Dans le cadre de nos rencontres avec des entrepreneurs, nous avons eu la chance de rencontrer Benoît RAPHAEL, cofondateur de la plateforme pour la veille d’information grâce à l’intelligence artificielle,FLINT. Benoît partage pour ISLEAN le parcours de l’aventure entrepreneuriale et son expérience.

Quel est le problème à résoudre qui a lancé le projet ?

Le but principal de FLINT est de permettre aux utilisateurs de s’informer de façon équilibrée. Aujourd’hui, il y a tellement de sources d’information qu’il est très difficile de suivre tous les fronts. On appelle cela l’infobésité, la surconsommation et saturation d’information. On parle même de FOMO (Fear Of Missing Out), un syndrome qui décrit la peur de rater quelque chose FOMO, et qui nous amène à nous surinformer, tout en stressant de ne pas assez le faire, ou en ayant le sentiment d’être paradoxalement moins bien informé.  

Trop d’information tue l’information et freine la prise de décision ou nous amène à faire des erreurs de jugement. Le sentiment de saturation (qui touche plus de 7 Français sur 10 selon une étude Flint/IFOP de 2021) pousse notre cerveau à déclencher des mécanismes mentaux, pour se décharger, ce qui favorise les biais de confirmation, l’enfermement dans les bulles d’information, et le développement des fake news. Au risque de passer à côté d’une vraie richesse d’information, noyée par le bruit informationnel organisé par les moteurs de recherche et les réseaux sociaux.

Comment FLINT propose de s’informer de manière équilibrée ?

Grâce à l’intelligence artificielle, les abonnés peuvent créer en quelques minutes à peine des newsletters intelligentes alimentées automatiquement par les robots,  avec une sélection des meilleurs contenus d’information diffusés sur Internet. 

L’algorithme permet de gagner du temps, entre 1 et 4 heures de veille par semaine, tout en mettant l’accent sur la diversité des sources d’information pour élargir notre vision et détecter les signaux faibles dans le bruit et les tendances, tout en nous protégeant des fausses nouvelles. Ces sources sont sélectionnées grâce à l’analyse de la valeur nutritionnelle (la valeur scientifique, la valeur d’innovation et le biais d’opinion) des contenus. On obtient ce score par l’analyse du comportement de plus de 22.000 experts avec plusieurs millions de contenus. 

FLINT est en constante évolution et mène ainsi des ateliers collaboratifs avec ses clients pour enrichir les sources d’informations et améliorer leur produit.

Cela permet à FLINT de garantir non pas l’exhaustivité de l’information mais plutôt la qualité et la diversité. Cela permet aux abonnés de ne pas tomber dans le biais de confirmation,  de s’inspirer et de s’ouvrir l’esprit, en même temps qu’ils ne se noient pas dans trop de sources.

L’information collectée est envoyée via une newsletter personnalisée, quotidienne, hebdomadaire ou mensuelle. C’est ainsi une newsletter intelligente qui fournit les informations riches en sources, contrastes et fiabilité. 

Comment FLINT a-t-il été lancé ?

Journaliste de profession, Benoît voulait permettre aux personnes d’entendre le plus de voix possibles tout en évitant l’intoxication informative. Cela est notamment difficile car les algorithmes des réseaux sociaux ne favorisent pas la qualité des informations mais plutôt l’addiction via l’émotion. Les personnes se noient ainsi dans l’information sans pouvoir saisir les éléments clés ni le contexte. Surtout, il voulait trouver une solution qui permet de gagner de temps dans la recherche de la bonne information, sans sacrifier ni la qualité ni la diversité.

Pour lutter contre ces algorithmes, il fallait d’autres algorithmes, mais vertueux. C’est ainsi que Benoit, avec Thomas Mahier, ingénieur de formation, a créé un premier robot prototype : Jeff. Un robot longuement entraîné par Benoît à comprendre et sélectionner les types de sources et les informations essentielles sur l’innovation dans les médias. Impressionné par la qualité de la sélection du robot, qui trouvait des infos de qualité mieux que lui-même, expert des médias, ne parvenait à le faire, Benoît et Thomas se sont lancés dans la nouvelle aventure, FLINT.

Comment s’est passée la première année de l’aventure ?

Trois ans après le lancement, 2020, FLINT comptabilisait 19.000 abonnés, dont 200 payants. Pour développer la croissance et faire connaître le service, Flint a lancé une levée de fonds auprès de ses abonnés et clients. Ils avaient besoin d’environ 500 000 € et les clients et abonnées ont participé à hauteur de 300 000€. FLINT a sollicité le montant restant à la BPI mais des erreurs dans la procédure n’ont pas permis de lever le montant nécessaire.

Avec un taux de conversion moyen de 50% des rendez-vous en clients, ils avaient de bonnes chances de réussir ce but. Cependant, ils manquaient de notoriété et donc des rendez-vous à convertir en clients. Un an après la levée de fonds, les 150.000€ qui n’avaient pas pu être levés, compilés avec des erreurs dans le recrutement et le ralentissement lié à la pandémie, manquaient cruellement à l’entreprise, la date de mort de la startup a été avancée en novembre 2020, au cas où ils n’arrivaient pas à retrouver rapidement du chiffre d’affaires.

Après avoir réfléchi à des solutions, ils ont décidé de tout simplement raconter leur problématique à leur communauté et sur LinkedIn. Nous sommes habitués à lire les histoires des échecs après la mort des projets et pour partager les apprentissages. En effet, ce n’est pas courant de lire l’histoire d’un projet qui s’approche de la date de mort. Or, c’est justement ça qui a sauvé Flint.

Leur situation, expliquée au moment qu’elle se passait, a fait réagir les réseaux sociaux notamment car ils n’étaient pas les seuls à être dans cette situation. Cela a donné une voix de réconfort pour plusieurs entrepreneurs. Plusieurs personnes se sont ainsi approchées d’eux pour les mettre en relation avec des potentiels clients. En deux mois, ils ont eu 100 mises en relation, 50 rendez-vous et 120 000 de chiffres d’affaires. Dans le même temps, Flint a réduit son cashburn de 50% en moins de deux mois.

FLINT aujourd’hui ?

L’équipe de FLINT se compose aujourd’hui de 3 associés  principaux (dont les deux fondateurs) et de 600 abonnés/actionnaires (détenteurs de 30% de l’entreprise depuis un an).

FLINT est disponible partout dans le monde en français et en anglais. Or, le marketing se concentre principalement en France. Ils proposent deux offres en ce moment :

  • Une offre gratuite pour les particuliers avec 20 000 abonnés. Avec cet abonnement, les utilisateurs ont le robot Odyssée qui consolide les informations qu’ils souhaitent connaître.
  • Une offre payante, proposée aux professionnels et entreprises. Plusieurs dizaines d’entreprises et organisation en bénéficient. L’abonnement est annuel et le prix varie entre 1500 et 15 000 euros par an selon la taille de l’entreprise.

Les principaux abonnés sont des cadres dans la direction d’innovation et marketing utilisent cette offre principalement pour acculturer leur équipe et leurs clients à l’innovation grâce à la création automatisées de newsletters intelligentes.

Par ailleurs, FLINT compte 1 000 abonnés sur Discord. Dans cette plateforme, ils échangent sur les robots, l’esprit critique, la désinformation. Ces abonnés sont de tout parcours : journalistes, scientifiques, enseignants, consultants, directeurs d’innovation, étudiants, et même un boulanger et une responsable de tabac presse…

Quelle est la suite de l’aventure ?

L’objectif principal pour FLINT en ce moment est d’atteindre la rentabilité. Principalement en continuant de simplifier leur service, en s’appuyant sur les usages de leurs utilisateurs, afin d’avoir un modèle léger en termes technologique et humain, avec le moins de maintenance possible. 

Par ailleurs, Flint continue son effort d’innovation en s’associant avec un laboratoire de recherche pour la création d’un étiquetage de l’information pour en déterminer les éléments nutritifs : 

  • valeur scientifique
  • valeur d’expertise
  • biais d’opinion 

Un autre objectif est d’étendre l’effort marketing et business vers le marché anglo-saxon.

Quelques conseils pour ceux qui voudraient se lancer ?

  • Les clients apprécient beaucoup la transparence et la sincérité
  • La technologie pour le bien-être social et non pour le seul profit engage plus facilement les clients
  • Démarrez au plus vite ! Il vaut mieux commencer avec un projet pas très abouti et en cours d’évolution au lieu d’attendre le produit parfait. Plus vous attendez, plus le risque d’échec augmente et les marges de manœuvre financière, créative et technique se réduisent. 
  • Respecter les dates de lancement même si le produit n’est pas finalisé. Vous aurez l’occasion de corriger en cours de route sans avoir à gaspiller votre temps et votre argent
  • Évitez de vous éparpiller. On peut avoir plein de bonnes idées et une volonté à suivre toutes les dernières tendances, mais il vaut mieux se concentrer sur un sujet. Tout comme avec l’information, il faut trier et prioriser. Et avancer par petites étapes.
  • Être très proche de ses clients car ils sont au cœur du produit. C’est avec sa communauté que l’on apprend le plus et c’est en fait la base de l’innovation
  • Autant de modèles de succès que d’entrepreneurs au monde. Ne vous laissez pas décourager par les histoires de succès d’autres. En tant qu’entrepreneurs, nous sommes sensibles à l’avis des autres et à l’expérience des autres. Il est effectivement très facile d’essayer de se comparer et de se décourager car son projet à soi ne suit pas le modèle de succès des autres.