Imaginez. A l’école, on vous enseigne que 1+1=2. Puis le lendemain, 1+1=3. Le surlendemain, 1+1=4… Cela vous rendrait fou, non ? Pourtant, cette image illustre grosso modo le quotidien des diabétiques, devant effectuer le travail de leur pancréas défaillant. Il s’agit d’équilibrer leur glycémie (taux de sucre dans le sang) tout en prenant en compte différentes variables (insuline, alimentation, exercice physique, stress…) dont les propriétés de corrélation changent constamment.
Si les nouvelles technologies ont fait leur preuve dans bien des domaines, voici en quoi celles-ci ont été révolutionnaires dans le domaine de la santé, plus précisément dans le quotidien de plusieurs millions de français dont le pancréas s’est mis en grève. 

« Bienvenue dans la vie du diabétique de type 1 – où chaque jour de ta vie est une expérience scientifique »

La révolution des nouvelles technologies dans la gestion du diabète

Le diabète, une des principales pandémie mondiale (non contagieuse)

En France, ce sont plus de 4,5 millions de personnes qui sont atteintes de diabète¹. Un quota mondial qui ne cesse d’augmenter, ce qui fait du diabète l’un des principaux tueur au monde, d’après l’OMS (rien que ça…!).
Heureusement, l’avancée significative de la recherche au cours des dernières décennies permet aujourd’hui aux diabétiques d’accéder à une vaste offre de traitements de plus en plus souples et efficaces.

Rappel sur le diabète
(pour tous ceux qui pensent que ce n’est qu’une maladie de personne âgée)

Le diabète est un trouble de l’assimilation des sucres apportés par l’alimentation, et se traduit par un taux de glucose dans le sang élevé.²

On distingue 2 types principaux :

  • Type 1 (6% des cas) : absence totale de production d’insuline par le pancréas, maladie auto-immune sans réelle cause prédéfinie.
  • Type 2 (90% des cas) : insuffisance de production d’insuline par le pancréas ou résistance à celle-ci, lié à une mauvaise hygiène de vie.

Il existe également d’autres formes plus rares de diabète (gestationnel, MODY, LADA…).

De la seringue au pancréas artificiel connecté : chronologie des traitements

Avant la découverte de l’insuline (1921), les diabétiques de type 1 étaient condamnés à une mort certaine. L’insuline étant l’hormone indispensable qui régule le taux de sucre de le sang. Petite histoire des traitements pour le diabète (complet ici) :

  • 1921 – découverte de l’insuline par F. Banting, C. Best et J. MacLeod.Elle fût dès lors injectée quotidiennement (et approximativement) aux diabétiques par des seringues. Extraite de pancréas de boeuf et de porc, il faudra attendre 60 ans pour obtenir de l’insuline humaine de synthèse.
  • 1962 – arrivée des glucomètres (ou “lecteurs de glycémie”), qui, grâce à leurs électrodes à enzyme permettent de mesurer le taux de sucre dans le sang de manière plus précise et autonome, puis transportable.
  • 1980 – première “pompe à insuline” externe, remplaçant le pancréas (et les injections). Grâce à un appareil relié à un cathéter, le diabétique n’a plus à se piquer et la pompe lui administre de l’insuline en continu.

    Première pompe à insuline 1963 – Dr Arnold Kadish

  • 1980 à 2010 – évolution constante : les laboratoires en entreprises médicales améliorent la production de l’insuline et des lecteurs de glycémie. Les modèles de pompes évoluent et se diversifient : d’abord des boitiers télécommandes, puis les pompes “patchs” sans fils. Ces avancées permettent aux diabétiques d’acquérir souplesse et autonomie dans la gestion de leur maladie. 

 


Pompe à insuline moderne patch sans fil

  • 2014 – premier dispositif de mesure de la glycémie en continu. Les diabétiques sont désormais équipés de “patchs” sur le bras, capable de mesurer la glycémie et de la communiquer directement à un appareil ou un smartphone via une fonction NFC. Le taux de sucre mesuré n’est plus seulement un chiffre à un instant T, mais bien une courbe à tendance facilitant la gestion et l’anticipation des variations.

Capteur de glycémie lisible par application mobile (NFC)

  • Arrivée des pompes à insuline en “boucle fermée” : un dispositif de mesure en continu communique avec la pompe à  insuline, capable d’adapter le dosage en cas de risque de malaise. Ces dispositifs sont encore peu commercialisés et réservés à une partie de la population des diabétiques de type 1 prioritaires (grossesse, diabète très instable…). L’intervention humaine est toujours nécessaire à l’ajustement des doses.

Globalement, les dix dernières années ont marqué le début d’une nouvelle ère dans la gestion du diabète grâce à l’arrivée des objets connectés. Couplés au bluetooth, nombreux sont les dispositifs complémentaires permettant de relier ces appareils à des applications smartphone. équipée d’un système de gestion intelligent via des algorithmes adaptés à chacun.

Lecture de la glycémie sur montre connectée ©Instagram, @mtondiabete

Aujourd’hui, le diabète s’adapte au mode de vie (et non plus l’inverse)

Intéressons-nous désormais à l’impact concret de l’arrivée de ces nouvelles technologies sur la gestion quotidienne de cette maladie.

A travers un sondage réalisé par nos soins, nous avons pu identifier les différents plans impactés par ces améliorations. Ce sondage datant de septembre 2020 comprend le retour de 110 diabétiques³.

D’entrée de jeu, on note que 96% des répondants utilisent le système de surveillance de la glycémie en continu (pris en charge depuis 2017). Seulement 14% d’entre eux estiment qu’ils pourraient revenir en arrière et utiliser le système classique.
Pour la pompe à insuline, ce sont 79% des utilisateurs qui ne pourraient revenir aux injections classiques.

Comme le montre le graphique précédent, le confort de vie a été pointé comme l’élément positif le plus significatif lié à l’arrivée de ces dispositifs (identifié par 86% des répondants). Quelques exemples ont d’ailleurs illustré le soulagement lié à la facilité des soins (contrôle de glycémie et injections d’insuline) apporté par le capteur et la pompe à insuline.

Certains métiers nécessitent beaucoup d’anticipation, et la possibilité d’obtenir sa courbe prédictionnelle de glycémie permet un meilleur ajustement. C’est le cas d’une enseignante qui n’a par exemple plus besoin de se mettre volontaire en hypergycémie (taux de sucre dans le sang trop haut) en prenant un encas avant son cours pour éviter d’être gênée par un malaise hypoglycémique (taux de sucre dans le sang trop bas, lequel est plus handicapant sur le moment). Grâce à la pompe à insuline, certains sportifs notent également le fait de ne plus avoir à débuter leur exercice volontairement en hyperglycémie.

Un confort de vie non négligeable qui a un impact d’autant plus positif sur la stabilité des résultats sanguins. L’Hba1c (“hémoglobine glyquée” = moyenne en pourcentage de la glycémie des 3 derniers mois, indicateur principal de l’équilibre du diabète) a d’ailleurs été désigné comme le second point d’amélioration lié à ces nouveaux objets (validé à 61%).

Deux études Belge et Néerlandaise ont d’ailleurs démontré la baisse de ce résultat dès 6 mois d’utilisation du Freestyle Libre (capteur de glycémie) en dessous du taux préconisé par les médecins (8%), ainsi qu’une diminution du nombre d’hospitalisations.

Dans cette lignée, on note également en 3e place la baisse de la charge mentale associée (52%), également due aux dispositifs d’alertes en cas de risque de malaise. Une multitude d’algorithmes sont de plus disponibles sur certaines pompes et applications, permettant l’aide à la gestion des repas.

Un témoignage relate notamment la disparition des comas hypoglycémiques depuis la mise en place du capteur de glycémie en continue !

Et demain…?

Vous l’aurez compris, le marché médical du diabète est en perpétuelle évolution, tout comme le nombre de cas de diabétiques diagnostiqués chaque année.
100 ans après la découverte de l’insuline, nous sommes sur le point de mettre en place des systèmes capables d’effectuer le travail du pancréas, sans l’intervention humaine. Nous voyons venir les principales interrogations : quid du financement de ces dispositifs à la pointe de la technologie ? Peut-on totalement déléguer la gestion de notre pancréas à un boitier intelligent ? A suivre…

Sources :
¹ Source : Atlas 2019 de la International Diabetes Federation
² Source : Fédération Française des Diabétiques
³ Source : sondage réalisé par l’auteure auprès de diabétiques, 110 diabétiques de type 1 ont répondu, dont 87% de femmes et 13% d’hommes, et dont plus de la moitié (57) se situe entre 18 et 34 ans
⁴ Fokkert M, van Dijk P, Edens M, et al. Improved well-being and decreased disease burden after 1-year use of flash glucose monitoring (FLARE-NL4)BMJ Open Diabetes Research and Care 2019 et Charleer S, De Block C, Van Huffel L, et al. Quality of life and glucose control after 1 year of nationwide reimbursement of intermittently scanned continuous glucose monitoring in adults living with type 1 diabetes (FUTURE): A prospective observational real-world cohort study. Diabetes Care 2019 Dec; dc191610.