La réforme du baccalauréat a fait couler de l’encre et des larmes. Tournons-nous quelques minutes pour voir ce que les données mises à disposition par l’Education nationale nous apprennent après un premier bac sur les inscriptions des « doublettes » en terminale à la rentrée 2020. Une école plus inclusive en 2020, à commencer par la mixité ?
Périmètre des données disponibles : merci l’open data
Sur les 2 321 établissements ayant présenté des candidats l’année dernière au baccalauréat, le fichier des choix de doublette des spécialités nous donne l’information pour 93,4% des établissements, qui représentent plus de 98% des élèves candidats.
Dans ces 2 168 établissements, la base recense les choix de 376 461 élèves.
Le nombre de choix fait apparaitre une répartition encore très centrée sur moins d’une petite dizaine de spécialités, sur les 18 recensées.
Pour accéder aux bases toujours précieuses des données ouvertes, vous trouverez le lien en fin d’article 🙂
Un premier « éclatement » des filières traditionnelles, surtout la terminale S
Dans mon souvenir, l’un des enjeux de cette réforme était de casser le monolithe de la série S, devenue incontournable pour le choix de suite qu’elle ouvrait plus que pour son contenu lui-même. C’était aussi dans une logique de meilleure représentativité et personnalisation du parcours des élèves.
A ce titre, on peut voir le panel des choix ouvrir un peu les matières, 95% des choix vont vers 8 spécialités. Ainsi, 5% des choix ont pu profiter d’une offre élargie de 10 autres spécialités proposées.
En pôle position, on retrouve une forte proportion des choix dans les sciences, avec :
- d’abord les mathématiques, en premier, suivi de la physique-chimie (doublette possible de type bac C, puis S, spécialité Maths) ;
- puis les sciences économiques et sociales, (doublette possible de type bac ES) ;
- puis les sciences de la vie et de la terre (doublette possible de type bac C, puis S, spécialité SVT).
Les matières plus littéraires (de type bac L…) arrivent ensuite dans les choix de spécialités, avec les lettres, l’histoire…
A noter, une position en bas de classement de la spécialité NSI, pourtant plutôt compatible avec un parcours scientifique.
On peut verser une larme ; malgré l’enthousiasme médiatique pour l’écologie, portée par la voix des jeunes – y compris des voix suédoises jusqu’à l’ONU -, la spécialité Biologie / Ecologie arrive en dernier de la classe. 16 élèves en France ont fait ce choix en cette rentrée en 2020, avec un bon niveau de mixité toutefois.
Pour revenir aux premiers choix, les 7 spécialités les plus choisies représentent plus de 95% du choix. Les élèves ont choisi en premier les mathématiques.
Et le choix des filles pour les filières scientifiques ?
Une lecture militante, assumée de ma part. Quelques articles précédents au sein de l’équipe pour rappeler cela (femmes et numérique, ou de pionnières à minoritaires…). Bien sûr, des sciences au numérique, il y a un raccourci. Fin 2021, c’est aussi un raccourci vers une lecture du monde, dans lequel l’innovation est plus facile quand on maîtrise les outils.
Pour revenir aux chiffres de la rentrée 2020, 41% des élèves ont donc choisi la spécialité Mathématiques.
Pour mettre ce choix en perspective, il est intéressant de rappeler que la promotion d’élèves en terminale compte 56% de filles et 44% de garçons en 2020. En cette rentrée 2020, 31% des filles ont choisi la spécialité Mathématiques, contre 55% des garçons.
Pour poursuivre la mise en perspective, observons la tendance de la période précédente, sur deux points de mesure des 40 dernières années. Aucune nostalgie d’un monde prétendu meilleur, mais un simple constat que sur cette période, la part de filles d’une promotion s’inscrivant dans la filière scientifique de l’époque (équivalent à la filière S) passait de 28% à 41%.
A la rentrée 2020, 12,6% de filles choisissent la doublette « 001 – Mathématiques / Physiques -Chimie ». La doublette qui s’approche le plus de la précédente série S. Si on s’autorise le raccourci entre cette doublette et l’ancienne série S. Intéressant également de noter que dans le public, c’est 11,7% des filles qui la choisissent. Dans le privé, c’est 15,4%.
Note : LL&CER = Langues, Littérature et cultures étrangères et régionales.
Conclusion, une part moins importante de filles choisissant les spécialités scientifiques. Pas sûr du sens que cela prend, cette histoire.
Sources :
- Fichiers Open data de l’éducation nationale sur les choix de la rentrée 2020 sur les spécialités « Doublette » de terminale.
- Note insee, « Filles et garçons dans le système éducatif depuis vingt ans » par Fabienne Rosenwald (2006)
Une vigilance à avoir : à part les spécialités principales (maths, physique, SVT, Eco, etc.) certaines ne sont tout simplement pas présentes dans les Lycées proches, donc délaissées. J’ai pu constater, par exemple, que très peu d’établissements proposent la spécialité NSI, et c’est sûrement le cas pour d’autres. C’est à l’élève et aux familles de s’adapter à l’offre, et, si besoin, de choisir un Lycée loin, voire très loin de chez soi.
Bonsoir, intéressante analyse (j’ai une fille en première cette année, avec des spécialités résolument non scientifiques, mais ceci n’a pas de valeur statitistique, n’est-ce pas). Pourquoi ne pas avoir estimé la part des filles choisissant l’équivalent d’une filière S en cumulant les doublettes Maths+PC, Maths+SVT et PC+SVT ? cela me parait plus juste tant d’un point de vue comparatif que pour rappeler que les sciences ne se limitent pas aux maths. Mais ça ne change pas vraiment la conclusion… (cela donne plus de 35%, moins que les 41% de S en 2004, et sans doute moins que l’équivalent pour les garçons).
Merci pour votre commentaire. Je vous rejoins, on peut tout cumuler les doublettes que vous indiquez pour tenter la comparaison avec l’ancienne série S, qui proposait aussi plusieurs spécialités (Maths, SVT…). Mais comme vous l’indiquez, cela révèle un décrochage.
Le résultat de l’enquête annuelle de l’IESF de juin 2021 indique « « Une moins bonne nouvelle : la féminisation stagne », annonce d’emblée Sandrine Peltre, Responsable Communication de l’Observatoire des Ingénieurs. Elle stagne à 28 % dans les promotions depuis 2013. A 24 % chez les ingénieurs français en activité. « J’invite les femmes ingénieures à intervenir largement dans le écoles pour présenter leur métier », propose comme piste d’action Sandrine Peltre. Celles actuellement en activité s’orientent en particulier dans les secteurs de la chimie et des sciences du vivant. Leur présence régresse en parallèle dans le milieu de l’informatique. » Dommage, car le numérique recrute aussi…
Source : https://www.mondedesgrandesecoles.fr/enquete-iesf-2021-ingenieurs-francais/