Que l’on soit dans le public ou le privé, un collège ou un lycée a un budget, des moyens et surtout des clients : le ministère d’un côté, les élèves et leurs familles de l’autre. Tous ne paient pas, mais ils attendent un service rendu avec une niveau de qualité élevé. L’école créé de la valeur par l’instruction et l’éducation des enfants.

Du point de vue de l’administration et de la vie scolaire, que peut-on faire mieux au-delà de gérer les urgences quotidiennes qui viennent s’engouffrer dans les emplois du temps déjà chargés ? C’est là que l’excellence opérationnelle peut avoir de la valeur dans le cadre des écoles.

J’ai échangé avec des acteurs du second degré dans l’éducation nationale. Au-delà du sujet du numérique dans les écoles, je vous fait part de mes idées pour faire mieux en réponse à certains témoignages que j’ai pu capter.

L’excellence opérationnelle à l’école : observations et pistes d’amélioration

Poser et transmettre une vision à l’équipe

Je ne suis pas sûr de bien connaître notre projet d’établissement. Peut-être que je peux le retrouver quelque part dans mes documents… Au moins on a lancé plusieurs projets depuis le début de l’année !

Un principe de l’excellence opérationnelle : créer une communication constante, y compris à l’école.

Tous les ans, le ministère pose des priorités. Cette année, c’est (1) :

  • Excellence
  • Egalité
  • Bien-être

Ces priorités sont ensuite déclinées en axes académiques pour tenir compte des spécificités de chaque académie. Ensuite, chaque établissement doit construire un projet. Ce projet est posé pour une durée de 4 ans d’après ma compréhension. Cela ressemble étrangement à une stratégie, côté entreprises.

Mais alors, pourquoi est-il si difficile de connaître ce projet d’établissement quand on demande aux équipes ? Comment l’activité du quotidien s’inscrit dedans ? Comment les moyens mis en œuvre répondent aux enjeux ?

Je recommande au ou à la chef d’établissement de :

  • Construire cette stratégie avec l’équipe pédagogique
  • La communiquer clairement et avec insistance
  • Fixer des objectifs aux membres de l’équipe sous sa direction, pour l’année
  • Leur donner les moyens de les atteindre
  • Superviser et piloter l’avancement

Cela veut dire qu’il y a tout une partie du budget temps qui ne sera pas consacrée à du face à face avec les élèves ou même avec le reste de l’équipe, mais à de la réflexion, de la formalisation, du travail en « back-office ».

Capter et partager l’information efficacement

Connaissance partagée

Un exemple de connaissance captée et partagée

Mettre en place un socle de partage d’informations

Pendant le conseil de classe, 1 ou 2 personnes prennent des notes mais elles restent personnelles. Lors des réunions d’équipe, chacun prend ses notes avec des degrés divers d’investissement, et s’en va avec son cahier sous le bras.

Avec cette méthode, tout ce que vous n’avez pas consigné ou que vous êtes incapable de retrouver rapidement est perdu. Un élève A vient vous voir pour partager un problème personnel, ou parce qu’il a fait une bourde en cours. Que savez-vous de sa situation ?

  • Ce qui vous revient en mémoire à ce moment-là
  • Ce que vous avez dans votre cahier ou sur une fiche
  • Le profil de l’élève sur l’ENT

Quid des éléments de contexte portés par vos collègues ? Quelles informations avez-vous vraiment sur votre client, l’élève ? Je ne vais pas recommander la mise en place d’un CRM (outil de gestion de la relation client). Quoique.

En tous cas, il me semble fondamental d’avoir un environnement numérique partagé par l’équipe pédagogique. Il doit être accessible de partout, et permettre à chacun d’y rapporter des informations relatives à l’élève. Cela ne dispense pas des échanges en face à face, mais permet de formaliser ce qui reste trop souvent informel et donc inexploitable. Concrètement, ça peut commencer avec un simple excel partagé avec une liste d’élèves et des colonnes pertinentes ou un Word partagé par élève.

Une fois que ces éléments sont en place, ils permettent la restitution d’informations au besoin ; par exemple pendant les instances ou les entretiens.

Créer des rituels d’échange périodiques

On ne m’a pas prévenu que c’est moi qui devait surveiller les brevet blancs dans la salle C302. Je pensais que j’aurai du temps pour avancer sur le traitement des rapports d’incidents ! Ca me met tellement en retard…

Nous faisons chez ISLEAN un stand-up (réunion debout) hebdomadaire de 30min (2). « Son objectif est de partager l’information, de lever les alertes, traiter les points de blocage et rendre les arbitrages opérationnels. Sa fréquence élevée évite aux contributeurs de perdre du temps ou de gaspiller leur énergie sur des pistes peu prometteuses. »

Selon la nature de l’activité la fréquence des stand-up meetings varie, cela peut être aussi souvent que tous les jours. Au sein d’une équipe de type Vie Scolaire, il permet d’échanger autour des sujets du moment (organisation d’un brevet blanc, semaine thématique, intervention d’externes…). Il ne doit pas servir de moment d’échange entre 2 personnes uniquement au risque de faire perdre du temps à tous.

Je reboucle avec la 1ère partie de l’article : un tableau de bord construit autour des grandes orientations de l’année est sûrement un bon support d’animation.

Capitaliser sur les expériences pour la formation des équipes

Les AED viennent 2j avant le début de leur contrat pour être formés. Et pour ceux qui arrivent en cours d’année, il faut qu’on trouve autre chose. A chaque fois tout est à refaire.

Cette fois, c’est le gaspillage que j’ai dans le viseur. L’éviter est un autre principe de l’excellence opérationnelle applicable à l’école.

Le poste d’Assistant éducatif (AED) est précaire par nature : CDD pour la vaste majorité, les temps pleins sont rares, beaucoup sont étudiants et n’ont pas vraiment vocation à en faire une carrière.

Comment continuer à faire progresser son équipe quand on perd des connaissances et des compétences à chaque fois que quelqu’un quitte le poste ? Quelques suggestions :

  • Créer et améliorer un programme d’onboarding
  • Construire et maintenir une base de connaissances théoriques (meilleures pratiques, état de l’art en matière d’éducation…)
  • Favoriser une culture du partage : débriefs en groupe, retours d’expérience, mentorat, vis ma vie…

Exploiter l’information pour mesurer l’efficacité des actions et progresser

Suite à l’organisation d’une semaine thématique, on ne sait pas si ce qu’on fait a vraiment servi à quelque chose. Peut-être même que c’est pire qu’avant en termes d’incivilités.

Est-ce que le traitement prescrit fait effet ?

Est-ce que le traitement prescrit fait effet ?

Tout ce temps investi dans la semaine thématique a-t-il porté ses fruits ? Si oui, pourquoi ? Si non, pourquoi pas ?

Afin de le savoir, il faut déjà mesurer les effets de ses actions. Les ENT d’aujourd’hui proposent déjà d’extraire un nombre incroyable d’informations :

  • Par exemple le nombre de sanctions, remarques, punitions, retards, absences
  • Les résultats scolaires par matière, par enseignant
  • Par élève, par classe, par cours, par créneau de la semaine…

Tout ceci permet de mesurer l’efficacité de certaines actions menées. Il convient de réfléchir aux indicateurs avant de se lancer dans un projet pour mettre en place les bons outils de mesure et pouvoir comparer l’avant et l’après.

Investir dans le recrutement pour les postes vacants

Nous sommes depuis le début de l’année autour de 83% de remplissage de nos postes d’AED.

Chaque établissement a un budget d’AED à recruter sur l’année, en équivalents temps plein (ETP). Par nature du poste, du contrat, et de la vie des AED, le budget est exploité au maximum, et n’est pas transférable. En conséquence, certaines Vies Scolaires tournent à 80 ou 90% de leur capacité.

Prenons l’exemple d’un lycée qui peut avoir 10 ETP, mais qui tourne en permanence à 8 ou 8,5 ETP (1 ETP = 41h/semaine). Cela fait entre 61,5h et 82h de travail hebdomadaire non mis à profit par l’établissement.

Or ce temps est peut-être justement ce qui va pouvoir permettre aux acteurs de se lancer dans des démarches d’excellence opérationnelle…

On se rend compte par un calcul de coin de table qu’investir même 15h ou 20h au recrutement d’1 AED, c’est rentabilisé en 2 à 3 jours ! Une durée de retour sur investissement dont ne rêvent même pas les Jeff Bezos et cie.

Animer efficacement les réunions

Nos réunions dans le cadre du groupement de prévention du décrochage scolaire partent tout le temps en vrille, et on ne sait pas ce dont on doit parler, ou ce qui a été traité en cas d’absence.

Pour remédier à ces problèmes :

  • L’organisateur de la réunion écrit un ordre du jour en amont, avec un temps défini consacré à chaque sujet et un contributeur principal. Il/elle le partage aux invités.
  • Le contributeur principal de chaque sujet doit préparer ce qu’il/elle va partager au moment de la réunion
  • Ecrire un compte-rendu qui est envoyé à tous les participants une fois que la réunion est finie. On y inclut les informations partagées, les décisions prises et les actions attendues
  • Penser également à construire un tableau de suivi des actions (TSA) : A chaque action, attribuer une deadline et un responsable qui rendra des comptes
  • Qu’il s’agisse de réunions qui s’inscrivent dans le cadre d’un processus récurrent ou un projet, construire une matrice (Responsible – Accountable – Consulted – Informed) RACI  (3) peut être pour clarifier les rôles de chacun et éviter que personne n’agisse ou que 2 personnes se fassent concurrence. Elle liste les activités et les acteurs et leur attribue à chacun un ou des niveaux (R/A/C/I/aucun) d’intervention sur chaque activité.

Conclusion

Nous évoluons dans des environnements contraints : limites de temps, d’énergie, de connaissances, etc. Je trouve qu’il est important de faire le meilleur usage des ressources qui sont à notre disposition, et cela jusque dans notre système éducatif. J’ai voulu ici consigner les remarques que j’ai pu capter au détour de plusieurs conversations, et formaliser des pistes de solutions pour aider les équipes à progresser et à utiliser leur temps sur le cœur de leur métier. Le tout en s’inspirant des principes de l’excellence opérationnelle, à l’école.

Et vous, à quels problèmes faites-vous face dans votre établissement ? Est-ce que vous vous reconnaissez dans les citations ?

 

Sources :

(1) : https://www.education.gouv.fr/bo/22/Hebdo26/MENE2219299C.htm

(2) : https://islean-consulting.fr/fr/excellence-operationnelle/standup-meeting-en-8-questions/

(3) : https://www.manager-go.com/gestion-de-projet/dossiers-methodes/matrice-raci