J’ai eu l’opportunité d’échanger avec Roxane Ferrand, Directrice France de la société DrEd qui réalise des téléconsultations depuis 5 ans en Europe (Allemagne, Autriche, Suisse, Irlande, Angleterre). Le service France « Zava » a été lancé cette année; cette rencontre est l’occasion de dresser un premier bilan et de faire un retour d’expérience de l’aventure DrEd en France. Voici ce qu’il faut retenir de nos échanges.

Cet article s’inscrit dans la continuité de notre série sur les nouvelles technologies au service de la santé dont vous pouvez (re)lire les premiers épisodes : épisode 1, épisode 2 et épisode 3

 

Roxane Ferrand

Roxane Ferrand, Directrice France de Zava

Zava crée un nouveau modèle de consultations proche de nos usages numériques : simple, rapide, pratique et sécurisé

Bonjour Roxane, pouvez-vous nous parler du service développé par Zava ?

Zava propose des consultations médicales en ligne, par des médecins habilités. Ces consultations ont pour particularité d’être sans rendez-vous et sans face-à-face : elles se basent sur des échanges principalement écrits et se distinguent du téléconseil par exemple, puisque le médecin peut émettre un diagnostic et une prescription médicale si nécessaire.

 

Zava process

Zava, comment ça marche ?

 

Pourquoi ce projet ? A quels enjeux répond-il ?

L’ambition de Zava est de proposer grâce à la technologie une manière plus rapide, pratique mais aussi très sûre, d’accéder au soin, avec des solutions qui s’intègrent facilement à la vie quotidienne. Cela vient de l’usage d’abord : nous faisons tout depuis notre smartphone et ne voulons plus attendre ; ensuite cela s’inscrit dans la volonté d’envisager de nouveaux modèles de consultation pour optimiser le temps du médecin tout en offrant plus de flexibilité au patient : sans rendez-vous, le patient accède au service quand il le souhaite. De l’autre côté, le médecin continue à consulter uniquement pendant ses heures de travail mais optimise son temps grâce à l’ensemble des informations de santé qui ont préalablement été rassemblées et lui sont présentées de manière à faciliter leur analyse. En factorisant le temps de l’interrogatoire médical, qu’il a défini une fois pour toute lors de la conception du service, il gagne du temps pour aider d’autres patients.

 

Pourquoi Zava se préoccupe principalement du domaine de la santé sexuelle ?

Nous avons choisi de nous concentrer sur la santé intime pour le lancement de notre service car au-delà du changement d’usage et des difficultés croissantes d’accès à certains soins dans certaines régions de France, nous avons identifié un besoin particulier dans ce domaine auquel il nous paraissait urgent de répondre. Beaucoup de personnes sont aujourd’hui à la recherche de solutions pour des problèmes intimes dont elles n’osent pas toujours parler et se tournent vers internet à la recherche d’une aide : elles postent alors des photos intimes sur des forums santé à la recherche d’un avis qui sera donné par d’autres internautes ou achètent des médicaments en ligne dont la provenance n’est pas certifiée. Zava offre une solution discrète pour accéder à l’expertise d’un médecin en supprimant certaines barrières qui peuvent exister lors d’une consultation en face-à-face : nos médecins rapportent d’ailleurs que les patients ont tendance à être plus directs et transparents sur leur état de santé ou leurs prises de risques du fait de la nature écrite des échanges. Mais nous ne déshumanisons pas la relation patient-médecin : le médecin n’est bien sûr pas anonyme, il peut être contacté par le patient via la messagerie sécurisée tout au long du processus et l’ensemble des échanges sont signés par le médecin pour une traçabilité totale. Enfin, nos médecins n’hésitent pas à renvoyer vers une consultation physique si le patient ne peut être traité à distance (ils remboursent alors la somme payée en ligne). La relation est certes différente, mais intéressante également.

 

zava homepage

Une consultation médicale sur un sujet précis en un clic !

 

Aujourd’hui, quel bilan faites-vous de Zava ?

L’expertise de DrEd, dont les médecins font de la téléconsultation depuis 5 ans déjà en Europe (300 000 consultations réalisées en 2015), nous a permis de lancer en France avec un système déjà bien rôdé et un mode de consultation éprouvé ailleurs. Cela nous a donné l’opportunité de nous concentrer sur les attentes propres aux français, car bien sûr, le « paysage santé » et son fonctionnement dans chaque pays joue beaucoup sur l’accueil du service et l’expérience des patients.  Aujourd’hui, 4 médecins font partie de l’équipe France et consultent sur Zava depuis notre siège à Londres, où sont réunis les 70 salariés de DrEd. Partager les mêmes locaux nous permet de faire grandir notre culture d’entreprise, facilite la collaboration pour l’élaboration de nos services et nous permet  de mieux communiquer autour des normes de santé. Nous ne sommes pas une plateforme technique mais plutôt un cabinet médical numérisé : nous travaillons avec les médecins dans les mêmes locaux, nous sommes au service de leur expertise. Ils partagent d’ailleurs leur temps entre conception des services et consultations en ligne. En ce qui concerne le lancement en France, les premiers résultats que nous enregistrons et notamment le taux de conversion nous conforte dans l’idée que nous répondons à un véritable usage côté patient bien que nous ayons encore du chemin à faire pour aller à leur rencontre : il n’est pas toujours facile pour le patient de nous trouver sur internet ni même de savoir que ce service est déjà disponible en France ; c’est notre mission de pionniers que d’expliquer et d’accompagner patients et professionnels de santé tout au long du parcours.

 

équipe Zava

L’équipe Zava dans leurs bureaux londoniens

 

Et quelles sont les prochaines étapes pour Zava ?

Test and learn pour la France ! Continuera-t-on à creuser l’univers de la santé intime dans lequel nous avons encore beaucoup à faire, ou étendra-t-on le champ des services, comme dans les autres pays dans lesquels nous sommes présents, pour traiter l’asthme, l’hypertension, le cholestérol par exemple ? L’usage des patients nous le dira. En tous cas, nous continuerons à travailler dans le sens d’un accès plus simple, rapide et sûr au soin, grâce à la technologie, dans les 6 pays où nous sommes présents et demain dans d’autres pays

 

Les nouvelles technologies ne sont qu’un moyen au service du médecin pour qu’il se concentre sur sa valeur ajoutée : la combinaison de son expertise et de son humanité

Selon vous, peut-on parler d’ubérisation de la santé ?

Le secteur de la santé va intégrer, comme tous les autres, les nouvelles technologies déjà parce que l’usage est là du côté des patients, mais aussi parce que le potentiel est évidemment énorme dans tous les domaines de la médecine. La technologie est absolument nécessaire et une chance pour faire face aux besoins croissants en matière de santé. Cependant, la technologie est uniquement un moyen qui doit nous permettre d’optimiser le temps du médecin (un praticien chez Zava réalise environ 3 fois plus de consultations) pour qu’il se concentre sur la valeur ajoutée qu’est la combinaison de son expertise et de son humanité.

Chez Zava, l’expertise technique est au service des médecins pour les soutenir dans leur service rendu au patient. De mon point de vue, il est essentiel de replacer le débat autour de la meilleure utilisation possible de cette immense valeur ajoutée, d’envisager comment, en combinant médecine et technologie, nous pourrons mieux diagnostiquer, mieux prendre en charge, mieux accompagner et surtout mieux prévenir les problématiques de santé, plutôt que de scléroser la discussion autour de ce que le médecin ne fera plus demain, sans envisager qu’il pourra faire différemment pour encore plus de résultat.

Je n’aime pas beaucoup le terme d’ubérisation car il est utilisé à tort et à travers. D’un côté tous les services de santé qui utilisent la technologie comme moyen mis à disposition d’une équipe médicale ne représentent absolument pas une ubérisation de la médecine puisqu’on parle toujours de médecins. D’un autre, je comprends qu’il faille définir la place et l’articulation des personnes qui rendent possible l’introduction de ces technologies auprès des médecins et des patients pour s’assurer que l’ensemble reste dans les limites déontologiques de l’univers sanitaire et prévenir les dérives. Il faut pouvoir leur donner une place et un cadre, mais ce cadre doit être défini à la lumière de la réalité du terrain, car il est illusoire de croire que nous verrons la digitalisation de la médecine avancer sans la collaboration de différentes expertises. En attendant que le cadre s’adapte à cette réalité, je pense que les startups qui émergent en e-santé sont une véritable opportunité pour réfléchir à ces problématiques car elles ont l’agilité nécessaire pour suivre le rythme de l’usage et confrontent les structures plus lourdes à la nécessité d’agir.

Maintenant, si par « ubérisation », on entend meilleure adéquation à l’usage, meilleur service, pour une sécurité au moins équivalente… Alors là, oui, prenons ces qualités !

 

Vous côtoyez des médecins et autres professionnels de santé dans le cadre de votre activité, quel est leur niveau d’adhésion à la digitalisation ?

C’est très variable en fonction des générations et des pays je trouve. Il existe indéniablement différents de niveaux de maturité sur ces sujets en Europe, cependant partout le débat a évolué et il ne s’agit plus de savoir si le numérique va ou non pénétrer le domaine de la santé, il s’agit de savoir comment on le fait et quels sont les moyens nécessaires à mettre en place pour continuer d’assurer au patient un soin sécurisé, coordonné et en toute confidentialité. La digitalisation, au-delà de l’adhésion à de nouvelles technologies, change la donne en permettant de s’affranchir de certaines limites géographiques, offrant de nouvelles possibilités de collaboration entre professionnels de santé ainsi qu’un champ d’offre de soin plus large pour le patient. Ces nouveaux usages sont aujourd’hui confrontés en France à un système de santé qui n’évolue pas à la même vitesse et qui jusqu’alors était construit dans une logique très localisée (Agences régionales de santé, caisses d’Assurance Maladie départementales…). Nous avons donc aujourd’hui deux principales missions d’accompagnement auprès des professionnels de santé avec lesquels nous collaborons tels que les pharmaciens par exemple : l’une est de rassurer sur la sécurité de ces services rendus à distance et l’habilitation des médecins qui rendent ce service à le faire, l’autre est d’apprendre à travailler ensemble au-delà des frontières.

 

Et les patients, comment vivent-ils l’intrusion du numérique ?

Comme je vous le disais précédemment, je pense que l’usage est déjà là… Le smartphone est largement adopté, même pour faire des opérations sensibles que l’on n’aurait pas imaginé réaliser en ligne il y a dix ans comme des transferts de fonds ou la gestion de ses comptes bancaires. C’est pourtant aujourd’hui entré dans les mœurs. Nous avons su trouver des moyens de sécurisation pour accompagner le développement de ces usages, il en va de même avec l’e-santé. Les possibilités sont immenses et c’est très excitant de voir de plus en plus d’acteurs penser des solutions dans ce sens.

 

En guise de conclusion, en 3 mots, la e-santé c’est quoi pour vous ?

La « e-santé » ? C’est la santé avec deux signes en trop : « e » et « – » ! Selon moi, c’est un terme voué à disparaître, s’il a servi à désigner l’introduction de moyens électroniques dans l’approche de la santé durant une certaine période, j’ose croire qu’il est déjà obsolète.

 

Merci à Roxane de m’avoir accordé du temps pour cette interview, n’hésitez pas à consulter le site de Zava pour plus d’informations : https://www.zavamed.com/fr/