Dans le cadre de nos rencontres entrepreneurs, cette semaine nous allons à la rencontre d’INTACT. Hugo Cence est président et CEO d’Ekoscan depuis 2015, une entreprise spécialisée dans le Contrôle non-destructif (CND) à Chalon-sur-Saône (Bourgogne-Franche-Comté). Le CND est l’équivalent de l’échographie médicale appliquée à l’industrie. L’objectif est de détecter les défauts avec une échographie ultrasonore dans les matériaux. Ekoscan intervient soit en fabrication, soit en maintenance dans plusieurs industries : nucléaire, ferroviaire, aéronautique et spatial, pétrochimie, métallurgie, navale… En 2021, il a cofondé une startup filiale INTACT spécialisée dans les tests ultrasons et 3D de contrôle qualité pour sécuriser les équipements industriels en utilisant un robot.

INTACT : des robots pour sécuriser les équipements industriels

Quel est le problème d’origine à résoudre que vous avez identifié et qui a lancé le projet INTACT ?

Au départ, Air Liquide est venu à notre rencontre pour détecter des fissures d’hydrogène sur les purificateurs d’hydrogène, ce sont des fissures très fermées et difficiles à détecter. Air Liquide fournit de l’hydrogène sur les sites pétrochimiques, cet hydrogène est utilisé pour du raffinage par exemple. Avec INTACT, nous avons mis une méthode au point pour détecter les fissures et sécuriser les équipements industriels. 

Quelle est la solution que vous proposez pour y répondre ?

Nous avons conçu un robot qui permet de modéliser en 3D l’intérieur d’une structure sans toucher à l’intégrité de l’équipement. Notre solution permet d’assurer le contrôle qualité des structures métalliques ou composites afin d’éviter les risques industriels, de sécuriser les équipements industriels et d’augmenter l’efficacité opérationnelle.

Nous avons conçu un robot permettant de réaliser la modélisation en 3D de l’intérieur d’une structure sans impacter l’intégrité de l’équipement. Le robot a été développé intégralement par INTACT sur tous les niveaux : acoustique, électronique, software. Le robot est un condensé de haute technologie, un brevet est partagé avec Air Liquide. Deux ans ont été nécessaires pour développer le robot qui est sur site depuis décembre 2021.

Un robot à la place de l’échafaudage 

Un des avantages du robot est la facilité pour réaliser les inspections. Sans robot, pour réaliser l’inspection, il fallait enlever toute la peinture des purificateurs d’hydrogène, monter des échafaudages. A présent, le robot est totalement automatique, il n’y a plus besoin de réaliser ces tâches et surtout le robot peut intervenir en dehors des arrêts de maintenance, les gains financiers sont importants. 

Avec ce robot, nous avons un contrat d’exclusivité avec Air Liquide concernant les gaziers mais nous pouvons travailler avec d’autres sociétés comme TotalEnergies, BP…, les chimistes. 

Hugo Cence, CEO d’Ekoscan et d’INTACT

Comment avez-vous lancé le projet ? 

J’ai repris la société Ekoscan en 2015 avec mon associé Valentin Perret. On était 4 personnes avec un chiffre d’affaires de 500 000 €. On a orienté le modèle vers de la solution auprès d’industriels plutôt que d’avoir un catalogue de produits standards. Nous avons rencontré Air Liquide sur le salon Esope en 2016, salon des composants sous pression. On a commencé par une étude d’écoute acoustique, puis un partenariat pluri-annuel avec leur département R&D. 

L’objectif a été de proposer à Air Liquide la mise au point d’un capteur spécifique au lieu d’un capteur standard pour la détection de fissure sur les purificateurs d’hydrogène. On est allé jusqu’à rédiger toute la mise en œuvre pour réaliser les contrôles sur les purificateurs PSA (Pressure Swing Adsorption). Le PSA est la technique la plus utilisée pour purifier l’hydrogène. 

Maintenant on déploie cette solution sur les sites d’Air Liquide. Comme au départ, notre spécificité était plutôt la fabrication du produit, on a créé INTACT une entité dédiée à la prestation de services en 2021. La société INTACT est constituée de 3 départements : 

  • Engineering pour développer le robot qui sert de solution en vue des inspections
  • Inspection avec personnels se déplaçant sur site pour réaliser les inspections
  • Mechanical integrity qui récolte toutes les données pour réaliser la predictive maintenance du risk based inspection, c’est-à-dire que l’on peut programmer les prochaines inspections en fonction de calculs qui sont fait en interne. On est donc capable par rapport au fonctionnement du composant qui purifie l’hydrogène de prédire la vitesse de propagation de la fissure sur les purificateurs. Les prochaines inspections et maintenances vont être programmées en fonction de ses calculs. 

Comment fonctionne le robot ?

Le robot suit les soudures grâce à un laser, il peut donc inspecter le volume de la soudure grâce aux ultrasons. Puis on vient traiter ces données pour voir s’il n’y a pas de fissuration dans les soudures. Les composants sont soumis à des cycles de fatigue car pour purifier l’hydrogène, il faut monter à des hautes pressions qui peuvent générer des fissures sur les zones de contraintes que sont les soudures. La détection de la fissure le plus amont possible permet d’anticiper des arrêts de production inopinée. 

Le robot au cours de test en usine

Pourquoi êtes-vous entrepreneur, et pas salarié ?

L’argument numéro un est la liberté qu’apporte d’être entrepreneur au quotidien. On a la liberté d’entreprendre, la liberté d’investir, la liberté de prendre des décisions stratégiques. Tous les jours, on est confronté à beaucoup de risques, de responsabilités et de problématiques mais je prends beaucoup de plaisir à chercher à les résoudre. J’aime aussi l’aspect humain : gérer, embaucher, discuter avec les équipes. C’est ce qui m’anime et qui fait que tous les matins je me réveille pour aller travailler.

Au départ, j’ai été 2 ans à Marseille dans le centre de R&D d’une grande société. J’ai quitté le salariat car j’avais envie d’entreprendre et j’étais persuadé qu’il y avait énormément à faire dans ce milieu.

Quel est l’avancement de l’entreprise aujourd’hui ? 

INTACT, créé en 2021, a bouclé l’année à 1,1 million d’euros de chiffre d’affaires. On a un budget sur 2022 à 2,2 millions, donc avec une croissance à 100%. Comme prévu initialement, on vise une levée de fonds entre 15 et 18 millions d’euros cette année. On a fait notre première croissance externe en octobre 2021, donc dans les 12 premiers mois d’INTACT en prenant une forte participation dans le capital d’une société américaine car on ne pouvait pas intervenir directement aux Etats-Unis à cause du Covid.  

Au total Ekoscan et INTACT réunies représentent 42 personnes.

Les prochaines étapes envisagées ?

A l’heure actuelle, avec INTACT on intervient principalement en Amérique du Nord et en Europe avec le robot. Il a été testé pour la première fois à Anvers en Belgique en décembre 2021. Deux robots fonctionnent actuellement : 1 au Mexique et 1 en Europe. L’objectif est d’en faire fonctionner 5 à la mi-année 2022. 

On a l’objectif de créer un bureau en Asie pour couvrir cette partie du monde, on est accompagné par une banque d’investissement. 

Le robot en action sur un purificateur d’hydrogène

Quel apport personnel et partage d’expérience en tirez-vous ? 

C’est passionnant d’être en contact en permanence avec les industriels et leurs problématiques. De même, créer de la valeur ajoutée en France, ramener de l’emploi industriel en France, je trouve que c’est intéressant. Ca fait aussi plaisir que des industriels français comme Air Liquide mais il y a en a d’autres comme EDF ou la SNCF, accompagnent des PME françaises pour développer des technologies et de la valeur ajoutée en France. Le Covid a renforcé cette volonté de travailler avec des sociétés nationales, on le voit notamment sur le nucléaire.

Le plus dur est de construire une équipe, d’avoir la confiance des collaborateurs, d’avoir une ambiance de travail qui est bonne malgré les enjeux industriels et la pression des clients. Attirer des jeunes quand on est petit reste compliqué. Pour moi le reste, comme la comptabilité ou le développement commercial viennent avec le temps et on s’entoure, le plus dur est de former une bonne équipe.

Quels conseils donnez-vous à ceux qui ont envie de se lancer dans l’entrepreneuriat ?

Si la personne est convaincue par son projet, il ne faut pas qu’elle hésite, il ne faut pas avoir peur de l’échec et des problèmes qui arrivent au quotidien. Il faut rester positif. Ce qui est aussi important pour se lancer est d’avoir un client, il n’est pas nécessaire d’en avoir dix, un suffit si la confiance est présente.