Le jour des projets à l’ESIEE

Cela fait maintenant 3 ans, et cela fera 4 ans  si j’y participe encore en 2018, que, chaque année, je participe au jour des projets, une manifestation organisée par mon ancienne école d’ingénieurs (l’ESIEE à Marne la Vallée). Il s’agit pour des élèves de cycle ingénieur (mais parfois également de cycle préparatoire) de réaliser un projet à base technologique, ou un Proof of Concept technologique (c’est à dire pas juste des slides de présentation) et de se préparer à pitcher pendant 3 minutes devant un jury de professionnels. Sur la centaine de projets une quinzaine a peu près sont retenus pour se préparer à pitcher accompagnés pendant 3 semaines par quelques coachs professionnels du conseil, de l’accompagnement des entrepreneurs (CCI) ou du secteur High Tech. L’enjeu : gagner un des deux prix d’une valeur de 2 000 € qui peut permettre à ces jeunes entrepreneurs en herbe de continuer à développer leur projet voire pourquoi pas créer et développer leur entreprise en parallèle de la fin de leurs études.

Une évolution très rapide des savoir faire et savoir être

En 3 ans, les élèves ont beaucoup évolué, ainsi que les membres du jury. La première année j’avais l’impression d’être le seul à embêter les élèves avec des questions sur la proposition de valeur, sur les usages, les cibles / segments de clients, les problèmes qui se posaient à ces cibles, … La plupart des questions du jury se concentrait sur des sujets de faisabilité technologique. Les élèves eux mêmes étaient souvent peu à l’aise sur leurs pitchs, dans des postures hésitantes quand ils devaient expliciter les usages de leur produit, ou au contraire enthousiastes quand il s’agissait de décrire les prouesses technologico-fonctionnelles de leur projet… au risque de perdre le jury. Dans ces conditions, celui qui était le plus à l’aise pour prendre la parole en public était assuré de remporter ou de finir sur le podium.

La deuxième année du concours, j’ai coaché une équipe de 3 étudiants de première année de cycle préparatoire (des petits jeunes qui en étaient donc à passer le bac une année auparavant), et encore une fois je ne les ai coaché que sur les cases fondamentales du business model canvas.  Je les ai notamment obligé à formuler les problèmes que leur produit pouvait adresser efficacement. Le produit était simple, joli, la proposition de valeur facile à comprendre, l’orateur calme, simple et posé. Les 3 jeunes ont remporté le premier prix. Déjà cette année là, les questions du jury avaient beaucoup évolué, et n’étaient plus majoritairement focalisées sur la technique mais comportaient beaucoup de questionnements sur la proposition de valeur, le financement du projet, … Malheureusement ils n’ont pas continué à développer leur projet en tentant de créer une entreprise.

La troisième année, rebelote, un binôme de 2 élèves de première année veut que je les coache. Si ça continue je vais devenir le coach attitré des petits jeunes de première année de cycle préparatoire. Là, et c’est nouveau, ils m’annoncent la couleur tout de suite : ils veulent continuer leur projet au delà du concours et pourquoi pas créer une entreprise en parallèle de leur cursus. Comme d’habitude je les coache sur le Business Canvas, un peu aménagé à la sauce Lean Startup (le Lean Canvas de Ash Maurya – que vous trouverez dans ce bouquin que je recommande vivement « Running Lean« ). Et là surprise également, je les sens très vite plutôt à l’aise, avec une faculté à se mettre rapidement à la place de leurs personas et à imaginer ou s’approprier les usages que je leur soumets. Quel changement par rapport aux premiers étudiants seulement 2 ans auparavant qui étaient également brillants mais très centrés sur leur produit et avaient du mal à en imaginer les usages. Nous n’avons pas gagné cette année, mais les pitchs avaient tous énormément progressé. Tous les groupes avaient bien travaillé leur proposition de valeur. On sentait que l’usage du Business Canvas était passé par là. Moi même en évoquant la version Lean Startup du Business Canvas, je voyais bien que j’évoquais un référentiel connu pour tout ou partie de l’auditoire. D’ailleurs 70% des questions du jury avaient partie liée à des questions de modèle économique ou de proposition de valeur.

L’évolution en 3 ans est remarquable, tant du côté des groupes d’étudiants sélectionnés pour le coaching, que des membres du jury, voire des modalités d’organisation. Par exemple jusqu’en 2014 les 2 prix « Entrepreneuriat & Innovation » étaient scindés en 2 catégories (un prix « Entrepreneuriat » et un prix « Transfert »). La catégorie « Transfert » étant censée concerner des projets plus orientés « Recherche » et pouvant à terme faire l’objet d’un transfert du monde universitaire vers l’industrie. Depuis 2015 cette distinction a été abolie, il y a simplement 2 vainqueurs.

Reste le plus difficile ?

Maintenant il y a encore une marche qui n’a pas été franchie par les étudiants, c’est celle de la création d’entreprise en parallèle de leurs études. Je ne sais pas si cela a été le cas cette année, mais jusqu’à 2016 aucun des groupes d’étudiants (primés ou non) n’avait continué à développer son projet et créé d’entreprise après le coaching. C’est un dilemme difficile car les études d’ingénieurs comme la création d’une startup nécessitent tout deux de s’investir à temps plein, et les journées ne font que 24h. Le prochain axe de mes coaching pourrait donc être celui là : comment créer votre entreprise en parallèle de vos études… et réussir dans les deux.