L’école de Management de Paris organisait le 15 novembre une conférence sur le thème “Automatiser pour renforcer le rôle de l’homme”. Anne Litzgen, présidente du groupe Schmidt, a partagé son expérience à la tête d’un groupe industriel en pleine transformation. Plutôt qu’une synthèse linéaire je vous propose ma perception des points clefs qui ont été abordés.
Automatiser pour renforcer le rôle de l’homme
Quelques mots de contexte sur le groupe Schmidt.
- Le groupe industriel Schmidt possède deux marques (Schmidt et Cuisinella) spécialisées dans la fabrication de cuisines.
- C’est le premier fabricant de cuisines en France et le 5e européen avec un chiffre d’affaires de 436 millions d’euros.
- Il compte près de 1 500 salariés et s’appuie sur un réseau de 700 concessionnaires pour la distribution de ses produits
- Ses usines sont lean et ultra-robotisées : la masse salariale directe ne représente que 7% du chiffre d’affaires du groupe (contre en moyenne 20% dans le secteur*).
- Le numérique permet aujourd’hui à Schmidt de proposer des cuisines entièrement sur-mesures (~30 000 informations par cuisine) sans déroger à leur principe d’organisation : 0 stock. Tout est construit à la commande et les objectifs sont clairs : produire chaque commande en 1 journée, la livrer en 10 jours, avec 100% de qualité.
7% des coûts : peu de salariés mais très engagés
Schmidt est historiquement un groupe familial qui valorise la bienveillance et où les relations hiérarchiques sont peu marquées. Notamment sous l’impulsion de sa présidente, qui défend l’idée du plaisir au travail (même dans l’industrie) le groupe s’est lancé dans une démarche de responsabilisation et développement de l’autonomie de ses salariés : “BeSchmidt”.
C’est quoi « ÊtreSchmidt » ?
Aussi, le groupe a travaillé à la formalisation d’une Mission : “Contribuer par nos produits et services au bien-être et au plaisir durable des consommateurs et de leur habitat ».
Lorsqu’une difficulté apparaît sur un site, ce sont les opérationnels concernés qui se chargent, sur leur temps de travail, de faire évoluer leur cadre de travail. Les carrières se construisent autrement que verticalement : on propose selon les envies des évolutions horizontales dans d’autres services ou le développement d’une expertise de référent pour toute l’entreprise. Enfin, chacun est encouragé à entreprendre pour construire une entreprise où il fait bon travailler.
Libération d’entreprise ? Anne Litzgen nuance : Schmidt n’a pas supprimé d’échelon hiérarchique. Les collaborateurs ne veulent pas moins de managers mais plutôt de meilleurs managers (compétents, sympas et humbles !).
Un culture bénéfique mais pas accessible à tous
Ce dynamisme permet d’absorber la transformation digitale qui traverse le groupe : la réduction du nombre de salariés dans l’usine (la nouvelle usine comportera fonctionne avec deux fois moins d’opérateurs que celle construite 8 ans plus tôt) et la nécessaire évolution des postes associés aux machines se fait précautionneusement mais sans catastrophe (à date, cela n’a entraîné aucun départ).
La présidente admet cependant que cette évolution est largement facilitée par la croissance du groupe qui permet à la fois d’investir dans l’accompagnement et de continuer à recruter malgré l’augmentation du niveau de robotisation.
Le foisonnement d’initiatives désorganisées est un écueil fréquent des organisations horizontales. Lorsqu’on demande à Anne Litzgen comment ils font en sorte que les collaborateurs “ne partent pas dans tous les sens” elle sourit et avoue que cela passe par beaucoup de communication pour canaliser le foisonnement mais qu’au delà de ça, ils ne savent pas encore bien comment…
La démarche “BeSchmidt” apporte pour le groupe :
- Un renforcement de l’engagement et du dynamisme des salariés (en particulier dans le domaine de l’innovation)
- Le développement de l’agilité de la structure et de sa capacité à encaisser des transformations
- Le développement de l’attractivité de l’entreprise pour faciliter le recrutement (un poste dans une entreprise industrielle en Alsace n’est pas le cadre le plus couru aujourd’hui)
Des distributeurs externalisés mais au centre de l’attention
Le groupe Schmidt n’a pas de contact direct avec ses clients finaux, il s’appuie sur des concessionnaires pour vendre et installer ses produits. L’explication de sa présidente est simple “personne ne mouille sa chemise comme un patron indépendant”. Mais ce choix induit un risque de moindre maîtrise des contacts avec le client final.
Clients et collaborateurs : mêmes combats
Au fond, Schmidt fait ici le même choix que pour ses salariés : l’autonomie en échange de l’engagement, et le pilotage par la vision et les résultats. On retrouve donc entre le groupe et ses distributeurs un lien très fort : des communications très nombreuses, l’animation de groupes de travail et d’ateliers entre pairs, une instance représentative du réseau et un séminaire tous les deux ans qui réunit l’ensemble des distributeurs français.
Comme pour ses managers, le groupe estime qu’un des principaux facteurs de vente est d’avoir des commerciaux sympathiques et compétents.
Permettre à chacun de bien faire et de bien vivre son boulot
Le groupe a intégré les besoins de ce client distributeur dans sa stratégie digitale, en particulier pour sa marque Schmidt dont le point fort est le sur-mesure. On retrouve par exemple des outils de simulation où le client consommateur peut mettre en scène les meubles de son choix pour construire son projet de cuisine. Toutes ces informations sont ensuite transmises au distributeur pour l’orienter et lui permettre d’être pertinent dès que le consommateur rentre dans son magasin.
Dans ce contexte, de nouvelles questions apparaissent : Comment développer une expérience consommateur de qualité tout en faisant exister le distributeur ? Qui est le propriétaire de quelles données ? Comment donner au concessionnaire un rôle dans la conception de ce parcours omnicanal et sans coutures ?
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