Avis aux globe-trotteurs et aux férus de voyages en tous genres : vous rêviez d’une consigne à bagage à la fois facilement accessible et connectée… Nannybag l’a fait ! Nous vous proposons cette semaine une interview avec son co-fondateur et CEO Matthieu Ballester.
Quel est le problème à résoudre qui a lancé Nannybag ?
Nannybag est un service permettant aux voyageurs de stocker leurs bagages chez des “nannies”, entre la remise des clés de leur hébergement et leur transport. Nos partenaires, les fameuses nannies, sont des restaurants, des boutiques ou encore des hôtels. En servant de consignes aux voyageurs contre rémunération, ceux-ci monétisent non seulement leur espace disponible, mais génèrent également davantage de trafic chez eux.
Lorsque j’ai loué un appartement sur Airbnb à New-York, le checkout avait lieu en fin de matinée mais l’avion ne devait partir que le soir. J’étais donc bloqué dans la ville avec mes bagages, sans pouvoir faire grand chose. C’est là que l’idée d’un service de consignes à bagages à germé dans mon esprit.
J’ai analysé le marché de la consigne à bagages aux Etats-Unis : elles ont été supprimées en gare. En France, sur les 3300 gares du pays, seulement 8 disposaient de consignes. Il y avait donc tout à faire. C’est sur la base de ce constat que nous avons lancé Nannybag avec mon associé, Samir Senouci, l’actuel CTO.
Comment avez-vous lancé le projet ?
Samir et moi avons lancé Nannybag en 2016. Au début, il s’agissait de stocker les bagages des clients chez des particuliers. Mais le problème lié à l’absence d’horaire fixes chez ces partenaires, s’est vite révélé. Il fallait en effet que la nanny valide la réservation. Étant donné que la moitié des réservations se faisaient le matin pour l’après-midi, bon nombre de bookings n’étaient pas validés, ce qui entraînait une perte importante de clients. C’est ce qui nous a conduit à opter deux mois plus tard pour des partenariats avec des commerçants.
Quels ont été les plus gros challenges de Nannybag ?
La plus grande difficulté a été d’obtenir la confiance des utilisateurs : au départ, personne n’y croyait pour des raisons de sécurité. Pour les clients, cela signifiait laisser leurs bagages chez un inconnu. Pour les nannies, cela signifiait recevoir des bagages sans en connaître le contenu. Pour lever ces freins, nous fournissons aux clients un scellé de sécurité placé sur chaque bagage afin d’empêcher l’ouverture du bagage, et d’identifier chaque bagage de manière unique. Les bagages sont par ailleurs assurés à hauteur de 1500€. Nous demandons également aux voyageurs de fournir une pièce d’identité à la nanny, qui peut effectuer une fouille visuelle du bagage. Les deux parties sont ainsi rassurées et la transaction peut se dérouler sereinement.
Pourquoi êtes-vous entrepreneur et pas salarié ?
À la fin de mes études, j’ai travaillé 6 mois en CDI. L’idée de Nannybag m’est rapidement venue, et je n’avais rien à perdre. D’autant que mon travail ne me plaisait pas et que je n’avais pas de responsabilités, je me suis donc lancé. L’idée de mon projet était par ailleurs directement testable auprès du grand public.
De quel accompagnement avez-vous bénéficié au démarrage du projet ?
Je n’ai eu aucun accompagnement au départ, car il est impossible de prétendre à un accompagnement tant qu’on n’a pas de résultat. Avec mon associé, nous avions démarché City Lab, un incubateur spécialisé en tourisme numérique, mais ils ont refusé notre dossier, alors nous avons commencé à travailler depuis un appartement. Un an après, nous nous sommes de nouveau présentés chez City Lab et nous avons fait l’unanimité. Nous y sommes encore.
Nannybag aujourd’hui ?
En 4 ans nous avons gardé 1 million de bagages, et nous prévoyons le même volume pour l’année en cours. Nous comptons actuellement 4000 nannies dans 300 villes et 30 pays et près de 500 000 utilisateurs. De New York , à Paris , en passant par Londres , ou encore Rome , nous sommes présents dans des villes de tailles variables, au plus proche des gares, aéroports, monuments et de toutes sortes de points d’intérêts touristiques. Notre service est disponible au tarif de 6€ par bagage par jour, et peu importe la taille et le poids du bagage. Nous partageons ensuite le bénéfice avec les nannies sur une base de 50/50.
Les suites du développement ?
Pour l’année 2020 nous prévoyons deux développements majeurs : nous venons de boucler 2 millions de levée de fonds et l’idée est de déployer notre service dans un maximum de villes. Grâce à toutes les data Google récoltées, nous savons exactement dans quelles villes il y a du besoin et où précisément. L’objectif à court terme est donc d’ouvrir le service dans 150 villes supplémentaires.
Nous prévoyons également le lancement d’un nouveau service d’ici deux mois : Nannybag en version door-to-door. Par exemple, si vous planifiez un trajet Paris-New York, grâce à notre service vous pouvez voyager léger en toute tranquillité, votre bagage vous attendra dans votre chambre d’hôtel à New-York.
D’un point de vue opérationnel, c’est complexe, mais nous ne gérerons ni l’acquisition client, ni la logistique. Nous prévoyons de nous greffer à des partenaires pour ces deux aspects. Par exemple, vous réservez votre voyage sur Booking.com et vous aurez une option pour 50€ de plus “partez chez vous sans votre bagage” ; à ce moment là nous nous connecterons à des logisticiens type DHL ou UPS. Il faudra néanmoins que le bagage du client soit prêt au moins 24h avant le départ.
Quels enseignements retenez-vous de cette expérience ?
De cette expérience, je retiens principalement une prise de maturité, car l’entrepreneuriat nécessite un travail sur soi-même, s’apparentant parfois à une forme d’introspection. J’ai également appris qu’il n’était pas évident de passer du rôle d’entrepreneur à celui de manager. C’est pourtant un aspect essentiel, car au début la boîte se résume aux fondateurs mais ensuite viennent les salariés, il faut alors trouver un mode de fonctionnement différent. Je pense que si l’on a une bonne vision, de l’empathie et qu’on arrive à forcer le respect, on peut devenir un bon manager.
L’autre enseignement que je retiens est le fait qu’en B2C, il ne faut pas chercher la rentabilité à tout prix, mais plutôt l’expansion, ce qui permet de lever du cash très vite. Contrairement au B2B où on va chercher un monthly recurring revenue (abonnement qui arrive quand on vend un software par exemple). En B2C il faut toucher tout le monde, très vite.
Quels conseils donneriez vous à ceux qui voudraient se lancer ?
Les personnes qui ont une idée ont souvent peur d’en parler au risque de se la faire voler. C’est à mon sens un mauvais raisonnement : ce qui compte dans une idée, c’est sa mise en oeuvre. Si vous avez une idée, il y a des chances que des milliers de personnes y aient également pensé. Si vous parlez de votre concept et qu’il est bon, d’autres personnes en parleront à leur tour, ce qui donnera une indication de l’intérêt suscité par l’idée de base. Pour évaluer l’intérêt porté à l’idée par le public, j’ai simplement fait un sondage Google. Mon conseil à ceux qui veulent se lancer est de ne pas hésiter à parler de leur idée et de la tester sans trop se cantonner à l’aspect financier. Même sans argent on peut se lancer !
Article co-écrit avec Alexandra Tondowski