Comme évoqué dans le premier volet de nos articles sur le sujet, la e-santé est plus que jamais à l’ère du digital. Matériel médical connecté, consultations à distance ou options de suivi sur nos appareils numériques ; tout est bon pour alléger le quotidien des personnes malades ou ayant un accès aux soins limité. Les enjeux sont importants, tout comme le développement de ce secteur. Cependant, dans un monde où l’information provient de sources multiples, comment distinguer le vrai du faux ? Doit-on vraiment faire confiance à l’IA lorsque notre bien-être est en jeu ? Lumières sur 5 idées reçues concernant le secteur de la santé connectée. 

La (e-)santé pour tous : 5 idées reçues sur la MedTech

1. « Mes données de santé vont être vendues à Google ! »

Renseigner en permanence ses données personnelles sur un appareil connecté n’est pas un acte rassurant pour un grand nombre de personnes. C’est d’autant plus délicat lorsqu’il s’agit de renseignements de santé. En effet, la question de la sécurisation des données fait souvent polémique. Où vont les informations saisies une fois envoyées sur un site ? Qui les utilise ? Seront-elle partagées à mon insu ? Ces interrogations sont tout à fait légitimes dans la mesure où personne ne souhaite communiquer certaines informations personnelles, que ce soit sa date de naissance ou l’atteinte d’une maladie.

Si plusieurs polémiques existent concernant des données personnelles partagées à l’insu des utilisateurs, il faut cependant faire la part des choses. Il faut notamment veiller à bien distinguer les applications de santé / confort gratuites et à utilisation personnelle, avec les dispositifs mis en place afin de relier le patient au médecin. Dans le premier cas, l’outil peut-être un simple gadget pour améliorer le quotidien de son utilisateur. La lecture des conditions générales d’utilisation est importante, sachant que certaines applications n’impliquent pas de médecin derrière mais potentiellement une start-up lambda susceptible d’être reliée à d’autres tiers ou géants du web. Ce fut par exemple le cas de certaines applications de suivi menstruel qui ont partagé les données des utilisatrices avec Facebook et d’autres services tiers sans que celles-ci ne soient au courant. Ce genre de mésaventure peut être évitée à partir du moment ou l’utilisateur s’assure des conditions stipulées par l’outil en question concernant son utilisation et notamment le traitement des données personnelles. Comme évoqué lors d’un précédent article, “le digital accentue des problématiques légales déjà existantes dans le monde de la santé”, d’où l’existence d’une législation très pointue pour la protection des données, ainsi que de cabinets d’avocats spécialisés dans le domaine.

2. Ce sont des gadgets qui servent d’atout marketing

Smartphones, montres et bracelets connectées : tous sont aujourd’hui reliés à des fonctionnalités intégrées dans le but de « tracker » sa santé. Un simple coup d’oeil sur sa montre, et nous avons accès à une multitude de données sur notre état de santé. Oui mais, dans quelle limite ? S’agit-il de simple gadgets ou de services réellement reliés à un besoin existant ?

Les entreprises semblent bien avoir compris que la MedTech avait le vent en poupe, et que les applications de santé sauraient convaincre les futurs utilisateurs. Selon IDC, les applications liées à la santé stimulent la croissance des ventes de smartwatches. Du nombre de pas effectués au taux de glucose dans le sang, il suffit désormais de regarder sa montre pour avoir ces informations. Cependant, ces données ne sont pas toujours fiables et la plupart du temps inutiles sans l’avis d’un médecin pour les analyser. Le besoin peut alors être remis en question. Et pourtant, les géants du web comme Google investissent à tout va dans la santé. De simple atout marketing, ce sujet prend une ampleur importante avec pour objectif d’améliorer la santé du plus grand nombre. 

3. « Mon médecin va devenir un robot »

Les machines prennent une place importante dans la plupart des gestes du quotidien, et certains actes ne nécessitent même plus ou très peu l’humain. A tel point que, certaines IA développées sont aujourd’hui capable de détecter des maladies (cf. Google qui a développé une IA capable de détecter des cancers du poumon), avec parfois plus d’exactitude que des médecins ! La question se pose alors : à la vitesse où se développe la robotique, à quand le temps où nous seront entièrement pris en charge et soignés par des robots ?

Pas tout de suite, en tout cas. En effet, il existe encore (et existera peut-être toujours…) des blocages au traitement 100% autonome des données de santé, et certains professionnels de santé affirment d’ailleurs qu’ils auront toujours un rôle central dans l’interprétation de ces données. En effet, si les machines peuvent être autonomes dans leur fonctionnement, elles nécessitent toujours le cerveau humain afin d’analyser la cohérence des résultats ou diagnostics.

Sans compter que la plupart des outils disponibles sur nos objets connectés sont davantage des outils de mesure (cf. lecteur de glycémie via application mobile) qui servent aussi de relais entre le patient et le médecin. L’analyse des résultats et les recommandations pour le patient reviennent au médecin.

Autre point, celui de l’éthique, car il s’agit du principal blocage communément approuvé. En imaginant qu’une machine soit demain capable de prendre un patient en charge de A à Z, et à 100% : peut-on imaginer laisser une machine décider de la vie ou de la mort d’un patient ?

4. « La médecine à distance, ça n’est pas fiable ! »

La télémedecine se développe de plus en plus et comprend les actes suivants :

  • la téléconsultation (consulter son médecin en visioconférence),
  • la téléexpertise (permettre à un médecin de solliciter l’avis d’autres professionnels de santé via les nouvelles technologies),
  • la télésurveillance (permettre à un professionnel médical d’interpréter à distance des données recueillies sur le lieu de vie du patient),
  • la téléassistance (assistance d’un médecin lors de la réalisation d’un acte, par un autre professionnel de santé),
  • la régulation (la réponse médicale apportée dans le cadre de l’activité des centres 15).

Source : Ministère des Solidarités et de la Santé

Cela fait notamment plus d’un an que la téléconsultation est remboursée par la sécurité sociale. Pourtant, elle peine à entrer dans les mœurs. En effet, seulement 12% des actes de consultation en ligne prévus par le gouvernement ont été enregistrés par la Caisse Nationale d’Assurance Maladie. Pourtant, ils sont de plus en plus de médecins à demander l’accès au service auprès de Doctolib (plateforme de prise de rdv en ligne, qui propose la consultation en vidéoconférence) – d’après son fondateur, Stanislas Niox-Chateau.

Alors, qu’est-ce qui bloque ? L’aspect technologique, pour commencer. Le fait de devoir utiliser un ordinateur ou un smartphone rebute une partie de la population, qui n’est pas à l’aise avec ces technologies. Ensuite, le contact physique reste primordial pour certaines personnes, qui craignent que le diagnostic ne soit erroné à cause de la distance. Enfin, une méconnaissance du sujet joue en la défaveur de la télémédecine en général (pratique qui reprend plusieurs actes de suivi médical à distance, incluant la téléconsultation). En effet, d’après une enquête menée par la Société Française de Télémédecine, pas moins de 45% des personnes interrogées ne savent pas ou peu ce en quoi consiste vraiment la télémédecine. Un constat bien dommage, lorsque l’on sait que cette pratique peut notamment lutter contre les déserts médicaux de plus en plus nombreux en France. Sans compter l’accès plus facile à des consultations (à distance) sachant que certains spécialistes affichent complet pour les six mois, voire l’année à venir.

5. Il faut être informaticien pour utiliser correctement les MedTechs

Rejoignant le point précédant, l’utilisation de nouvelles technologies dans le but de se soigner n’est pas inné chez un grand nombre de personnes. Si c’est le cas pour les téléconsultations, ça l’est aussi pour certains outils ou applications à utiliser sur smartphone. Un utilisateur non habitué aura plus de mal à trouver un objet med-tech intuitif. Pourtant, la plupart des applications sont conçues pour apporter une simplicité d’utilisation à son utilisateur, et pour être utilisées quotidiennement. 

Cela vaudrait également pour les médecins, qui se doivent d’être capables d’utiliser les outils reliés à ceux de leur patients. Pour cela, les Facs de médecine, ainsi que les cursus de formation du personnel paramédical et administratif commencent à enseigner la santé connectée. C’est notamment le cas de l’Université Paris-Diderot qui a introduit un enseignement pratique de la e-santé dans son cursus. Des formations universitaires sont également très récemment apparues en France, comme le DIU de la Société Française de Télémédecine afin d’amorcer cette transformation. 

Publié le 19 septembre 2019, modifié le 30 septembre 2019.