Dans le cadre de nos rencontres avec des entrepreneurs, nous avons eu la chance de rencontrer Emmanuel Mouton, fondateur de Synox, Intégrateur et éditeur de solutions IoT. Emmanuel partage avec ISLEAN le parcours de l’aventure entrepreneuriale et son expérience.

Quel est le problème à résoudre qui a lancé Synox ?

Je préfère parler de « Pain point », voire de challenge ! Cela fait appel à mon profil d’ingénieur en informatique et donc de développeur de solutions. J’ai démarré par du développement SI, chez les clients. Je me suis rendu compte à quel point l’outil informatique permettait d’accélérer le business, et de simplifier les process. Pour l’entreprise, c’était une source d’économies et de gains.

L’arrivée des technologies sans fil (GPRS…) ouvrait un nouvel axe d’innovation. J’ai donc lancé ma première entreprise pour poursuivre la transformation grâce à ces technologies. La plupart des personnes ne sont pas informaticiens et les solutions étaient encore plus complexes.

L’enjeu était de savoir de les aider à simplifier au maximum la vie face à une complexité qui montait. Il y avait déjà l’IT, les telecom et maintenant l’IoT ajoute la couche de hardware… Autant d’entreprises devant faire face à une complexité technologique et technique ! Comment apporter aux utilisateurs la valeur ajoutée de ces métiers techniques, pour les aider à se concentrer sur leur propre métier ?

Ce leitmotiv qui ne nous a pas quitté : amener des solutions hautement technologiques, accessibles et contribue dorénavant à être hautement environnementales.

Comment avez-vous lancé le projet ?

J’ai démarré seul. A l’époque je partageais mon temps à 80% sur du développement spécifique en mobile et web et à 20% sur du récurrent. Je crée une première entité en partenariat pour proposer à la fois de l’hébergement et du développement. Puis, en 2011, je franchis le cap et lance réellement le développement d’une plateforme : l’entreprise se rapproche du métier d’éditeur. En 2015, Synox met en place l’activité d’éditeur pure player.

Nos premiers clients IoT ont été dans la secteurs de la sécurité. Avec des capteurs, des caméras et des alarmes, ils avaient appris à gérer à distance, notamment pour lever les doutes. Ils étaient l’un des secteurs les plus matures. Ensuite, nous avons aidé des clients dans la télémédecine, pour répondre aux enjeux du maintien des personnes âgées. Plus récemment, l’un des domaines majeurs est apparu avec les territoires intelligents : cela déborde de cas d’usage différents. On y retrouve des clients qui multipliaient les technologies, les fournisseurs… et se retrouvaient noyés sous la complexité. Certains estimaient avoir perdu la maitrise complète du système ! La donnée ne leur appartenait plus, il leur devenait difficile même de faire un observatoire sur leur propre territoire. Il s’agit à la fois d’unifier les sources de captation de données et surtout de reprendre la maitrise de la donnée. Pour les collectivités, c’est une reprise de la souveraineté territoriale et publique.

Synox aujourd’hui ?

Nous sommes une équipe de 45 personnes. Nous fonctionnons à 80% par abonnement.

Notre fierté est d’avoir 700 clients, avec 100 000 objets connectés gérés.

L’IoT sert à capter des informations du terrain. Cela parait facile de loin. Le challenge est que les objets connectés n’ont aucune norme. L’interopérabilité est un sujet critique, il faut savoir travailler avec les objets et surtout avec leur constructeurs, pour pouvoir intégrer les flux de données. Nous savons travailler avec 600 modèles objets connectés différents.

Nous avons appris à travailler avec les fabricants, davantage ceux qui se concentrent sur le hardware. D’autres fabricants préfèrent fermer leur technologie pour recommander l’installation de leur propre plateforme.

Nous fonctionnons donc à 80% en abonnement Saas à l’objet connecté. Pour 20% des cas, nous procédons à des développements spécifiques pour connecteurs sur objets propriétaires, ou pour des clients qui préfèrent l’installation de nos outils On premise.

En tant qu’éditeur de plateforme transversale, nous aidons nos clients à maitriser de bout en bout les équipements : de la captation au stockage de la donnée, à l’envoi vers des applications métiers. Synox fournit la donnée temps réel pour les applications métier des clients.

Nous travaillons pour de nombreux secteurs différents : santé, industrie, agriculture, logistique…

Les opportunités sont nombreuses. Prenons, par exemple, le véhicule connecté. Le secteur du transport voulait commencer par la géolocalisation, le tracking… Tout ce qui avait un lien avec la gestion de la mobilité. Synox a pris le parti inverse au départ : gestion de la maintenance et de l’inventaire du parc. En fait, répondre à la gestion du parc, c’est aider à prendre les décisions sur la gestion du type de carburant, la formation au risque routier en plus de l’optimisation du parc. C’est encore plus vrai dans un contexte de multi-carburation pour les constructeurs avec lesquels nous travaillons.

Fin 2021, nous étions essentiellement en France.

Les suites du développement ?

Notre histoire nous a amené à être présents ponctuellement en Suisse et en Afrique. Nous voulions aller plus loin à l’international.

En 2022, nous avons ouvert une filiale, en Espagne : à la fois pour développer Espagne et le Portugal. Dès que le modèle fonctionne, nous pourrons chercher une extension avec l’Amérique du sud, notamment le Brésil.

Nous testons également le modèle via des distributeurs, pour le Bénélux, le Canada et les Etats-Unis. Nous allons au CES cette année avec cet objectif précis de voir le marché avec notre distributeur, sur la gestion de flotte de véhicules.

En parallèle, nous poursuivons la progression de notre plateforme. Il y a des progrès à intégrer en permanence sur l’utilisation de l’IoT. L’actualité est l’intégration de l’IA pour le traitement des données dans la plateforme.

L’idée est d’amener des analyses, des aides à la décision toujours plus variées et précises. Prenons par exemple le bâtiment connecté. Il faut travailler le BIM et le BOS (Building Operating system). Derrière ce jargon, on parle de choses très concrètes de gestion du bâtiment ! Par exemple, l’interconnexion des chaudières, du pilotage de la qualité d’air, des accès et de la sécurité des résidents… C’est un sujet tout aussi important pour la construction de neuf que pour la rénovation. Dans les deux cas, nous devons contribuer à maitriser et à réduire les consommations. Aujourd’hui, on retrouve encore pleins d’outils séparés… Il faut harmoniser. L’IA aide à travailler sur des scénarios intercroisés : par exemple, selon le nombre de personnes dans le bâtiment, le besoin de chauffage ne sera pas le même ni la quantité de CO2. Et quand on passe à l’échelle de la ville, avec la Smart city, les scénarios sont encore plus complexes !

Autoroutes entremelées

Quels enseignements pour Emmanuel ?

Le challenge permanent est essentiellement avec les personnes : faire adhérer tout nouvel arrivant et l’intégrer dans l’équipe. Il faut travailler à la fois la cohésion d’équipe et la cohérence sur les travaux.

C’est important aussi d’arriver à s’auto-financer pour rester maître de son temps et du rythme de son développement. Cela permet aussi de pouvoir s’inscrire dans la durée avec les clients, ce qui correspond à la forme de contractualisation : un abonnement, avec une capacité à adapter à ses besoins.

Enfin, apprendre à travailler avec les partenaires. Quand on est recommandé, il faut le mériter. C’est le même travail dans la durée qu’avec les clients. On construit un écosystème vertueux.

Quelques conseils pour ceux qui voudraient se lancer ?

Garder le cap.

Ne pas oublier qu’une entreprise est pérenne si elle a des clients. Ne pas oublier la trésorerie… avant les concours, les subventions…

Eviter la dispersion, se concentrer sur le cap.

Accepter qu’il faut parfois du temps, de la maturation.

Boussole