Dans le cadre de nos entretiens entrepreneurs, je vous propose de rencontrer aujourd’hui Alice Tourlonias, cofondatrice et CEO de NOCNOC. L’entreprise basée à Lyon a développé la location d’appartements de grande taille pour courte durée. 

Avec NOCNOC, Alice Tourlonias dépoussière la location d’appartements de grande taille pour courte durée

1. Quel est le problème d’origine à résoudre que vous avez identifié et qui a lancé le projet ?

L’idée vient de mon expérience personnelle. Au départ, en 2014 j’étais en stage à Paris. J’étais payée 700 € par mois et mon loyer était de 800 €. En 2014 Airbnb était en plein boom en France donc j’ai surfé sur la vague des possibilités qu’ils avaient créées. J’ai commencé à louer mon appartement en home sharing, le concept de base d’Airbnb. C’était super sympa. J’avais un coloc la semaine et le weekend je rentrais chez moi à Lyon pour voir mon copain, l’appartement était encore loué. Je touchais un revenu qui me permettait de tenir le coup pour ne pas subir la hausse des loyers et le coût des études. A l’époque, mon propriétaire habitait dans le même immeuble que moi. J’ai voulu trouver une solution pour ne pas l’effrayer et ne pas me retrouver dehors en lui prouvant que j’étais professionnelle. 

2. Quelle est la solution que vous proposez pour y répondre ?

A l’époque, l’idée de NOCNOC était de légaliser le home sharing en allant démarcher les propriétaires et en leur faisant ajouter une clause autorisant les sous-locations à leur baux avec les étudiants contre une petite rémunération. 

En général, les propriétaires étaient partants mais le business plan n’était pas viable il aurait fallu réaliser un volume très important pour que l’entreprise soit rentable. Il aurait donc fallu que je développe une application et que je lève des fonds immédiatement pour recruter une équipe et faire de la communication. Mais je n’avais ni l’argent, ni la motivation pour me lancer dans ce genre de projet. 

Je voulais commencer tout de suite sans passer par une levée de fond. Le concept de home sharing me passionnait et c’était très rentable. Je me suis donc dirigée vers un modèle de conciergerie plus classique de la location d’appartements de grande taille et la demande venant des propriétaires qui avaient des biens à gérer a explosé très vite. 

3. Comment avez-vous lancé le projet ? 

Dans la continuité de ces premières expériences, tout s’est fait assez logiquement. J’en vivais avant même que les statuts ne soient déposés. 

De 2015 à 2016, j’ai pris un an pour mettre à plat tout ce que j’avais en tête : travail sur la création de l’image de marque et ADN de NOCNOC. Cette même année, je m’occupais de la comptabilité chez mon père 2 jours semaine. En même temps, j’avais mon appartement qui tournait sur Airbnb à côté pour vivre. 

Début janvier 2016, je posais les statuts et je mettais ma première annonce sur le chat des hôtes Airbnb lyonnais pour leur proposer de gérer leur bien dans la foulée. 3 mois plus tard j’avais déjà 25 mandats et j’étais sous l’eau. Accueil, communication, ménage, lavage des draps, je faisais tout de A à Z toute seule. Je me suis donc associée avec un ami, Paul Lebas, avec qui je parlais régulièrement du projet et qui aimait la gestion alors que moi j’étais plus dans l’opérationnel et la création. 

On s’est rapidement concentrés sur la location d’appartements de grande taille, parce que c’était une niche, personne n’avait cette cible. De plus, cela collait avec notre idée du partage et de la convivialité, la demande était présente et la rentabilité était 5 fois plus élevée que sur les petits appartements. 

Au départ, le business modèle était basé sur un pourcentage de loyer. Ensuite on s’est mis à proposer uniquement des loyers fixes au propriétaires grâce à une idée de Paul. A ce moment-là, la rentabilité a vraiment explosé. 

4. Comment avez-vous été accompagné pour la création de votre entreprise ?

Je me suis lancée relativement seule mais j’ai été accompagnée sur les conseils stratégiques d’abord par mon entourage, et ensuite l’arrivée de mon associé Paul a fait la différence. Il venait de Kedge, l’incubateur de l’école nous a donné des conseils. On a aussi eu la chance de rencontrer 3 business angel entrepreneurs lillois dans le nettoyage industriel. Ils sont devenus des investisseurs dans l’entreprise en 2018. 

Sur l’opérationnel pur, j’ai été accompagnée par les équipes d’auto-entrepreneurs qui m’aidaient pour le ménage, l’accueil et les problèmes dans les appartements (fuite d’eau…). Au début, je n’avais pas du tout les moyens de salarier du personnel. De plus, la relation avec des auto-entrepreneurs me convenait mieux. C’est plus simple à gérer et amène davantage de proximité que le statut patron/employé que je vis aujourd’hui.

5. Quel est l’avancement de l’entreprise aujourd’hui ? 

On vient d’acheter notre premier immeuble, un hôtel de 22 chambres à Montpellier qu’on transforme en 6 grands appartements, c’est une belle récompense après 6 ans d’existence. A présent, nous proposons des appartements dans 8 villes françaises : Lyon, Marseille, Lille, Toulouse, Montpellier, Nantes, Bordeaux et Grenoble. Nous exploitons 5 Immeubles NOCNOC (3 à Lille, 1 à Lyon et donc 1 à Montpellier dont nous sommes propriétaires). Au total, on a 82 appartements pour 350 chambres dans notre catalogue et on continue d’en rentrer. On est 22 salariés avec plus de 70 collaborateurs.

Au départ, 80% de location venait de Airbnb, 15% booking, 5% arrivait directement par notre plateforme NOCNOC. A présent 40% des locations proviennent directement de NOCNOC, ce qui veut dire autant de commissions online travel agence en moins. 

On a réalisé un chiffre d’affaires de 3,3 millions d’€ en 2021. Le Covid nous avait fait perdre la moitié de notre CA en 2020. Cette année, on devrait faire 6 millions d’€.

NOCNOC : location d'appartement de grande taille

6. Les prochaines étapes envisagées ?

Aujourd’hui on fonctionne essentiellement en termes d’immeubles c’est plus facile pour nous à exploiter c’est mieux pour notre image de marque et c’est plus intéressant pour les investisseurs. On leur propose de plus grosses rentabilités que sur un mini appartement. 

On va ouvrir Nice et Paris et on vise également une capitale européenne.

C’est ce que font les hôtels au final on n’a rien inventé mais on a un peu dépoussiéré le modèle. Pour moi, c’est super important que les jeunes générations s’approprient le monde dans lequel elles vivent en venant questionner l’ordre établi. 

7. Pourquoi êtes-vous entrepreneur, et pas salarié ?

Pour plusieurs raisons : la liberté, la diversité des missions, les défis au quotidien, le fait de toujours chercher comment s’améliorer, comment s’entourer, à qui demander le bon conseil pour faire grandir la boîte. C’est une vraie passion.

Je n’avais jamais bossé dans des startups peut être que ça m’aurait plu mais l’univers de l’entreprise classique ultra hiérarchisée qui demande de faire du présentéisme et d’être expert en un domaine et surtout de se taire sur les autres sujets est devenu une hantise ultra rapidement. J’ai senti le besoin irrépressible de sauver ma peau. 

Il y a aussi un truc megalo dans l’entrepreneuriat je dois avouer. J’avais le sentiment que je ne serais jamais rémunérée à la hauteur de mes compétences, difficile de valoriser des softs skills quand tu es une femme et que tu n’as pas fait HEC ou médecine.

NOCNOC : location appartement grande taille

8. Quel apport personnel tirez-vous de cette expérience ?

J’ai appris que rien n’est jamais figé, rien n’est acquis, il faut toujours garder un plan b. Il faut aussi savoir saisir les opportunités quand elles se présentent, j’aurai pu laisser mon appartement sur Airbnb et en rester là. J’aurai pu tomber sur un mauvais associé, j’aurai pu ne jamais trouver de propriétaires ni d’investisseurs si j’avais regardé au mauvais endroit.

Je dirais qu’il est super important de toujours garder une vision 360 des problèmes pour prendre du recul. Être chef d’entreprise, c’est toujours gérer des problèmes donc il faut prendre de la hauteur. Je pense aussi qu’il n’y a pas de problème sans solution. En outre, il est primordial de mettre son ego de côté au service du collectif si on veut que ça fonctionne et ça c’est très dur quand on est jeune. L’entreprenariat est une leçon de philosophie permanente. 

9. Quels conseils donnez-vous à ceux qui ont envie de se lancer dans l’entrepreneuriat ?

Go go go ! 

“On ne perd jamais, soit on gagne soit on apprend”, c’est de Nelson Mandela pas de moi et c’est une pensée que l’on se répète tous les jours dans l’équipe. On reprend aussi la citation de Doui dans Malcolm : “Sois gentil, pas méchant c’est pas gentil d’être méchant.”