Nous venons de sortir d’une période particulière et inédite qu’ont été ces deux mois de confinement.  Habituellement happés par le rythme effréné de la vie, professionnelle et personnelle, nous avons vécu dans un nouvel espace-temps ou tout a semblé ralenti, en suspension… et face à nous-mêmes, forcés et contraints, nous nous sommes retrouvés à penser à nous, à prendre du temps pour nous et nos proches, à se recentrer sur l’essentiel. Ce travail d’introspection personnel nous amène pour certains à nous poser de nouvelles questions (des questions qu’on ne s’autorisait pas ou qu’on ne prenait pas le temps de se poser) : comment voulons-nous vivre notre vie ? Qu’est-ce qui nous anime réellement ? Que voulons-nous être et ne pas être ? Toutes ces questions (et plein d’autres encore) se posent au niveau personnel mais qu’en est-il des organisations, des entreprises et de la société en général ? Ne devrions-nous pas collectivement se poser ces questions au sein de nos organisations ? Cela ne serait-il pas le premier pas vers la construction du monde d’après ? Si nous en sommes convaincus, il ne reste plus qu’à le faire ! Voici en quelques lignes une idée des premières questions à se poser et la démarche à entreprendre.

 

Trouver sa raison d’être : pourquoi et pour quoi ?

Il y a en langue japonaise un terme consacré : Ikigai, qui signifie « raison d’être » ou encore « joie de vivre ». Cette méthode consiste à décoder nos modes de pensée et réconcilier nos besoins/désirs et ce que nous faisons afin de les aligner pour réaliser ce que nous voulons vraiment faire. Cette philosophie de vie nous incite à agir et prendre des décisions en harmonie avec nous-même pour donner du sens à notre vie. Evidemment cela comporte une dimension liée à la relation au travail : mon travail est-il aligné avec ce que je suis ? Répond-il à mes besoins profonds et mes désirs ? Correspond-il à mes valeurs ?

Ces questions convergent vers une seule et unique question : quelle est notre raison d’être ? Cette réflexion s’effectue à deux niveaux : individuel mais aussi collectif, au niveau de l’entreprise ou organisation, de la société, voire même au niveau d’une équipe, d’un projet ou d’une activité (cette réflexion étant transposable et applicable à tous les niveaux de l’entreprise). Concentrons-nous sur le deuxième niveau : celui du collectif.

Pourquoi formuler une raison d’être pour votre entreprise, organisation ou équipe ? Parce qu’une raison d’être clairement formulée, juste et inspirante permettra entre autres de :

  • Créer la différenciation et rendre l’entreprise plus performante que ses concurrents à terme
  • Attirer et fidéliser tous les acteurs clés, clients et collaborateurs
  • Créer le levier nécessaire à l’innovation et la transformation culturelle
  • Impulser et maintenir l’engagement des collaborateurs dans un collectif

ikigai

 

Ce qu’est et ce que n’est pas une raison d’être ?

Avant toute chose, trouver et formuler la raison d’être de son organisation / équipe ne doit pas être un énième acte publicitaire visant à (re)donner une bonne image de l’entreprise. Ce n’est donc pas un slogan ou promesse de valeur marketing ; il s’agit surtout d’une démarche et d’une volonté profonde et collective de s’interroger sur son organisation. Si vous n’êtes pas dans cet état d’esprit, cela ne vaut pas la peine de commencer à chercher sa raison d’être…

En effet, la raison d’être va bien au-delà des plans stratégiques ou schéma directeurs, qui sont devenus des incontournables en entreprise et dont les outils sont bien souvent maîtrisés. Il ne s’agit pas non plus de culture d’entreprise, regroupant des valeurs conscientes ou inconscientes, verbalisées ou non, partagées à plus ou moins grande échelle dans l’entreprise.

La raison d’être va donc un cran plus loin, embrassant tout aussi bien les concepts de plan stratégique, vision, mission, culture et valeurs d’entreprise et en incluant tout son écosystème dans une logique de symétrie des attentions : actionnaires, dirigeants, salariés, fournisseurs et clients mais aussi le citoyen et la société au sens large. Réfléchir à votre raison d’être c’est donc :

  • Réfléchir aux fondamentaux et à l’essence même de votre entreprise ou organisation
  • Aligner vos valeurs et votre culture d’entreprise à ce que vous faites
  • Distinguer l’« être » (le pourquoi) du « faire » (le quoi) et les clarifier
  • Identifier ce qui vous différencie de vos concurrents
  • Décloisonner votre pensée et innover
  • Ancrer le projet d’entreprise au sein du collectif, donner du sens et gagner en motivation
  • Renforcer l’alignement des parties prenantes, externes et internes à votre entreprise

La raison d’être interroge donc le rôle et la finalité d’une entreprise ou organisation dans la société : elle explicite la mission qu’une entreprise se fixe, définit sa contribution aux enjeux sociétaux et manifeste la façon dont l’entreprise considère son utilité dans la société. Elle doit être authentique, sincère légitime et conforme à la réalité de votre entreprise, d’où la difficulté de l’exercice !

Comment peut-on formuler cette raison d’être ? Quelle méthode mettre en œuvre ?

 

Ce qui compte ce n’est pas ce que l’on fait mais pourquoi on le fait : méthodologie du cercle d’or

Dans son ouvrage, devenu classique, « Start With Why : How Great Leaders Inspire Everyone to Take Action », Simon Sinek explique comment les dirigeants peuvent inspirer la coopération, la confiance et le changement à partir d’une méthodologie innovante (pour un résumé, voici un talk show inspirant). Comme le nom de son ouvrage l’indique, Simon Sinek nous encourage à nous poser en premier lieu la question du « why ? ». En effet, la majorité des entreprises se définissent par ce qu’elles font sans vraiment expliciter et présenter pourquoi elles le font. Or, c’est le « why » et non le « what » qui motive, anime et rassemble autour d’un projet commun. Le « why » ce sont les valeurs fondamentales, le moteur qui transcende les individus. C’est donc en partant de votre « why » que vous pourrez identifier et formuler votre raison d’être.

Le cercle d'or

Cercle d’or de Simon Sinek

Il présente sa méthodologie du cercle d’or : trois cercles concentriques avec au centre le « why », puis le « how » et enfin le « what ». Simon Sinek résume ainsi la situation : « tout le monde sait ce qu’il fait, certains savent comment ils font ce qu’ils font, peu savent pourquoi ils le font ». Naturellement les entreprises communiquent sur le « what » : ce qu’elles font. Elles savent très bien comment elles le font (le « how ») car elles ont mis en place les processus et procédures nécessaires. Mais très peu savent pourquoi elles le font (le « why »). Toute la force du concept du cercle d’or est donc d’inverser la posture naturelle où nous avons tendance à penser et communiquer de l’extérieur vers l’intérieur (partir du « what » pour aller au « why », du plus concret au plus abstrait) pour se recentrer sur le « why » et penser de l’intérieur vers l’extérieur.

Vous connaissez désormais les 3 étapes simples pour définir et formuler votre raison d’être :

  • Clarifier le « pourquoi » : vos croyances et valeurs, la finalité de ce que vous faites
  • Discipliner le « comment » : les actions et valeurs pour alimenter le « pourquoi »
  • Créer une cohérence de son « quoi » : les activités quotidiennes et manifestations tangibles du « pourquoi »

Why How What

Mais surtout ne faites pas l’erreur de vous arrêter là ! Ce n’est que le début, la raison d’être ne devant pas se réduire à une simple déclaration comme une formule magique. Elle doit devenir un outil concret et s’incarner dans les hommes et femmes de votre organisation, dans les actions et projets que vous menez, dans les objectifs stratégiques et opérationnels que vous définissez, dans le management au quotidien…

 

Le jour d’après…

Cette crise sanitaire et économique met déjà, et cela va s’accentuer, à l’épreuve (voire à rude épreuve) les individus et les collectifs. Nous allons progressivement entrer dans un monde que la plupart d’entre nous ne pensait pas connaitre (non pas une mais cinq crises semblent se profiler), un monde où les valeurs humaines et sociétales devront primer pour ne pas tomber dans la sauvagerie économique, politique, sociale… Loin de céder à la panique et au désarroi, il convient selon moi de se recentrer sur nos valeurs, individuelles et communes, pour ne pas s’éloigner trop de qui nous sommes, ne pas perdre de vues notre raison d’être et ainsi surmonter les épreuves à venir en toute conscience.