Dans le cadre de nos entretiens avec des innovateurs et entrepreneurs, nous avons eu la chance de rencontrer Stéphanie Hervier, co-fondatrice de Medaviz, site de télé-conseil médical et para-médical. Cette rencontre fait écho à nos explorations des dirsuptions digitales dans la santé.

Pouvez-vous nous parler de la création de Medaviz et de l’inclusion numérique dans la santé ?

Cela a commencé par une histoire de famille ! Et une rencontre : associé dans un groupe breton, mon frère a audité un hôpital à domicile. Dans ce cadre, il a rencontré son directeur, Jean, médecin et époux d’Anne, pharmacienne. L’un et l’autre constataient depuis longtemps les difficultés et l’engorgement de l’accès aux soins (urgences, centre 15, cabinets médicaux), et le double problème que cela pose :

  • pour le patient qui doit parfois attendre longtemps avant d’être pris en charge et être ainsi rassuré (voire soigné) ;
  • pour les praticiens qui souffrent de cette attente que les moyens leur imposent de faire subir aux patients.

Anne et Jean pensaient depuis longtemps que d’autres solutions étaient possibles !

Guillaume et Jean ont exploré les premières pistes, et mon frère a quitté son job à la rentrée 2014 pour se lancer dans l’aventure. Convaincue par le concept et en pleine réflexion sur mon orientation professionnelle, je les ai rejoints rapidement, au mois de novembre, après avoir quitté mon job (très formateur) dans un cabinet de conseil.

Revenons au problème de l’engorgement, avec un exemple qui nous incite à proposer une alternative : 70% des appels au centre 15 le week-end relèvent de trois types de question : l’oubli de contraceptif, des résultats d’analyse reçus le samedi (et le médecin référent est absent), et enfin, les pleurs d’enfant ! Tous ces sujets, importants, créent une réelle angoisse pour ceux qui y font face, mais demandent un autre niveau de traitement que les urgences vitales.

C’est donc pour désengorger les canaux traditionnels que nous avons conçu notre service, avec une ambition clé : donner accès à tout le monde à un professionnel de santé en direct, 24/7.

Quelle est l’innovation de votre service ?

D’abord, tout se passe à distance et instantanément : vous avez une question, vous appelez. Et ce, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, avec une mise en relation en direct.

Ensuite, nous proposons l’accès à la fois à des médecins (généralistes et spécialistes) et à des professionnels du paramédical : pharmaciens, sages-femmes, infirmières, etc.

Nous proposons 3 types de réponse :

  • Un premier avis médical comme filtre pré-consultation : pour toutes ces fois où vous hésitez à consulter, vous n’avez pas le temps de consulter ou quand le délai pour avoir un rendez-vous est trop long, vous pouvez échanger avec l’un de nos professionnels qui vous répondra, et si nécessaire vous orientera dans votre parcours ;
  • Le « SAV » de la consultation : nous pouvons répondre au patient qui sort de chez le médecin et qui se rend compte qu’il a oublié de poser une question sur son traitement, ou qui n’est pas sûr d’avoir compris le diagnostic, etc. ;
  • L’accompagnement dans l’auto-médication : notre service peut répondre à des questions liées aux médicaments, leur posologie. Par exemple, vous avez donné du Doliprane à votre enfant et vous n’êtes pas sûr si vous pouvez lui en redonner, sous combien de temps, à quelle dose, etc.

Notre limite est de rester dans le domaine du conseil et de ne pas faire de consultation. Il n’y aura donc pas de diagnostic ni de prescription d’ordonnance.

Vous n’avez pas l’impression d’ubériser un peu la médecine, ou les médecins ?

C’est une question qui revient souvent ! Tout dépend de ce qu’on entend derrière cette notion d’ubérisation. Si on parle de digitaliser un service existant, alors oui, nous proposons une médecine digitale. Mais si on parle de remettre en cause les fondements d’un système, non, ce n’est pas le cas : nous n’avons pas vocation à remplacer le médecin référent, qui reste la pierre angulaire de la médecine en France !

L’objectif est simplement de proposer une alternative dans l’accès aux soins, pour répondre aux angoisses du quotidien qui ne nécessitent pas systématiquement de consultation, tout en traitant le problème d’engorgement. Pendant la campagne de la Loi Touraine (ndlr : loi ayant porté sur la généralisation du tiers payant, qui a provoqué de vives réactions de la profession médicale), le gouvernement avançait le chiffre de 65% des patients qui avaient déjà renoncé à des soins à cause du délai d’attente pour consulter !

De plus, nous travaillons avec des professionnels de santé diplômés. Ce sont des volontaires, souhaitant basculer sur un autre format de travail, qui répondront à nos clients.

Enfin, pour bien distinguer notre service de la consultation, nous garantissons l’anonymat des usagers, et ne constituerons aucun dossier médical lors de appels. Notre service propose des réponses ponctuelles à des questions à un instant T, nous ne sommes pas là pour le suivi.

Où en est la société ?

Nous avons créé la société en novembre 2014. Nous avons d’abord beaucoup travaillé sur notre offre pour bien la délimiter et la positionner dans l’univers de la santé et de la e-santé. Nous avons également construit notre réseau de professionnels de santé. Nous avons, bien sûr, construit les moyens techniques du service : site internet, plateforme téléphonique, application smartphone… Enfin, nous démarchons, sans cesse, depuis 1 an : ce sont des financeurs intermédiaires, type assurances, mutuelles, entreprises et services aux seniors, qui prennent en charge notre service et le proposent ensuite à leurs adhérents, salariés ou abonnés. Nous rencontrons donc les grands acteurs de ces différents mondes pour les convaincre !

Nous avons également mené une opération de crowdfunding, pour certes réunir des fonds, mais surtout constituer une large communauté de contributeurs qui prouve l’intérêt suscité par un tel service. Les internautes ont estimé que notre demande de financement méritait d’être dépassée (ndlr : au 15/1/2016, date de la fin de l’opération, la collecte est de 163% du montant demandé en crowdfunding sur le site kisskissbankbank grâce à 128 contributeurs)

Nous lançons notre offre en avril 2016 grâce à un premier client. Nous sommes à la fois impatients, et en même temps savons que l’aventure ne fait que démarrer.

Un acteur de la FrenchTech de la santé ?

Nous avons effectivement reçu une bourse FrenchTech BPI. Nous en avons profité pour également lancer un collectif d’entrepreneurs français dans la e-santé, en étant parmi les 60 co-fondateurs de France E-HealthTech, qui veut que la France garde et réinvente son système de santé que tellement de personnes nous envient dans le monde.

Rencontre entre Stéphanie Hervier et Louis-Alexandre Louvet.

 

Nos autres articles sur la disruption dans la santé, par le docteur Benoit Vincent.