J’étais récemment à un atelier où des personnes du monde de l’éducation et de la recherche se posaient la question de comment apporter de l’aide à la création de start-up et leur transformation en scale-up. Le constat qui en est ressorti est que ces deux mondes doivent mieux se connaitre pour fructifier ensemble.
En préambule de cet article, je précise que je connais bien le monde de l’entreprise, étant moi-même entrepreneur et ayant créé ou co-créé 14 entreprises ces 20 dernières années, et étant consultant en stratégie auprès de grands groupes, ETI, PME et Start-up. Je connais bien moins le monde de la recherche, dont je n’ai que quelques aperçus grâce à plusieurs amis thésards ou docteurs.
Des mondes aux intersections ténues
Le monde de l’éducation et de la recherche est naturellement un terreau favorable à l’émergence d’entreprises, notamment Deep Tech.
Le monde de l’entrepreneuriat est naturellement consommateur de produits de la recherche, pour avoir des différenciateurs profonds et durables contre les concurrents.
Cependant, chacun de ces mondes a aussi des caractéristiques radicalement opposées :
- le rapport à l’argent : objectif ou co-produit nécessaire de la réussite d’une entreprise, nécessaire pour faire vivre un labo avec des équipes, mais pas comme objectif pour un organisme de recherche
- le rapport au temps : court, car c’est du cash-burn pour les entreprises, long pour la recherche
- le rapport à la propriété : la propriété est un élément vital pour l’entrepreneur, car sans maitrise de ses actifs, sa société court un risque mortel ; la recherche publie largement, brevette parfois, mais n’a pas la même contrainte de possession d’actifs vitaux
Donc si ces mondes sont naturellement et nécessairement connectés, ils ont aussi des forces centrifuges puissantes qui tendent à les repousser.

Rejoins-moi !
Une faible connaissance mutuelle, un fort enjeu à se rapprocher
J’ai pu constater, de la même manière que tout le monde se construit une vision biaisée de choses qu’on ne connait pas, que chacun des deux mondes ignore des caractéristiques majeures de l’autre.
Et c’est normal, ce n’est pas un reproche.
Comme souvent, connecter des lointains est source puissante de création de valeur. Il y a donc un enjeu ici d’innovation par la connexion entre :
- la recherche qui a la capacité à faire émerger par les sciences dures de nouvelles technologies
- l’entrepreneuriat qui a la capacité à s’emparer de ces technologies pour les transformer en utilité pour le plus grand nombre

La richesse est dans le mélange
Des éléments majeurs à vigiler
Les chercheurs passent du temps pour créer de la connaissance, et dans la zone grise qui permet à cette connaissance de se transformer en innovation : dépôt de brevet, élaboration de produits et / ou services, étude de marché…
Il est légitime que ces activités, financées par des fonds de recherche, si elles donnent lieu à une activité économique rentable, aient un retour sur cet « investissement », que les statuts de la plupart des institutions de recherche ne permettent pas de faire comptablement : transformer du temps de chercheurs ou des fonds en parts sociales de start-up.
Cependant, s’il y a des brevets déposés par le centre de recherche, une licence d’utilisation peut être cédée à une start-up, contre rémunération.
Il y a souvent des structure privées proches de la recherche : associations, fondations. Ces dernières peuvent souscrire au capital de start-up. Et elle le font.
Il y a aussi, pour les brevets comme pour ces prises de participation, des éléments majeurs à vigiler : ces actifs sont vitaux pour la start-up, et il faut veiller que cette dernière puisse en disposer librement contre juste rémunération le jour où le succès commercial et financier est au rendez-vous :
- clause de cession de brevets contre prix pré déterminé
- clause de sortie proportionnelle et totale dans le pacte d’associé avec règle de valorisation des parts raisonnable
Comme pour toute société, il y a aussi les éléments suivants, qui, s’ils ne sont pas passés en revue ou mal passés en revue, occasionnent l’échec de 30% des start-up :
- qui est associé ou pas, pour quel montant de parts
- clauses de bad leaver, good leaver, vesting de certains associés
- clauses d’agrément des associés en cas de cession de parts
Conclusion
Les deux mondes de l’entrepreneuriat et de la recherche sont assez lointains pour de nombreuses raisons. Leur rapprochement est je pense substantiellement fécond sous réserve que chacun prenne le temps de comprendre l’autre, et soit vigilant quant aux conditions de réussites parfois trop implicites.
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