Début juillet, un ami me propose de l’accompagner en randonnée ; étant passionnée de montagne et toujours partante pour une sortie sportive et bucolique, j’accepte volontiers ! Cependant, j’étais loin de m’imaginer le voyage qui m’attendait ; quelques jours avant le départ, je reçois les informations sur l’organisation de cette randonnée…urbaine ! En effet, nous partons pour deux jours de randonnées à Nanterre, « un voyage métropolitain » hors du temps. Ce weekend s’est avéré riche en découvertes que je souhaite partager avec vous à travers cet article.

Le voyage métropolitain nous invite à découvrir autrement les paysages urbains que nous côtoyons dans notre quotidien

RER A. Arrêt Nanterre-Préfecture. Après quelques minutes de marche nous arrivons au point de départ de notre voyage, le campement « Vive les Groues », terrain en friche en plein cœur de Nanterre (j’en reparlerai plus longuement par la suite). Premiers échanges autour d’un café puis notre guide nous rassemble et nous entamons un tour de table ; quelques habitués des voyages métropolitains, beaucoup d’urbanistes, architectes, designers, artistes… et une poignée de personnes comme moi, venues par hasard, et qui ne savent pas trop à quoi s’attendre !

Enfin arrivent les premières réponses à mes interrogations : « Le Voyage métropolitain, késako ? ». Cette association créée en 2014 réinvente le voyage et nous permet de découvrir les lieux de notre quotidien d’une nouvelle manière en organisant des marches collectives à la découverte des lieux urbains de la région parisienne ; comme on peut le lire sur leur site internet, illustré par cette citation de Marcel Proust tiré de son roman A la recherche du temps perdu : « Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages mais à avoir de nouveaux yeux ». Ainsi, le voyage métropolitain s’inscrit dans une démarche expérimentale où le voyage se fait par les expériences vécues collectivement, le partage des émotions et impressions, la transmission de connaissances par les personnes vivant eux-mêmes dans les lieux visités.

Au campement « Vive les Groues », présentation du parcours du Voyage métropolitain

Nous voilà donc partis pour une randonnée d’une quinzaine de kilomètres à travers Nanterre ; une traversée dans le temps et l’espace. En suivant toujours l’axe royal (dans l’alignement des Champs Elysées) nous arpentons les quartiers de Nanterre empreints d’histoire : les tours « nuages » érigées dans les années 70 ayant pour vocation de reloger les populations de banlieue dans de meilleures conditions et qui sont désormais sujettes aux plans de restructuration de Nanterre ; le Parc Malraux représentant 25 hectares de verdure en pleine ville ; le Théâtre des Amandiers qui symbolise depuis 50 ans la démocratisation culturelle en France; la Cité Blanche, anciennement cité de transit des populations immigrées jusque dans les années 80 ; les anciens bidonvilles de la Folie ayant accueilli dans les années 50-60 les populations immigrées de travailleurs ; l’Université de Nanterre d’où sont nés les premiers mouvements sociaux ayant entraîné les événements de mai 68…

Les tours nuages, vues depuis le toit d’un parking abandonné

Le théâtre des Amandiers

Vue sur Nanterre depuis les hauteurs du Parc Malraux

Tag sur les murs des bâtiments de l’Université de Nanterre

Ce qui m’a particulièrement marquée durant ce voyage c’est de voir à quel point Nanterre est une ville aux multiples facettes et comment la ville est impliquée et ces citoyens mobilisés dans une constante évolution et mutation de leur territoire. Entourée de communes limitrophes tout aussi différentes les unes que les autres, comme la Défense, Bois-Colombes… et à quelques kilomètres seulement de Paris, Nanterre se trouve dans une position charnière. Malgré une image de « banlieue parisienne » bien ancrée dans l’imaginaire collectif Nanterre engage sa transformation, via un plan d’urbanisme à horizon 2030, en lien plus ou moins étroit avec le projet Paris la Défense visant à dynamiser le pôle d’affaires et avec le projet de métro du Grand Paris Express.

La U Arena, symbole du renouveau et modernisme nanterrien

La photo ci-dessous, prise pendant le voyage, illustre parfaitement cet état de transition dans lequel se trouve la ville de Nanterre. Au premier plan des terrains en friche, en attente de réaménagement urbain par les promoteurs immobiliers, au loin les grues de construction du Grand Paris, au second plan les tours métalliques de la Défense côtoient les tours de bétons des logements des cités HLM.

La transformation urbaine de Nanterre

« Vive les Groues » : comment « Yes we camp » insuffle la transformation urbaine des quartiers ?

Entre friche et buildings, le campement de « Vive les Groues » et l’Arche, symbole du quartier de la Défense, se côtoient dans ce paysage improbable

 

Après une longue journée de marche, nous avons passé la nuit du samedi au campement « Vive les Groues ». Tout un programme nous avait été concocté aux petits oignons : banya (aménagement « home made » de saunas russes) et micro-piscine, vernissage de l’exposition photo de Cyrille Weiner « Avenue Jenny, planches contact », projection du film « Avenue Jenny », lectures de contes par une association de quartier, diner de groupe, et bien sûr camping sur place … Ce qui est assez fabuleux dans cette expérience, c’était de voir comme tout ce petit groupe improvisé, formé le matin même et constitué de personnes si différentes (de tout âge, profession et origine) pouvait créer le temps d’une soirée une ambiance incroyable de collaboration, d’entraide, de partage spontané ! Qu’il s’agisse de mettre la main à la pâte pour cuire les pizzas dans le four collectif où certains se sont révélé de vrai pizzaiolo en chef, d’aider les moins débrouillards (j’en faisais partie !J) à monter les tentes Quechua en pleine nuit, de débattre – toujours dans la bienveillance – sur le film projeté ou de philosopher sur la morale des contes qu’on nous avait lus…

Soirée projection de film & lecture de contes

Tout cela a été rendu possible grâce à l’initiative de l’association « Yes we camp » qui a créé cet endroit. « Vive les Groues » est un projet d’occupation urbaine de cette friche industrielle (9 000 m²) en plein cœur de Nanterre, pour une durée de 5 ans. L’objectif est d’accompagner la transformation urbaine que va vivre le quartier des Groues dans les prochaines années (nouveaux logements, commerces et bureaux vont être construits sur les prochaines années) en y insufflant dès maintenant l’identité du quartier de demain et en créant un écosystème d’acteurs engagés autour des mêmes valeurs. Cela passe par l’ouverture de ce terrain à de nouvelles aventures et expérimentations, l’organisation d’ateliers de réflexion ou d’événements festifs par d’autres associations, la possibilité à tout un chacun de venir contribuer aux travaux et de s’impliquer dans la démarche de transformation urbaine de son quartier. Dans les divers projets que va accueillir le campement, on note en particulier la très symbolique pépinière horticole produisant les futurs arbres qui peupleront les espaces publics du quartier, dont les stations du  Grand Paris.

« Vive les Groues » est un exemple du concept de tiers-lieu (terme défini par Ray Oldenburg, professeur de sociologie urbaine de l’université de Pensacola, Floride) qui vise à réinvestir des espaces pour leur donner de nouveaux usages souvent sociaux, de rencontres et de partage. Et ce n’est pas le premier coup d’essai de « Yes we camp » : La Caravanade à Marseille (2014), Les Grands Voisins à Paris depuis 2015, l’Habitarium à Roubaix cet été, le Café-restaurant RÊV à Montreuil (2017), le Coco Velten à Marseille… Par ses actions, l’association se positionne comme un acteur fort de la transformation urbaine en France. Fondée en 2013, l’association avait pour mission de créer et mener un projet écoresponsable et solidaire à Marseille, alors Capitale Européenne de la Culture. De là est né cette volonté de concevoir et mettre en œuvre des projets collectifs et participatifs ancrés dans des espaces spécifiques et appuyés par les initiatives locales. Forts de ses premiers succès, l’équipe se structure, s’agrandit, formalise son savoir-faire et développe une méthode d’intervention éprouvée, agile et orientée résultats à court terme  qui lui permet de se démarquer, de gagner d’avantages de projets et d’être désormais reconnue par son écosystème (urbanisme et entreprenariat social).

Ce qui m’a frappée lors de mes échanges avec les membres de l’association « Yes we camp » ce sont les similitudes qu’on pouvait trouver entre leur démarche de transformation urbaine et nos missions de transformation et d’accompagnement au changement que nous menons chez ISlean auprès de nos clients :

  • arriver dans un lieu/entreprise comme agent extérieur,
  • partir de l’existant pour bâtir le futur,
  • créer collectivement les solutions partagées par toutes les parties prenantes,
  • tirer parti des synergies de compétences pour porter la transformation
  • apporter une méthode de transformation robuste permettant d’obtenir des résultats visibles, rapides et concrets,
  • laisser la place à l’expérimentation par les personnes,
  • créer des espaces apprenants et libérés favorisant les prises d’initiatives,
  • ne pas dénaturer le sens premier ou la vocation des lieux/entreprises,
  • ne pas avoir peur de casser les codes, d’innover voire disrupter,
  • agir sur un temps fini et court (à l’échelle d’une ville/entreprise) mais dans l’objectif d’insuffler une transformation durable…

Merci encore à « Yes we camp » et au « Voyage métropolitain » pour cette belle expérience !

Pour plus d’informations, n’hésitez pas à vous rendre sur leurs sites internet :

https://yeswecamp.org/

https://www.levoyagemetropolitain.com/