Dans le cadre de nos rencontres avec des entrepreneurs, nous avons eu la chance de rencontrer Grace Mehrabe, co-fondatrice et CEO chez Outmind. Grace partage pour ISLEAN le parcours de Outmind et son expérience.
Quel est le problème à résoudre qui a lancé Outmind ?
J’ai d’abord travaillé pendant plusieurs années sur le sujet de l’adoption des logiciels en lançant Lemon Learning, en 2014, avec Pierre Leroux. Lemon Learning commercialise des guides pas à pas pour former les collaborateurs à leurs outils internes (Salesforce, Microsoft 365). Dans ce cadre, j’ai observé qu’en moyenne tous les 6 mois, un nouvel outil était déployé auprès des équipes (observation sur des grands groupes). Deux enjeux en découlent : se former au nouvel outil, mais aussi créer une passerelle vers l’information qui s’y trouve, pour que l’utilisateur sache où aller pour retrouver ce qui l’intéresse. Or, on constate que la majorité des collaborateurs ont aujourd’hui au moins 3 outils différents par type de données (par exemple, les données client, projet, contractuelles…). Le but avec Outmind, c’est d’unifier l’expérience d’accès à l’information pour le collaborateur, pour lui faire gagner du temps, et lui éviter des erreurs parfois très coûteuses.
Pour cela, Outmind met à disposition un moteur de recherche interne qui va aider le collaborateur à identifier la bonne information, et si besoin, la personne la mieux placée pour l’aider sur le sujet recherché (via la prise en compte des contributions de chacun). Les collaborateurs peuvent instantanément identifier l’information dont ils ont besoin à un moment donné, pour se concentrer sur des tâches à haute valeur ajoutée.
Comment se positionne Outmind sur le marché de l’Enterprise Search ?
Outmind évolue dans le secteur de l’Entreprise Search : celui-ci existe depuis 15-20 ans. La plupart des acteurs du marché déploient des plateformes avec beaucoup de fonctionnalités spécifiques, fournissant généralement un mélange de produits et de services. Le problème, c’est que ces solutions complexes sont longues à mettre en place et souvent très coûteuses. Ces ventes nécessitent souvent l’intervention de cabinets externes, en charge de l’intégration.
A contrario, Outmind fournit son service de manière complètement “Plug & Play” pour que le client puisse synchroniser en quelques clics ses sources et commencer à utiliser la solution rapidement, sans faire appel à un intégrateur. Nous ne couvrons pas toutes les demandes du marché, mais pour des acteurs de taille intermédiaire, ou des équipes qui veulent rapidement bénéficier de ce type de service, c’est parfait : le temps de déploiement est accéléré, les coûts sont réduits, le tout sans impacter la qualité. Nos algorithmes de pertinence sont parmi les plus efficaces du marché, dans la mesure où nous utilisons des technologies très récentes, voire à l’état de l’art.
Comment fonctionne la solution proposée ?
Concrètement, on vient se connecter aux différents outils du collaborateur. On dispose d’un ensemble de connecteurs sur étagère qui viennent se brancher à Office 365, au serveur de fichiers, aux outils métiers comme le CRM… On propose à l’utilisateur une fenêtre de recherche qui intègre les principales sources de données, l’intégralité des résultats, et des fonctionnalités permettant de classifier l’information. Par exemple, si on identifie des contenus en particulier on peut les labelliser pour les rendre plus facilement identifiables pour les autres.
Le cœur du sujet, c’est la recherche. Outmind va retrouver tout type d’information grâce au titre et au contenu des éléments. Cela ne se limite pas à une recherche exacte : la solution intègre également des algorithmes de recherche sémantique et de machine learning qui permettent de comprendre le sens des mots et d’identifier des documents qui vont avoir des nomenclatures proches. Par exemple : en tapant “NDA” je vais pouvoir retrouver un “accord de confidentialité” ou encore un “contrat de non-divulgation” car le contenu des documents sont très proches – même si la langue n’est pas la même, qu’on a un acronyme face à un nom complet, ou encore que le mot clé est différent mais synonyme. Nombreux sont les utilisateurs qui en ont besoin, car il y a souvent plusieurs façons de nommer un même sujet ou document !
Comment se présente Outmind ?
Une fois installé, pour lancer Outmind, il suffit d’appuyer sur les touches “ctrl+espace” de votre clavier. Cela lance la fenêtre de recherche en surcouche de tous ses écrans (un peu comme Finder sur Mac, mais qui se limite à ce qui se trouve sur votre poste). En quelques secondes, on peut retrouver ce que l’on cherche, dans tous ses outils en cloud ou en local. L’idée est de ne pas bousculer les habitudes des utilisateurs, alors que l’on sait que l’acculturation à la technologie est variable au sein de chaque entreprise. On veut permettre à tout un chacun de se concentrer sur ce qui l’intéresse, sans avoir besoin de comprendre le fonctionnement en détail des différentes applications métiers – car concrètement, cela freine énormément leur usage.
Notre application sur le poste de travail est particulièrement plébiscitée par nos utilisateurs, mais l’application est également disponible sur n’importe quel navigateur web, et elle peut également être intégrée dans les interfaces internes de nos clients.
Comment collectez-vous les usages chez les clients ?
Les personnes qui ont le plus besoin de nous sont celles qui ont soit un très gros volume documentaire, soit un besoin fort de réactivité – ou les deux ! Quand on commence à déployer, on cherche donc à cibler en priorité ces utilisateurs-là. Notre tarif dégressif aide ensuite à passer à l’échelle. Suite à l’onboarding, nous réalisons régulièrement des interviews utilisateurs, pour améliorer en continu notre compréhension de leurs attentes, et donc nos fonctionnalités. Les enquêtes qualitatives sont très riches en informations. Certains de nos utilisateurs nous disent gagner plus de 3h par semaine grâce à Outmind. Enfin, on récolte également des métriques d’usage anonymisées, que l’on partage à nos clients. Par exemple, le taux de consultation des résultats permet d’estimer le ROI, puisque pour une solution comme Outmind, c’est l’usage qui fait la valeur.
Quel accompagnement proposez-vous à vos utilisateurs ? Comment mesurez-vous l’efficacité de votre solution ?
Lors de l’acquisition du produit, nous proposons une visioconférence d’onboarding pour ceux qui veulent plus d’accompagnement. Les utilisateurs vont alors prendre en main l’outil en étant guidés par notre équipe. Et par la suite, on fournit un support en continu sur la plateforme : les utilisateurs ont accès à une fenêtre de chat dans laquelle ils peuvent poser leurs questions.
Concernant la pertinence des résultats, nous l’évaluons grâce à une métrique de gain de temps à partir du nombre de clics sur les résultats. Concrètement, lorsqu’un utilisateur clique sur un résultat proposé par Outmind, on considère qu’il a gagné un peu de temps parce que:
- 8 fois sur 10 il a évité de faire plusieurs recherches (plusieurs minutes perdues),
- 1 fois sur 10 il a évité de solliciter une personne dans l’entreprise (5 à 30 minutes),
- 1 fois sur 10 il a évité de recréer de la documentation qui existe déjà (30mn à 2h)
La satisfaction des utilisateurs se mesure également à travers les parcours de recherche : par exemple, chez TNP Consultants, le taux d’abandon des recherchés est passé de 65% (données de recherche sur Office 365) à seulement 10% sur Outmind, grâce à une meilleure pertinence et une meilleure exhaustivité.
Comment s’est développé Outmind ?
J’ai lancé Outmind avec mon associé et CTO, Arthur Caillaud, au sein de l’accélérateur de l’école Polytechnique il y a 3 ans. Nous avons réalisé nos premières ventes début 2020, qui ont permis d’obtenir un premier financement à hauteur de 500 000 €. Cela nous a permis d’embaucher les premiers salariés – qui sont d’ailleurs toujours chez Outmind aujourd’hui ! Nous avons ensuite pu améliorer le produit et aller chercher davantage de clients (dont par exemple BPI France, Mazars, KPMG, Crédit Agricole…). Nous avons bouclé une seconde levée de fonds de 2M€ en septembre 2022. Aujourd’hui, notre challenge est de réussir le stade de l’industrialisation, avec de premiers passages à l’échelle chez nos clients.
Et demain ? Quelles sont les suites du projet ?
Notre premier enjeu est de devenir un leader européen sur le Search, et de viser plus généralement une échelle internationale rapidement. D’ailleurs, notre produit est déjà disponible en français et en anglais, et nous avons commencé à accompagner des clients au-delà de la France. Notre second enjeu est autour du produit : augmenter la satisfaction utilisateur pour les accompagner davantage. Généralement, on commence par une première équipe chez nos clients ; puis, l’usage prend dans cette population et se déploie progressivement dans la structure.
Notre objectif est de faire d’Outmind un réflexe pour les utilisateurs, pour rendre l’accès à l’information toujours plus simple, plus rapide et plus efficace pour eux.
Pourquoi l’entrepreneuriat plutôt que le salariat ?
Ma première expérience entrepreneuriale m’a d’abord permis de voir beaucoup plus concrètement l’utilité de mes cours de management, finance et comptabilité ! Mais surtout, je me suis rendue compte que je m’épanouissais là-dedans. Mes journées ne se ressemblaient pas, j’avais une sorte de stress positif qui me poussait à apprendre vite, et qui m’animait. J’ai d’abord fait ça pendant 3 ans en parallèle de mes études. J’ai enchainé avec un master spécialisé à l’ESCP avec une spécialisation en gestion de projet internationaux, car on commençait à mener des projets dans plusieurs pays d’Europe avec ma première boîte. C’est après mon départ et après avoir tenté 6 mois de salariat, que je me suis rendue compte que l’entrepreneuriat était davantage fait pour moi : je m’y épanouis tout simplement plus. L’investissement est plus fort, mais la récompense peut l’être aussi.
Quels conseils pour quelqu’un qui voudrait se lancer ?
Voici 2 conseils clés qui peuvent vous aider à vous lancer :
- Parler le plus vite possible à ses clients et les écouter. Il est important de valider avec eux que notre perception du problème et de la solution sont les bonnes. On s’est également concentré sur un cœur de cible très précis, pour ensuite se développer : en l’occurrence, d’abord auprès d’entreprises de conseil, avant d’intégrer d’autres industries. Quand on veut servir trop de gens, le risque est de ne pas réussir à servir assez bien chacun d’entre eux.
- Bien s’entourer. Car c’est une aventure qui est longue, complexe et avec des remises en question fréquentes. Avoir un bon entourage professionnel et personnel ouvre des portes et fait gagner énormément de temps.