous de manière quasi-inconsciente nos mains au visage de nombreuses fois par jour, s’infecte via la bouche, le nez ou les yeux.

 

Des « gestes barrières » assez différents (mais complémentaires) de nos habitudes en matière d’hygiène

Nos notions traditionnelles d’hygiène, issues de l’éducation, ne nous conduisent pas forcément à cibler les bonnes sources de contamination. Les toilettes par exemple, qui sont légitimement considérées comme des zones d’infection privilégiées, ne le sont pas pour ce virus : il est très peu probable d’attraper le Covid-19 via des toilettes, fussent-elles très sales, à moins que le précédent occupant y ait éternué dans la cuvette, et que le suivant y ait collé son nez… L’exemple est volontairement caricatural, en voici un plus réaliste, un cas pratique rencontré dans l’accompagnement d’un de nos clients dans l’industrie agro-alimentaire. L’agro-alimentaire est par nature extrêmement soucieuse d’hygiène et de process de désinfection, puisque la contamination des aliments produits sur une chaine de fabrication peut avoir des conséquences très graves pour les consommateurs. La fabrication est extrêmement contrôlée et l’hygiène est le premier critère de qualité. Les quelques affaires de contamination, qui ont a juste titre ému l’opinion publique, ne doivent pas faire oublier qu’ils sont l’exception très rare alors que des millions de tonnes d’aliments sont produits et consommés chaque année.

Face au Covid-19, cette industrie pourrait paraitre parmi les mieux armées pour limiter la contamination. Mais de fait, les mesures d’hygiène et de désinfection sont très nettement différentes de celles qui prévalent d’habitude : il ne s’agit pas de protéger les aliments (qui ne peuvent pas propager le virus, de par le froid et le délai de survie), mais de protéger les employés entre eux sur la chaine de production, ou lors des croisements dans les parties communes, dans les vestiaires, à la pause… Cela peut amener dans certains cas à réorganiser la production, revoir les règles sanitaires et refondre une bonne partie des process. En témoigne les récentes apparitions de « clusters » dans des abattoirs. Dans l’industrie alimentaire comme dans toute entreprise, c’est une transformation majeure à mener, sur laquelle nous accompagnons nos clients à l’instar de tous types de transformation que nous menons depuis plus de 10 ans maintenant.

La transformation nécessaire « à l’ère du Covid-19 ».

C’est en suivant ces constats que nous avons, en partenariat avec des médecins hygiénistes et épidémiologistes, structuré une démarche d’accompagnement complète des différents secteurs dans la transformation « à l’ère du Covid-19 ». La démarche inclut une revue de l’ensemble des process sous l’angle du risque de contamination entre personnes (salariés, clients, partenaires), afin d’adapter l’organisation et limiter ces risques par :

  • l’organisation des flux physiques : postes de travail, circulations et parties communes, process de fabrication, circuit des produits et documents…
  • la digitalisation de tout ou partie des process lorsque c’est possible : télétravail, « click&collect », dématérialisation des courriers, onboarding ou management à distance, enseignement mixte présentiel / distanciel…
  • la désinfection spécifique Covid-19 : produits virucides, protocoles et routines de désinfection, complémentarité entre l’équipe de ménage et les équipes opérationnelles…

Si vous avez à traiter ce type de problématique pour tout ou partie des métiers de votre entreprise, discutons-en : n’hésitez pas à nous contacter ICI.

 

Et l’immunité dans tout ça ?

Je ne voulais pas terminer cet article, qui pourrait paraitre assez anxiogène, sans quelques éléments de perspective et d’espoir.

  • Le premier point positif, c’est que notre corps et notre système immunitaire est « bien conçu », permettant à la grande majorité des personnes infectées de guérir naturellement de ce virus, pourtant inconnu il y a quelques mois, avec peu ou pas de symptômes.
  • Le deuxième, c’est que notre système de santé a permis et permet encore d’aider et de sauver un grand nombre de personnes gravement atteintes. Sans « soigner » directement le virus, mais en aidant les patients à survivre et combattre l’infection. Et ceci dans la mesure où il n’est pas débordé par le nombre de cas graves.
  • Enfin, nous pouvons continuer à contenir voire faire régresser l’épidémie hors confinement par des mesures de prévention simples (je ne vous ferai pas l’injure de les répéter ici), dans l’attente d’un vaccin, en espérant qu’il soit réalisable et disponible rapidement (18 mois minimum selon les différentes équipes à la manoeuvre dans sa recherche).