Forts de notre expertise de cabinet de conseil en management, nous vous proposons aujourd’hui d’interroger notre rapport au travail à travers une rapide synthèse de la vision du philosophe médiatique André Comte-Sponville.
Présentation générale de l’auteur
André Compte-Sponville est un philosophe français né en 1952, agrégé de philosophe en 1975. Les sujets de ses écrits sont nombreux mais c’est notamment sa philosophie morale qui est à l’origine de sa notoriété. Il a d’ailleurs siégé au Comité consultatif national d’éthique de 2008 à 2016. Depuis maintenant plusieurs années, son œuvre fait grand écho dans le milieu du management. Il a d’ailleurs été interviewé par plusieurs journaux à cet égard et a également donné des conférences à ce sujet. En effet, par sa vision pratique de la philosophie, l’ancien Professeur de la Sorbonne aide à éclairer les grandes interrogations des cadres du XXIe siècle : quel sens donner à son travail ? Comment être un bon manager ?
André Comte-Sponville et le travail
« Le travail, sauf exception, n’est pas d’abord un plaisir ou une vocation, mais une contrainte ». Voilà le postulat duquel part André Comte-Sponville. Partant ainsi de l’étymologie du terme « travail » ( « tripalium » un instrument de torture) et de la vision biblique du concept, l’essayiste cherche à résoudre l’insoluble équation suivante : les hommes cherchent à être heureux. Ils vont donc désirer ce qu’ils n’ont pas. Par exemple, un chômeur va désirer un travail. Or, une fois ce travail obtenu, il ne peut, de fait, plus le désirer. Dès lors, son désir va se reporter sur un autre objet. « Cela signifie que le sens du travail, c’est forcément autre chose que le travail. Et tant que les managers n’auront pas compris quelle est cette autre chose, ils feront du travail une fin en soi, c’est-à-dire une valeur morale. C’est confortable pour eux : ça leur permet de traiter leurs collaborateurs de paresseux. Mais c’est sans efficience managériale ».
Dès lors, on ne travaille pas quotidiennement pour être heureux, sinon, personne ne prendrait de vacances. Ce n’est pas non plus pour la vertu que l’on travaille, puisque le travail n’est « qu’une valeur marchande », sinon le salariat n’existerait pas.
En bref, le philosophe, inspiré des épicuriens, des stoïciens, ou encore de Pascal et Montaigne, adopte une vision assez utilitariste du travail : c’est un choix rationnel, une sorte de moindre mal pour subvenir à ses besoins. Trivialement dit : ce n’est pas le travail en tant que tel que l’on aime, mais ses enfants que l’on peut nourrir grâce aux fruits que l’on récolte grâce à sa profession. Attention toutefois à ne pas se méprendre : André Comte-Sponville ne nie absolument pas que l’on puisse être épanoui et stimulé au travail, bien au contraire.
Pour autant, si le management consiste à « faire travailler les autres », comment être moteur si l’on postule que personne ne souhaite vraiment le faire ?
André Comte-Sponville et le management
Malgré l’omniprésence de la recherche du « sens au travail » et l’apparition de concept tel que le bore–out, le philosophe soutient que les managers sont aujourd’hui bien plus concentrés sur le désir des clients que sur le désir de leurs collaborateurs. Comme il l’explique : « Je suis surpris de voir que les chefs d’entreprise dépensent beaucoup d’argent en marketing pour mieux connaître et stimuler les désirs de leurs clients, ce en quoi ils n’ont pas tort, mais qu’ils n’adoptent pas la même attitude vis-à-vis de leurs salariés. ». Or, pour l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages : « la seule façon d’avoir et de garder les meilleurs clients est d’abord d’avoir et de garder les meilleurs salariés : la réciproque n’est pas vraie ! ». Pour autant, André Comte-Sponville, en grand spinoziste, soutient que le désir est ce qui motive les individus, le seul vrai moteur.
Le manager se voit donc être un « professionnel du désir » de ses subalternes. C’est l’une des boussoles qui doit l’aiguiller dans sa gestion afin de créer un surplus de motivation qui fait se dire : « je suis heureux de faire ce métier, dans cette entreprise ».
Ainsi, si l’on peut critiquer ou s’attrister de la vision du travail d’André Comte-Sponville, force est de constater que sa vision du management fait écho aux problématiques actuelles de la discipline. La philosophie a encore de l’avenir…
Une newsletter rafraîchissante un lundi matin Merci Maxime
« Le travail, sauf exception, n’est pas d’abord un plaisir ou une vocation, mais une contrainte ».
Affirmer cela, c’est reconnaître que lui-même prend son travail de philosophe comme une contrainte ?
Et c’est faire l’impasse sur le besoin d’utilité d’un être humain. Ce qu’on appelle « sens » pourrait aussi être appelé « utilité » : « à quel point mon travail a-t-il du sens à mes yeux ? » = « à quel point est-il utile *en-dehors du salaire qu’il me rapporte* ? »
« Pour autant, si le management consiste à « faire travailler les autres », comment être moteur si l’on postule que personne ne souhaite vraiment le faire ? »
La réponse est dans la question. 🙂
Et justement, on n’est pas obligé de postuler que personne ne veut vraiment travailler.
« (…) le philosophe soutient que les managers sont aujourd’hui bien plus concentrés sur le désir des clients que sur le désir de leurs collaborateurs. »
Je partage cette hypothèse. Alors même que mieux on s’occupe des salariés, mieux les clients sont traités. Voir notamment à ce sujet Employees First, Customers Second : https://www.google.com/search?q=employees+first+customers+second
Comme Antoine plus haut, je plussoie ! un article très intéressant. Je ne connaissais André Comte-Sponville que de nom. Voici une lacune réparée grâce à cet article !