Dernièrement, j’étais au restaurant et nous étions une dizaine. L’addition finit par venir et nous nous essayons à un exercice : estimer le coût total du repas. A tour de rôle, chacun émet donc sa prédiction. Individuellement, nous n’étions pas super fortiches : au moins un tiers des estimations étaient à côté de la plaque, avec un écart de 30 à 40% par rapport au coût réel. Mais nous souhaitions tester un phénomène : une fois chacune de nos prédictions prises en compte, nous en avons déduit la médiane, et PAF ! le résultat était correct à 5% près (280€ au lieu de 287€). Coup de bol…?

L’intelligence collective est partout et nulle part à la fois

… Ben pas vraiment ! Nous publiions en 2019 un premier article sur le sujet de l’intelligence collective, rappelons néanmoins ce dont il s’agit : « l’intelligence collective désigne la capacité d’une communauté à faire converger intelligence et connaissances pour avancer vers un but commun » (définition Wikipedia). Dans cet article, nous illustrions avec quelques exemples : une bande de trolls plus forte que la CIA, les facultés d’orientation d’un groupe de fourmis… Et j’en ajoute un avec une foule de joueurs d’échecs, dont voici une comparaison du niveau par rapport à un joueur seul :

Source : https://fouloscopie.com/resultats-4

Le graphique ci-dessus est un des résultats d’une expérimentation menée par Mehdi Moussaid, chercheur en science des foules et créateur de contenu sur Youtube. Si les sujets abordés dans cet article vous intéressent, je vous conseille grandement d’aller jeter un œil à ses contenus !

Retenons tout d’abord que l’intelligence collective n’est pas du tout une caractéristique intrinsèque à un groupe d’individus. Autrement dit, réunir beaucoup de personnes ensemble ne garantit en rien que le QI de la foule ainsi obtenue grandira avec son nombre d’individus. L’intelligence collective est avant tout un phénomène qui apparaît sous certaines conditions. Il est possible de réunir ces conditions en appliquant de méthodes éprouvées, comme la méthode DELPHI.

Une approche pour VOS problématiques : la méthode DELPHI

Si l’on passe outre la rigueur méthodologique, j’ai donné un exemple d’application de la méthode DELPHI avec « le coup(t) de l’addition ». Concrètement, la méthode DELPHI est une approche consistant à déduire des avis d’un panel d’expert une prédiction / estimation unique sur un phénomène. On l’applique souvent pour traiter des sujets complexes – c’est-à-dire liés à beaucoup de variables où très sensibles aux données d’entrée. Cette méthode s’applique particulièrement bien à la prévision de la demande… Mais pour que ce soit efficace, il y a un protocole à respecter :

  • Etape 1 : bien cadrer la question ou le sujet sur lequel le panel d’individus devra se positionner. Exemple : « estimer le coût total d’un repas en restaurant, toutes consommations confondues en prenant en compte la TVA »
  • Etape 2 : choisir les experts. Les experts doivent être indépendants entre eux et le panel des expertises doit permettre de couvrir l’ensemble des disciplines mobilisées par la question / le sujet.
  • Etape 3 : construire un questionnaire béton pour couvrir le sujet. Notre guide en la matière
  • Etape 4 : diffuser le questionnaire et traiter les résultats
  • Etape 5 : réitérer 3 fois l’étape 4 en réinjectant systématiquement les réponses de l’ensemble du panel en en-tête de chaque question. De cette manière, chaque individu a l’occasion de réajuster 3 fois son expertise en prenant en compte (ou non !) l’avis de ses pairs.

L’objectif de la méthode est double :

  • Obtenir une estimation / prédiction la plus fiable possible sur un phénomène donné, ce par la convergence des expertises
  • Obtenir un consensus facilitant le mouvement dans la prise de décision.

La méthode DELPHI n’est qu’un exemple parmi d’autres de protocoles éprouvés pour tirer parti de la sagesse des foules. Néanmoins et face à chaque problématique, la méthode à appliquer pour faire émerger l’intelligence collective peut varier. Vous cherchez à améliorer votre prévision de la demande ? Vous avez des problèmes à résoudre ? Nous pouvons vous aider !

Par ailleurs, certaine plateformes permettent aujourd’hui de faciliter la production de prévisions « intelligentes » et collectives. C’est par exemple le cas d’Hypermind qui exploite et met en processus l’intelligence collective à grande échelle (celle d’internet), ce sur tous types de questions.

Fun ? Fact

Moi je trouve ça fun… Certains des mécanismes exploités dans les approches comme la méthode DELPHI sont également utilisés dans les algorithmes de Machine Learning. Le Random Forest est un bonne exemple, où :

  • Chaque arbre de décision (= les experts) est construit sur la base d’un ensemble aléatoire des variables du modèle. Cela permet d’assurer l’indépendance des arbres entre eux. D’une certaine manière, l’algorithme reproduit ici les tropismes des experts. C’est fou mais c’est plus efficace comme ça ! (Il suffit de comparer la performance d’un arbre de décision classique à un Random Forest)
  • L’algorithme combine le résultat de chacun des arbres pour en déduire un résultat unique : un consensus
  • … Plus le nombre d’arbres et important (= le nombre d’experts), mieux c’est (dans la limite du possible)