Dans le cadre de nos rencontres avec des entrepreneurs, nous avons eu la chance de rencontrer Pierre-Baptiste Borges, co-fondateur de Rétine, une plateforme intelligente pour la réalisation, la diffusion et l’analyse d’enquête et de sondage.
Pouvez-vous nous expliquer votre parcours ?
Remontons quelques années en arrière, quand le sondage en ligne n’était encore qu’à ses prémices. Tout à commencé au lycée. Je souhaitais alors être journaliste et rédigeais des articles, que j’envoyais à plein de grands journaux dans l’espoir d’être publié. Sans grande surprise, ils étaient systématiquement refusés. J’ai donc eu l’idée de créer mon propre journal en ligne afin de publier du contenu sans restrictions.
En quelques semaines, j’ai monté un site WordPress et ai mis en ligne de premiers papiers, puis ai été rejoint par d’autres lycéens intéressés par la démarche : ainsi est né “Les Décryptages”. Notre équipe comptait une quarantaine de membres, partagés entre la rédaction d’articles et la gestion de la communication. Rapidement, je me suis concentré sur la gestion de la structure plus que sur la rédaction d’articles. Je jonglais entre le développement technique, l’amélioration de la présence en ligne, la création de partenariats et le recrutement de nouveaux journalistes en herbe. De quoi bien s’amuser quand on est lycéen et que l’on s’ennuie après les cours.
La découverte de l’entreprenariat
Ce premier pas dans le monde entrepreneurial, presque accidentel, a fait grandir en moi une forme de passion pour les sujets business. J’ai ensuite décidé d’intégrer une école de commerce pour continuer d’apprendre à gérer ces sujets. Le modèle post-bac m’épargnait deux années de classe prépa intensives et était donc parfait pour continuer à développer une activité entrepreneuriale en parallèle de mes études.
Peu de temps après avoir rejoint l’ESSCA, j’ai intégré la Junior-Entreprise de l’école. Cette association, calquant le modèle d’un cabinet de conseil, permet aux étudiants de travailler sur des missions pour le compte de réels clients ayant de réels enjeux. J’ai adoré. Deux années durant, j’y ai appris la gestion de projets, la gestion de clients, le management d’équipes. Une fois mon mandat terminé, j’ai créé le cabinet de conseil “Borlain” en m’associant avec Paul Poulain, ami et associé, avec qui nous avons continué à travailler sur des sujets similaires à ceux d’une Junior-Entreprise (études de marché, modélisation de business plan, création de sites web, …), pour nos propres clients. Un autre étudiant de l’école, Baudouin Arbarétier, nous a rejoints quelques temps avant la fin de l’aventure. Nous avons fini par vendre le cabinet à un repreneur, et je me suis par la suite associé avec Baudouin pour créer un nouveau projet : “Je te vois”.
En quoi consistait ce premier projet : “Je te vois” ?
Baudouin occupait jusqu’alors son temps libre à se former au développement informatique, apprenant plusieurs langages. En nous associant, nous avons vu une bonne complémentarité business/technique, qui nous permettrait d’adresser des besoins plus complexes que ce que j’avais pu faire auparavant. En échangeant avec un des derniers clients de Borlain, avant la vente, nous avions identifié une grande difficulté pour les entreprises de taille moyenne à formaliser et exploiter leurs grands jeux de données informatiques. Nous avons ainsi créé “Je te vois” dans l’optique de travailler sur des sujets de big data, accompagnant des clients dans leurs démarches de data management. Afin de développer une image de marque et attirer des clients, nous avons publié de nombreuses études sur notre site internet, qui analysent un sujet sous l’angle du big data (ex: les ventes de smartphone en France). Une fois publiées et partagées par la presse, ces études attiraient de potentiels clients, avec qui nous engagions des discussions relatives à leurs habitudes en gestion des données, débouchant sur des missions.
La mesure des émotions et des sentiments
De fil en aiguille, nous nous sommes spécialisés sur les sujets liés à l’analyse d’émotions et de sentiments. Grâce à nos réalisations pour nos clients et aux avancées technologiques récentes en termes d’analyse massive de texte, nous avons développé une expertise dans l’analyse massive de messages (tweets, avis clients, réponses rédigées à un formulaire, etc). En réalisant des missions sur ces sujets, nous avons identifié une opportunité de marché : les responsables marketing, sales & RH n’avaient pas encore sous la main d’outils simples, intuitifs et complets pour recueillir des opinions et les analyser automatiquement. Aussi bien de manière quantitative que qualitative. Autrement dit, un(e) responsable marketing devait créer un questionnaire via un outil de sondage, le diffuser via un outil de mailing, trouver les cibles qu’il souhaite interroger (ex: ses clients) dans son CRM et les importer manuellement, puis exporter les résultats bruts du sondage dans un Excel pour enfin réaliser manuellement les analyses et schémas : une démarche longue, fastidieuse, jonglant entre plusieurs outils. Nous avons ainsi pris la décision de développer une solution tout-en-un : Rétine.
Au-delà du besoin marché que nous pourrions combler, Rétine allait également nous permettre d’adopter un business model SaaS sur une base d’abonnement mensuel, avec des coûts techniques faibles et maîtrisés sur un potentiel de scalabilité.
Comment fonctionne la solution Rétine ?
Rétine est une plateforme web permettant de créer des enquêtes, les diffuser et en analyser les résultats. Le tout automatiquement connecté à une grande variété d’applications et logiciels, pour automatiser les workflows. Nos clients se créent ainsi des systèmes automatiques, en intégrant par exemple un sondage Rétine sur leurs sites internet : dès qu’une nouvelle réponse est envoyée, une nouvelle ligne est créée dans leur CRM, permettant de transformer un simple visiteur en prospect.
Côté insights, nous avons développé des tableaux de bords intelligents qui présentent automatiquement les graphiques pertinents pour visualiser les réponses à des questions. Nous avons également intégré l’analyse massive de commentaires en “un coup d’œil », par exemple grâce à des nuages de mots automatiquement créés ou via un “score de sentiment” entre 0 (très négatif) et 100 (très positif) qui s’affiche pour évaluer la positivité de textes libres.
La méthode « Rétine » pour augmenter le taux de réponse
Nous avons voulu notre plateforme de sondage la plus moderne possible. Là où un produit des années 2000 ou 2010 présentait une interface complexe remplie de fonctionnalités, nous avons fait le choix de développer une solution complète mais très simple visuellement. Ceci à la fois pour l’interface de création/diffusion/analyse des sondages, mais également côté interface de réponse. Un des principaux challenges auxquels sont confrontées les organisations consiste à récolter un maximum de réponses de la population sondée, qui tourne habituellement (selon les sujets et les cibles) autour des 15-30% de taux de réponses. Avec Rétine, nous avons fait le choix de développer une interface de réponse tournée vers la rapidité, grâce à une apparence similaire à celle d’un chatbot ou d’une conversation SMS. Ce format permet, tant en mobilité que sur ordinateur, d’avoir les options de réponse à portée de pouce (sur mobile) ou dans la même zone de l’écran (sur ordinateur), augmentant la vitesse à laquelle un sondé pourra répondre. Plus un sondage est rapide, moins élevés sont les taux d’abandon, et plus élevés sont donc les taux de réponse.
Quelle est la suite de développement attendu pour la solution Rétine ?
Nous souhaitons intégrer la possibilité de connecter Rétine à des panels pour obtenir des réponses quasi-instantanées en échange de rémunération. Nous pourrions ainsi adresser tout un pan du marché, notamment d’entrepreneurs et petites structures, qui sont à la recherche d’insights personnalisés mais ne savent pas comment aller chercher des réponses. Dans cette même idée, nous souhaitons par la suite connecter Rétine aux diffuseurs de publicités, sur les réseaux sociaux. Quand un utilisateur ira sur Rétine et créera son sondage, il sera en mesure d’aller directement proposer ce sondage aux personnes pertinentes se situant dans la cible définie. En quelque sorte, c’est le panel ultime de sondage étant donné qu’il est ultra-personnalisé car ciblé. Par exemple, si notre client souhaite viser uniquement des CSP+ en Île-de-France qui ont leurs habitudes dans les magasins bio, cela sera possible directement à partir de l’outil de sondage.
Pendant le développement du projet, y a-t-il eu des changements de trajectoire?
Lorsque nous avons lancé le développement de Rétine, mon associé et moi-même travaillions parallèlement en CDI, au sein de grands cabinets de conseil. Notre plan initial était de passer quelques mois à poser les fondations de notre projet entrepreneurial, avant de nous y consacrer à plein temps. Mon associé a suivi cet itinéraire, mais j’ai décidé d’emprunter une direction différente. Une fois notre produit terminé et commercialisé auprès de premiers clients, j’ai eu l’opportunité de rejoindre une nouvelle société afin de les aider à développer plusieurs plans de leur activité. Une équipe travaille toujours au développement de Rétine afin d’améliorer le produit et répondre aux besoins des clients, mais j’ai pris la décision de prendre un peu de distance afin de continuer à explorer de nouveaux sujets. Le milieu entrepreneurial qualifierait ce projet de “Muse” (non, pas le groupe de musique : entrepreneurialement, une Muse est un projet financièrement rentable, qui demande peu de temps de travail. C’est un modèle notamment permis par le modèle SaaS – Software as a Service – de Rétine).
J’ai ainsi rejoint Odace, une société de conseil et production dans l’audiovisuel. Les fondateurs de la société, Guillaume Benech et Antonin Assié, avaient eux aussi créé un média en ligne à l’époque de ma première expérience entrepreneuriale. “Early-entrepreneurs”, nous avons développé chacun de notre côté une vision similaire de l’entreprise, de l’ambition et du plaisir d’entreprendre. Aujourd’hui, nous travaillons ensemble, avec le reste de l’équipe d’Odace, sur un projet qui va révolutionner le monde de la production social media.
Quels sont les conseils à transmettre aux entrepreneurs de demain ?
Je suis encore très jeune pour donner des conseils, mais mes propres débuts m’ont enseigné trois bases. Suivre ces conseils ne garantit pas un succès entrepreneurial, mais permettra assurément d’apprendre des choses utiles pour la suite et de faire des rencontres fructueuses.
Apprendre les bases du développement technique et informatique
L’idée n’est pas forcément d’apprendre à tout coder, mais il faut comprendre la logique qui se cache derrière les systèmes informatiques. Or industries particulières, les sujets de demain reposent tous sur des leviers numériques. Un entrepreneur moderne doit savoir monter un site web en quelques jours, évaluer le temps nécessaire à développer un produit ou une feature, savoir automatiser des publications sur les réseaux sociaux ou encore récupérer des centaines de contacts de prospects en 5 minutes. De superbes outils gratuits existent, des centaines de threads twitter, reddit ou de vidéos Youtube permettent de prendre en main rapidement des sujets, sans coût. Une mine d’or de connaissances à exploiter !
Ne pas attendre “l’idée du siècle” pour se lancer
J’ai pu rencontrer de nombreux jeunes qui ont des idées de projets mais ne se lancent pas, restant dans l’attente d’une confirmation miraculeuse qu’il s’agirait d’une bonne idée et qu’ils devraient se lancer. Franchir le premier pas n’est pas toujours évident, mais la peur de l’échec est souvent le verrou à faire sauter. Il faut prendre conscience que son premier projet ne sera pas forcément un grand succès, qu’il sera fait de bric et de broc, mais qu’il aura le mérite d’exister et pourra provoquer des déclics positifs pour la suite. Le premier pas permet de provoquer sa chance et débouchera probablement sur des rencontres utiles pour la suite. Et comme dirait l’autre, “Oublie que t’as aucune chance. On sait jamais, sur un malentendu ça peut marcher.” (J.C. Dusse – Les Bronzés font du Ski)
S’entourer
Qu’il s’agisse d’un ou plusieurs associés, d’amis qui donnent leur avis ou encore de premiers collaborateurs, s’entourer est le meilleur parti pour développer des compétences complémentaires et construire une vision intelligente.
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