Le design d’expérience utilisateur (UX design dans la langue de Shakespeare) est une activité très en vogue. Toutes les entreprises y investissent une énergie considérable, tous les organismes de formation et autres écoles en proposent. Il faut bien admettre que pour nombre de produits de la vie courante, nous n’avons plus besoin de mode d’emploi tant l’usage voire la maintenance sont devenus simples. Pour autant cette notion est quasiment à 100% associée au monde du digital. N’y a t-il pas un angle mort trop facilement oublié par les industriels et autres organismes de formation ?

L’UX design : un sujet en vogue

On entend partout parler d’expérience utilisateur (User Experience / UX en anglais) UX Design, User Interface, UI Design… . Les investissements et les énergies qui sont mis sur ces sujets sont apparemment colossaux. Une simple recherche Google montre à quel point ce sujet est devenu répandu et ce, partout dans le monde.

UX design sur Google Trends

La progression des recherches Google sur le terme UX Design depuis 2004

Nous avons également des consultants qui démissionnent pour réorienter leur carrière sur ce domaine. 🙁

L’UX design : un sujet apparemment 100% digital

Une simple recherche Google sur l’UX design ne remonte que des liens qui ont partie liée avec l’UX design de produits numériques.

Même l’école des Gobelins affiche la page suivante :

La page de présentation de la formation UX Design à l’école des Gobelins

Il apparait que les publics concernés sont « les webdesigners, les graphistes… de sites ou d’applications mobiles,… chefs de projets digitaux ». Pourtant la description du sujet « design d’expérience utilisateur » mentionne « … ou de tout autre produit ou service, en amont du travail de conception, de création ou de développement ».

La réalité semble être qu’on investit massivement dans le design d’expérience utilisateur des produits numériques mais beaucoup moins dans les autres types de produits ou services.

L’expérience utilisateurs des produits non numériques : le parent pauvre de la discipline ?

Pendant mes congés j’ai vu deux exemples récents qui m’ont marqué (enfin marqué… j’exagère un peu… disons que je les ai notés).

Le premier concerne une voiture automatique récente. Primo je note que l’expérience utilisateur du démarrage fonctionne bien car l’écran numérique derrière le volant affiche des instructions très claires sur le démarrage : « appuyez sur la pédale de frein et en même temps appuyez sur le bouton Start » ; avec un petit dessin, bref plutôt bien fait en terme d’accessibilité. A noter que sans ces indications sur cet écran LCD l’utilisateur non habitué à une voiture automatique ne sait pas comment démarrer.

Mais il y a quelques petits oublis. Par exemple, sur cette voiture, l’enclenchement de la marche arrière nécessite d’appuyer sur un petit bouton situé sur le levier de vitesse et là aucun écran ne l’indique. Lorsque j’ai prêté la voiture à ma sœur, ça n’a pas raté, 30 minutes après j’avais un appel de détresse « je suis bloqué sur le parking du supermarché, je n’arrive pas à passer la marche arrière ».

Autre exemple : mon épouse est partie passer quelques jours avec ses neveux en vacances. En préparant des accessoires de jeux de plage, elle a déniché un ballon de volley qui trainait dans notre appartement. A son retour, je la vois déballer ses affaires et lui dit « mais c’est pas un ballon de volley que tu as pris pour tes neveux ! c’est un medecine ball ! (c’est à dire une balle lestée, utilisée pour la musculation ou la rééducation par les kinés notamment). « ça c’est bien passé le volley avec tes neveux de 10 ans ? ils ont pas été traumatisés ? » Sachant que pour les enfants on préconise plutôt des ballons plus légers, il y a de forts risques de les dégouter de ce sport. La relève de nos français, champions olympiques de Volley-Ball, a du plomb dans l’aile 🙂

Evidemment il n’y avait aucune mention sur le medecine ball sauf un chiffre 500 qui signifiait que le ballon pesait 500g (mais à moins d’être kiné ou entraineur de volley impossible de le savoir).

Le fossé est peut-être en train de se creuser entre l’UX du monde numérique dans lequel nous investissons massivement et l’UX du monde physique non connecté qui n’intéresse plus grand monde ? La solution vers laquelle le monde semble s’orienter est la mise en place de puces dans tous les objets (objets connectés) afin de les raccrocher d’une manière ou d’une autres à des applications ou des services Web censés contrôler et/ou fournir toute information utile à la bonne utilisation des produits, mais cela couvrira t-il 100% des besoins ? et est-ce écologiquement et économiquement la meilleure solution à chaque fois ?

Améliorer l’UX des produits non connectés : un challenge relevé

C’est déjà compliqué car nos ressources, nos écoles d’ingénieurs, nos écoles de design se sont résolument tournées vers le numérique et il y a beaucoup moins d’investissement sur ce qu’on pourrait qualifier de « low tech » (pour simplifier je considère comme du « low tech »  tout ce qui n’est pas numérique ou couplé à un objet numérique). Heureusement que certains irréductibles comme mon ami Nicolas, avec sa boutique du futur, font l’exception qui confirme la règle.

Mais le double effet kiss cool c’est que l’UX design de nos objets numériques et de nos applications a effectivement drastiquement progressé. Les utilisateurs sont désormais habitués à manipuler des choses nouvelles de manière simple, ou en tout cas avec une courbe d’apprentissage qui se fait progressivement et en autonomie, tous les jours. Ils ne savent plus manipuler des objets low tech ou lire un mode d’emploi. Modes d’emploi qui se réduisent maintenant à une succession d’images plus ou moins claires et au mieux une URL nous donnant accès au téléchargement d’un mode d’emploi plus détaillé pour les vieux cons comme moi.

Le résultat était prévisible : après avoir discuté avec un ami qui s’est un temps reconverti dans le dépannage électroménager et avec mon épouse qui dirige un SAV, c’est hallucinant le nombre de personnes qui viennent ramener leur aspirateur pour en réclamer un neuf car ils ne savent pas qu’il faut le vider ou changer le sac, qui ramènent leur machine à laver 3 ans après alors qu’il faut simplement nettoyer le filtre de vidange, … . Sans parler l’été sur le bord des routes le nombre de voitures qui ont cassé le moteur simplement parce que personne ne vérifie le niveau d’huile avant de faire un trajet.

Nous sommes confrontés à ces sujets sur nos projets de transformation à l’ère du digital. Certes il y a (quasiment) toujours du numérique dans nos projets, mais notre force c’est de ne pas oublier à la fois l’humain qui va s’en servir tous les jours, mais aussi les autres petits détails, le dernier kilomètre de la conception ou de la mise en œuvre, qui font la réussite du projet et qui n’ont parfois aucun lien avec le digital. Si vous êtes confrontés à ces sujets sur vos projets de transformation, contactez nous.