Le Lean et l’amélioration continue en général regorgent de méthodes toutes plus séduisantes que les autres. Malheureusement, mal appliquées, elles peuvent conduire bien loin de leurs objectifs originels d’amélioration de la performance de l’entreprise.
« La » clé pour comprendre le Lean et ne pas commettre d’erreurs irréparables en croyant faire de l’amélioration continue
Des principes fondateurs à leur dévoiement
D’après Womack & Jones, les 5 piliers du Lean sont :
1 – Définir la valeur aux yeux des clients : la voix du client dans le jargon Lean 6 sigma
2 – Identifier la chaîne de valeur : identifier et supprimer les gaspillages
3 – Fluidifier en supprimant les attentes et les stocks : réduire les goulots → c’est notamment le champ privilégié de la théorie des contraintes
4 – Tirer la production par la demande : c’est là que nous trouvons des outils tels que le takt time et le lissage de la production, les flux tirés, le juste à temps
5 – Installer une recherche permanente de la perfection
Il y a plein d’autres segmentations qui ont été définies et qui sont tout aussi valables que celle de Womack & Jones. Il faut également savoir que chacun de ces piliers peut se décliner en des dizaines et des dizaines d’outils.
C’est là où le bât blesse car, dans le Lean, la vision systémique prévaut et chaque pilier est dépendant des autres. Par exemple : les gaspillages ne doivent être vus qu’à l’aune de la valeur client.
Or chacun de ces piliers fait l’objet d’innombrables outils et de méthodologies tous plus séduisants et précis que les autres. Par exemple, beaucoup de praticiens assimilent le Lean à de l’optimisation de processus.
Dans le fond… pourquoi pas, ça dépend de ce que l’on met derrière le mot “Optimisation”. La plupart du temps malheureusement l’optimisation des processus se concentre sur… les processus, indépendamment de leur finalités, exactement de la même manière que le cost-killing se concentre sur la réduction des coûts.
Le dogmatisme de la mesure peut mener au court termisme
Cela conduit à de graves erreurs car dans le système Lean la voix du client est au cœur de tous les autres piliers et de tous les outils. Seule compte la valeur ajoutée pour le client. Rien ne sert de réduire un coût de revient unitaire si cela revient à réduire la valeur pour le client. Et c’est ce qui est difficile, car tous les outils du Lean, du 6 Sigma, de la théorie de contraintes ou tout simplement de la comptabilité analytique permettent de chiffrer précisément la réduction d’un coût de revient, ou la réduction d’un délai sur un processus, mais par contre la réduction de valeur client ne se chiffre pas aussi facilement.

Attention à la focalisation sur des aspects ou des outils secondaires de l’amélioration continue
C’est là où les ravages de principes tels que « un gain qui ne se mesure pas est un gain qui n’existe pas » qui ont bercé des générations de managers et consultants (à commencer par moi) amènent un court termisme qui peut être dévastateur. Effectivement « à court terme, un gain qui ne se mesure pas est un gain qui n’existe pas ». Mais un gain à court terme est toujours un mauvais gain s’il contribue à réduire à long terme la valeur pour les clients.
C’est en perdant de vue ces principes que le Lean est devenu pour beaucoup comme un synonyme de « coupage de têtes » dans la quête de réduction de coûts à court terme, de réductions de temps de respiration et de créativité car considérés à tort comme des gaspillages. In fine, un résultat à 180° des intentions initiales, en enfer alors qu’on avait pavé la route de bonnes intentions.
« Rien ne sert de réduire un coût de revient unitaire si cela revient à réduire la valeur pour le client » principe fondateur avec le conflit CT-LT et mesurable-pas mesurable : c’est très bien présenté.