Philippe Muller, expert Lean du cabinet ISlean consulting, nous livre son point de vue sur les récents remous connus par Toyota et leur impact sur le modèle du Lean Management :
Les récents événements auxquels le constructeur nippon doit faire face alimentent le spectre de la fin du système de production admiré. En effet, la littérature journalistique nous abreuve d’informations montrant les failles d’un modèle économique, dont les principes largement répandus résonnent avec le Lean Management. Ainsi quand Toyota souffre, le Lean Management serre les dents. Serait-ce la douleur d’une promesse de valeur non tenue ?
Constatons cet épiphénomène dans la success story de Toyota. En 50 ans le constructeur automobile s’est hissé au premier rang mondial. Son principal adversaire, Général Motors, vient de succomber sous le poids de la crise, emportant avec lui le fleuron de l’industrie automobile américaine. Est-ce surprenant de voir l’écho de l’affaire aux USA ? Entendrons-nous le PDG de Général Motors présenter ses excuses pour les 14 accidents provoqués par un problème de direction assistée, dont les effets sont le rappel de 1,3 millions de véhicules ?
Restent donc les faits, c’est-à-dire le rappel des véhicules défectueux.
Une faille du système de production ? Plutôt une mauvaise gestion du risque opérationnel. Le problème a été constaté par les équipes de production, et rappelons qu’un principe du Toyota Production System est de stopper la production dès qu’un défaut est relevé afin d’en déceler la cause et trouver une solution pérenne. En réalité, c’est la gestion du risque relatif à ce défaut qui est à remettre en cause dans cette mésaventure. En effet, le problème d’accélération brutale a bien été mis en exergue. Des problèmes ont été identifiés, par exemple les tapis de sol. L’analyse AMDEC (Analyse des Modes de Défaillance, de leurs Effets et de leur Criticité) aurait dû mettre en exergue des caractéristiques de défaillances non solutionnées. La mauvaise gestion du risque inhérent à l’absence de déploiement de solutions exhaustives, conduit aujourd’hui Toyota a rappeler plus d’un millions de véhicules, et à se lancer dans une campagne de crédibilisation auprès de ses clients. Pour quel coût ? Sans doute plus élevé que celui consacré à trouver l’ensemble des solutions à ce problème.
Et si le système de production était défaillant ?
Cela constitue une opportunité d’amélioration fondamentale (Kaizen) et un challenge. Ce sont deux piliers du « Toyata Way » si justement évoqués par J. Likker. Cette culture managériale caractérisée par une réflexion systématique (Hansei), se nourrit de ses échecs et dénigre l’autosatisfaction. Les problèmes, la cause et les solutions opérationnelles sont déployées par les ouvriers. Si la perfectibilité humaine est peut-être une des sources du dysfonctionnement, elle constitue un atout pour le modèle T.P.S. qui est auto apprenant et motivant pour les ouvriers qui repensent leur tâches parce qu’il sont confrontés au besoin d’amélioration.
De cette tourmente, Toyota se relèvera plus fort.
Quelle leçon en tirer pour toutes les DSI s’intéressant à l’approche Lean ?
De cet événement entachant la réputation du T.P.S., peu d’éléments peuvent apporter un enseignement. Peut-être un lieu commun qui consisterait à rappeler que toutes défaillances non solutionnées totalement dans un flux, conduisent inexorablement à des défauts. Lorsque ceux-ci sont constatés par le client final, le coût est démultiplié et les impacts en terme d’image, désastreuses. Un changement dans le management des équipes de production informatique ? Hors gestion de crise, le management doit privilégier les efforts sur la qualification des changements et sur la résolution de problèmes à la gestion des incidents.
Penser que les bons processus donnent les bons résultats :
Les défauts ne sont donc pas des défaillances humaines mais des opportunités fondamentales. Cependant, il n’y a pas un bon modèle de processus. Ainsi, il y a autant de systèmes de production Lean que d’entreprises. Le succès ou l’échec d’un programme Lean se joue donc sur d’autres facteurs clés de succès.
Quels sont-ils pour une Direction des Systèmes d’Information ?
- – Piloter la valeur d’usage du SI, c’est-à-dire définir l’activité de la DSI par les yeux de ses clients.
- – L’implication de l’ensemble du management, garantie par l’alignement des objectifs individuels avec la performance des flux de valeurs.
- – La mise en œuvre d’une réelle culture d’amélioration continue et d’une réflexion systématique sur l’élimination des gaspillages.
- – Un respect des hommes ainsi qu’une approche managériale résolument tournée vers la vision « terrain ».
- – Eviter les investissements sur les projets de réorganisation : faites mieux, ce que vous faites déjà bien
Philippe Muller
[…] en parlions il y a un an ici même : Toyota rappelait 10 millions de véhicules suite à des accusations de défaillances au niveau des p…. Cette défaillance, qualifiée d'ASI (Accélération Soudaine Involontaire) avait fait grand bruit […]