Nous avons rencontré ce mois-ci Mathilde Le Roy, fondatrice de KAZoART, start-up qui invite les technologies numériques dans le monde de l’art pour faciliter la rencontre entre des amateurs d’art et des artistes.
ISlean consulting – Pouvez-vous nous parler de la disruption technologique dans le marché de l’art ?
Mathilde Le Roy – Le marché des œuvres d’art est un des derniers secteurs de la culture à être venu au web. La transition vers les technologies du numérique a déjà eu lieu pour la musique, la vidéo ou la littérature. La première raison évoquée est qu’il est primordial de voir une œuvre d’art pour ressentir l’émotion et que les technologies ne pourront pas retranscrire ce sentiment. Ensuite, le marché de l’art est un marché très peu lisible pour les non-initiés. Enfin, il y a encore des craintes du côté des artistes : la difficulté à gérer un site internet et un questionnement fondé concernant le risque de reproductions notamment.
Pourtant, la technologie va dans le sens d’une meilleure expérience. Le projet Google Art Project par exemple, propose un outil permettant de zoomer très finement sur des œuvres d’art répertoriées. Tous les détails sont visibles.
Aujourd’hui, les acheteurs eux-mêmes sont demandeurs et les pratiques évoluent : ils recherchent sur le web et souhaitent pouvoir acheter en ligne. Le web permet une démocratisation de l’art : nous allons vers plus de transparence, plus de visibilité pour les artistes et une offre plus large pour les clients. L’idée, c’est de faire comprendre que l’art et l’achat d’œuvres uniques deviennent accessibles à tous.
ISlean consulting – Comment votre projet se différencie sur ce marché de l’art en ligne ?
Mathilde Le Roy – On s’adresse à une cible qui ne connaît pas le milieu des professionnels de l’art. On a un rôle de conseil et de caution sur l’offre proposée : « ce que vous trouvez sur KAZoART, c’est validé et approuvé ». On a pour cela un comité d’experts dont le travail est d’aller dénicher des artistes qui sont intéressants artistiquement, à un prix abordable, et que l’on peut mettre en avant sur la plateforme.
KAZoART se positionne sur un marché qu’il faut éduquer : c’est un des challenges. Il faut communiquer pour faire comprendre que, même à partir de 100 €, on peut avoir une œuvre originale.
A côté de ça, nous proposons tous les services qui nous semblent normaux aujourd’hui dans le web : une transaction en ligne sécurisée, un transport fiable qui garantit la livraison de l’objet et qui n’est pas trop cher.
ISlean consulting – Quel a été votre parcours et pourquoi vous lancer dans l’aventure de l’entreprenariat ?
Mathilde Le Roy – En fait, je pense que l’entrepreneuriat est probablement une histoire de génération. L’entrepreneuriat n’était pas quelque chose de naturel pour moi. Quand je suis sortie de l’école en 2000, c’était la dernière idée que j’aurais eue. J’étais déjà attirée par des secteurs proches de la culture mais dans une structure rassurante et connue (TF1). Plus le temps a passé et plus je suis allée vers des petites structures. J’ai créé et développé des services de collectes et de mécénat (pour la salle Pleyel et la Cité Internationale Universitaire). Finalement, il y avait une dimension assez entrepreneuriale dans ces dernières expériences. Je me suis rendue compte que la création me plaisait.
J’avais aussi envie d’être ma propre patronne et d’être indépendante. Mais d’un autre côté, j’étais persuadée qu’il me fallait un chef et que je ne pouvais pas le faire toute seule. Il faut une certaine résilience, ne pas baisser les bras, persévérer et être prêt à prendre des coups.
Finalement, c’est une aventure qui vaut le coup d’être vécue. Mener à bien un projet qu’on a imaginé et pensé est terriblement gratifiant et épanouissant. On fait sans cesse appel à sa créativité, on va toujours plus loin et on se découvre de nouvelles facettes.
ISlean consulting – Comment êtes-vous accompagnée aujourd’hui ?
Mathilde Le Roy – Dès le début, j’ai voulu être incubée : Paris Pionnières apporte un réseau, de la visibilité et un suivi mensuel avec une conseillère. C’est libérateur de pouvoir échanger sur le projet, les réussites et les difficultés. J’ai aujourd’hui envie d’aller un cran plus loin : je suis actuellement en train d’effectuer une levée de fonds et de me rapprocher d’accélérateurs.
En tant que fondatrice, il est important pour moi de pouvoir prendre du recul. Mais, lorsque l’on est seul, on n’a pas forcément toutes les compétences et le temps passe très vite. Il me manque aujourd’hui un ou des sparring partners pour échanger et confronter nos visions. Je suis donc en train de constituer un comité stratégique avec des profils complémentaires, qui pourraient apporter une vision à KAZoART.
Tant qu’on n’a pas vécu l’expérience de l’entrepreneuriat, on n’imagine pas les nombreux challenges. Je ressens le besoin de partager pour prendre les bonnes décisions.
Mon secret pour ne rien lâcher : l’envie d’aller au bout du projet ! C’est ce qui fait tenir !
ISlean consulting – Comment avez-vous appréhendé l’utilisation des technologies dans votre projet ?
Mathilde Le Roy – Le numérique est fascinant et c’est là qu’il se passe des choses. J’avais envie de faire partie de cette révolution. Malgré tout, le numérique reste une commodité pour moi : KAZoART propose une innovation de service et d’usage plutôt qu’une innovation technologique. Mais le projet sera performant si on arrive à s’emparer des meilleures technologies possibles, il est donc important de les connaître.
J’ai abordé l’aspect technique du projet par l’angle des usages. J’imaginais que la plupart des idées proposées impliqueraient d’importants développements, jusqu’à ce qu’on m’explique qu’il existe des outils intégrables directement. Nous travaillons actuellement sur une deuxième version du site internet qui intégrera de nouvelles fonctionnalités innovantes pour rendre l’expérience de découverte des œuvres la plus affinitaire et la plus enrichissante possible.
Lors de mes débuts dans la construction de notre site, j’ai dû apprendre à gérer une ressource technique et à être dans une approche de chef de projet. Maintenant, nous nous focalisons sur la faisabilité et les implications techniques de nos idées. D’après moi, le plus important est d’avoir un site internet qui fonctionne et qui ait une belle identité visuelle. Notre première priorité aujourd’hui, c’est de générer du trafic sur le site. Ensuite, lors de la prochaine étape, on se concentrera sur l’amélioration du taux de transformation.
ISlean consulting – Un dernier mot ?
Mathilde Le Roy – C’est génial d’entreprendre : il faut le faire ! C’est sans regret !
Propos recueillis par Laurène Guillot pour ISlean consulting