Le 26 novembre dernier, j’ai eu l’opportunité de visiter le salon Educatec/Educatice à Porte de Versailles. Ce salon réunit des exposants de toute taille autour des innovations en matière de technologie et du traitement de données du secteur éducatif en France. Sur ce dernier point, j’ai assisté à la table ronde sur les enjeux éthiques en matière de données d’éducation où des enjeux et recommandation pour un numérique éthique dans l’éducation ont été présentés par Nathalie Sonnac, présidente du Comité d’étique pour les données d’éducation.
Numérique éthique dans l’éducation : enjeux et recommandations après la pandémie
La table ronde « Les enjeux éthiques en matière de données d’éducation » a eu comme intervenants :
- Rémi CHAINTRON – Conseiller-expert Stratégie et Partenariats pour la direction du numérique pour l’éducation au ministère de l’éducation nationale
- Audran LE BARON – Directeur de la Direction du numérique pour l’éducation pour la direction du numérique pour l’éducation au ministère de l’éducation nationale
- Nathalie SONNAC – Présidente – Comité d’Étique pour les Données d’Éducation
- Thomas DAUTIEU – Directeur de la conformité – Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés
- Philippe AJUELOS – Administrateur ministériel des données, des algorithmes et des codes sources (Ministère de l’éducation nationale)
Après divers échanges pour présenter le contexte de la discussion, Nathalie Sonnac a présenté les grandes lignes du rapport des enjeux et recommandations sur l’utilisation des outils pédagogiques et le traitement des données éducatifs après la pandémie.
Ce rapport a comme origine l’accélération de l’utilisation du numérique au sein des communautés éducatives, pendant la pandémie, afin de garantir une continuité des études des élèves. Le rapport définit 3 enjeux majeurs autour de la massification des outils et ressources numériques ainsi qu’il évalue leurs risques et présente des recommandations pour chacun.
Enjeu 1 : Protection des données personnelles éducatifs
Les élèves, le corps enseignant et les familles génèrent une quantité importante de données nécessaires pour l’établissement. Cependant, elle relèvent d’un caractère personnel qui ne sont pas toujours bien protégées : Adresse postale, adresse électronique, données relatives à la santé, numéro de sécurité sociale…
Ce premier enjeu présente ainsi l’importance de designer les données éducatives comme des données sensibles, à l’instar des données de santé. L’intérêt de cela est de les protéger dans le cadre du RGPD puisque ces données permettent d’identifier directement ou indirectement les élèves (ou n’importe quel membre de la communauté éducative).
Ainsi les principaux risques associés à cet enjeu sont :
- La récupération de ces données sensibles par des acteurs en France ou à l’étranger entraînant une perte de confidentialité
- Si l’État ne dispose pas d’un système de cybersécurité, les données détenues peuvent être piratées
- L’ingérence dans la salle de classe devient une possibilité lorsque la salle est virtuelle ou même hybride
- D’avoir une protection juridique soit trop simple (pour faciliter la compréhension) ou trop détaillée et exigeant (la rendant difficile à mettre en œuvre pour manque de compréhension.
- Une division entre vie pédagogique et vie privée concernant les données pas définie.
Parmi les principales recommandations présentées par Nathalie Sonnac et le rapport du Comité se trouvent :
- Engager une réflexion sur l’opportunité d’introduire les données d’éducation comme des données sensibles à la RGPD car mineurs à l’instar des données de santé
- Définir un statut juridique plus protecteur au niveau français (code de conduite pour l’utilisation)
- Accentuer la sensibilisation des ches d’établissement et sensibiliser l’ensemble de la communauté éducative aux principes du RGPD
- Proposer une certification pour les EdTech qui respectent la vie privée des utilisateurs éducatifs comme forme de garantir le respect des données éducatives pour les établissements scolaires voulant les adopter
- Offrir des garanties de sécurité pour les outils de l’État proposés aux établissement
Enjeu 2 : Garantir la souveraineté numérique
Pendant le premier confinement, la demande d’outils numériques a explosé de manière soudaine. L’État n’ayant pas la capacité d’assurer ce besoin pour les établissement éducatifs, l’offre privée EdTech locale et étrangère a vu son utilisation croître de manière importante. Or, il s’avère difficile de vérifier le respect du RGPD ou du traitement des données par ces acteurs privés.
Les données échangées via les différents outils et plateformes privés constituent une richesse nationale pour la recherche et l’innovation ainsi que pour l’évaluation du niveau d’éducation du pays. Ces données, lorsque collectées par des tiers, notamment d’autres pays, peuvent être la source d’une potentielle vulnérabilité pour le pays.
C’est pourquoi, le comité propose de :
- Créer une stratégie nationale portée par l’Europe se traduisant dans le développement des outils gratuits respectant le RGPD et les valeurs de l’UE
- Former les membres de la communauté éducative aux enjeux de souveraineté numérique et comment cela touche à l’éducation
- Identifier les offres dont le fonctionnement peut poser des problèmes d’éthique et fuite des données vers l’étranger
- Effectuer une veille des principaux outils de communication, partage et collaboration proposés aux acteurs de l’éducation
Enjeu 3 : Assurer l’égalité de l’accès aux ressources et compétences numériques
D’après l’INSEE, aujourd’hui il ne suffit plus d’avoir des outils tels qu’un équipement et une connexion à Internet pour garantir l’accès aux ressources numériques. En effet, le numérique est devenu très riche et complexe, ce qui mérite une formation pour les citoyens pour en tirer un maximum d’avantages et les utiliser d’une manière responsable.
En France, le rapport du comité signale une forte inégalité dans l’accès aux ressources numériques (distribution, accès, usage) :
- La généralisation de la fibre n’est pas encore atteinte, malgré l’engagement des collectivités territoriales
- Les foyers ne disposent pas tous d’un équipement pour chaque membre de la famille, ce qui rend très difficile de faire du télétravail et participer aux cours à distance au même temps
- En 2019, l’illectronisme touchait au 17% de la population de plus de 15 ans
- L’enquête internationale Talis de 2019 indique que 37% des enseignants en France du niveau d’éducation primaire et 22% de ceux du niveau secondaire évoquent manquer des capacités basiques concernant le numérique. Ils signalent d’ailleurs qu’ils intégreraient davantage le numérique s’ils avaient ces compétences.
Tout cela entraîne un renforcement des inégalités scolaires entre élèves et même entre les territoires.
Pour attaquer ces problématiques, le comité propose de :
- Définir les compétences d’un « citoyen numérique », spécialement pour les acteurs du secteur éducatif, et impulser la formation à ces compétences, notamment aux sujets de :
- Cybersécurité
- Analyse critique des médias et vérification des informations
- Les modèles du marché des données et en conséquence des outils numériques à disposition de l’éducation soi-disant gratuits
- Coordonner la distribution équitable des ressources numériques pour y faciliter l’accès aux familles via les établissements scolaires
Vous pouvez découvrir l’intégralité du rapport ici.
ISLEAN continue à accompagner les établissements scolaires dans la mise en place des outils technologiques permettant d’avoir une vraie innovation pédagogique en salle de classe. Pour cela, nous lançons notre site dédié exclusivement à l’éducation, les interventions que nous réalisons et notre avis sur des sujets comme celui présente dans cet article et encore d’autres.