La relation entre le Lean Management et les Middle Managers est particulièrement critique. Nous pensons que la philosophie Lean est nécessaire pour rendre les entreprises performantes : orientation client, optimisation des processus pour supprimer les gaspillages, responsabilisation des acteurs de terrain. Mais cette philosophie peut remettre en cause le fonctionnement du middle management. Or aucune transformation n’est possible sans relai managérial. Il faut donc anticiper la place attendue du Middle Management dans la future organisation Lean.
Les approches Lean ou agiles aplatissent les pyramides.
L’organisation schématique pyramidale est très liée au modèle de taylorisation. L’approche Lean tend à supprimer tous les contrôles inutiles et à viser une diminution de la bureaucratie, au profit d’une responsabilisation des opérationnels. Dès lors, elle peut aboutir à une réduction des couches hiérarchiques et l’on peut comprendre que les personnes situées dans les couches en question ne soient pas alliées de la démarche si leur futur rôle n’a pas été anticipé.
Pour autant, il n’est pas question de supprimer tout échelon intermédiaire, tout management. Même les organisations dites « libérées » ou « holacratiques », définissent des cercles avec des « premiers liens. » Les unités opérationnelles sont nécessairement de taille réduite pour être efficientes et il faut donc nécessairement des rouages pour permettre une interaction harmonieuse entre les différentes unités, qu’elles soient de terrain ou du « siège ».
Et lorsque le besoin se fait sentir pour l’entreprise de faire bouger l’ensemble de l’organisation, les courroies de transmission intermédiaires que sont les managers restent indispensables.
Les transformation Lean doivent embarquer les managers
James Woomack, gourou du Lean Management, indique que la résistance du Middle Management est le premier obstacle à la transformation Lean. Une étude menée par son institut en 2007 montrait en effet que plus de 36% des entreprises considèrent cette résistance comme un obstacle, devant le manque de savoir-faire en termes de déploiement Lean (31%), et la résistance des employés (27,7%).
Comme pour toute transformation, il est nécessaire de s’appuyer sur la courroie de transmission que sont les managers. Il faut donc des managers convaincus, et prêts à transformer leur propre pratique.
Les nouveaux managers : d’une posture dirigiste à une posture de coach
Notre propre étude sur la révolution industrielle numérique le montrait : le rôle des managers change. Plusieurs dirigeants interrogés avaient attiré notre attention sur la fin des managers « qui savent et qui disent ce qu’on doit faire », au profit des managers qui « donnent du sens » et qui aident les équipes à progresser et à trouver leurs propres solutions. Comme le disait un des dirigeants que nous avons interrogés : « A la minute où se pose une question, le collaborateur est sur son smartphone en train de taper sur wikipedia et il aura en 30 secondes une réponse que son manager n’arrivera jamais à exprimer aussi bien. »
Tout cela est plus facile à dire qu’à faire. On ne s’improvise pas « coach » du jour au lendemain. C’est un chemin à parcourir, mais la bonne nouvelle est qu’une majorité de managers en sont conscients et sont prêts à y aller.
Bonne question Christian,
mon expérience militaire (eh oui, nobody’s perfect) m’a montré que si commandement et management diffèrent, il est essentiel d’avoir un middle management efficace. Dans ce métier, c’est le cours des sous-officiers et d’une certaine façon des jeunes officiers subalternes qui en tient lieu. La qualité de ces hommes et femmes fait toute la différence. Au point que les armées qui en sont dépourvues (Russie en terme de statut, UK en terme de qualité) ont des lacunes au combat. La force (au sens de capacité de résilience) de nos armées (FR) est due à la qualité du recrutement, de la formation et des tâches confiées aux sous-officiers, comme nulle part ailleurs.
Pour finir, le lean management ne devrait pas s’attaquer aux hommes ni aux niveaux hiérarchiques mais aux temps perdus et aux processus inutiles que l’on doit optimiser en « temps réel ». Voilà l’enjeu selon moi.
Merci Benoît pour ce commentaire. Je crois que je ne dis pas quelque chose de très différent finalement. Ce que les entreprises « Lean » ont tendance à naturellement faire, c’est gommer progressivement les phénomènes « d’armée mexicaine » (pour rester dans l’analogie militaire) qui peuvent parfois exister. Par contre, la courroie de transmission que constituent les managers est bien absolument essentielle, et j’encourage justement à ne pas la négliger.