Les sociétés qui offrent des services aux entreprises (informatique, bâtiment, expertise, consulting,…) sont souvent amenées à s’organiser en mode projet : un client a un besoin futur, on y répond par la mise à disposition d’une équipe et de moyens pour réaliser un chantier ou un projet devant amener un résultat dans un temps défini.

 

L’expérience montre que plus le projet ou le chantier est long, plus il a de chance de déraper (et plus l’incidence du dérapage est forte). C’est pourquoi les meilleurs patrons savent découper formellement les chantiers au long court en sous-projets, avec des objectifs et des délais clairement définis et pilotables. Et ils savent mettre en place les rituels qui rythment chaque projet ou sous-projet, en minimisent les risques et garantissent globalement l’amélioration de leurs pratiques.

La première cause fondamentale de dérapage d’un projet résulte, sous une forme ou une autre, de l’écart entre le besoin (exprimé et tacite) du client et la réponse mise en œuvre par le prestataire.

Lorsqu’on achète un résultat futur, le risque de désaccord sur ce résultat, ou d’évolution au fil du temps de l’attendu client est inévitable. Et plus l’ambition est grande (construisez-moi un immeuble, construisez-moi une application informatique), plus il est vain de croire qu’on peut détailler à l’infini et à l’avance ce qu’on veut. Quel que soit le métier, les cahiers des charges ultra-détaillés de 200 pages ne sont JAMAIS respectés à la lettre et c’est tant mieux, parce que la maturité du demandeur s’affine lorsque son projet avance et qu’il perçoit « en vrai » les conséquences de ses aspirations.

De la même manière, planifier de manière réaliste sur 2 ans un projet dans le micro-détail de chaque action serait aussi irréaliste que néfaste (parce que les travaux nécessiteraient alors des hommes robotisés, incapables de réagir au moindre imprévu). D’où il ressort que l’estimation budgétaire initiale comporte d’autant plus de risques d’écarts que le projet ou le chantier est long. Et c’est en découpant les problèmes que l’on peut circonscrire le risque au mieux.

 

La deuxième cause est liée à l’équipe elle-même qui peut ne pas avoir les bonnes compétences ou la motivation suffisante pour mener à bien le projet. Cela peut en partie résulter du point précédent (écart de perception initial sur la nature du travail à accomplir) mais pas seulement : on touche là à la capacité du prestataire de service à former, mobiliser, et animer les bonnes compétences. Et, plus globalement, à la capacité de l’entreprise à apprendre de ses expériences pour être de plus en plus performante.

 

Enfin, des événements impondérables peuvent survenir, sans que ni l’entreprise ni son client n’en aient la maîtrise, et contrecarrer les objectifs du chantier. Et c’est l’agilité du dispositif qui permet d’en limiter l’impact négatif.

Il y a donc un triple impératif : alignement permanent avec le client, amélioration continue des pratiques individuelles et collectives, agilité.

 Pour cela, les entreprises de service les plus performantes mettent toutes en place, sous une forme ou une autre, des rituels autour de leurs chantiers ou projets :

  • Des réunions formelles avec les clients et les parties prenantes en début et en fin de chantier (ou d’étape) pour garantir l’alignement des travaux et des besoins
    • Réunions de planification des travaux au début pour se mettre d’accord sur les attendus réciproques, et sur ce qui doit être fait (et quand) dans la période à venir
    • Réunions de revue de chantier à la fin pour partager sur les réalisations, célébrer les réussites, discuter des difficultés rencontrées (et préparer ainsi le terrain aux nouvelles étapes ou aux nouvelles ventes)
  •  … complétées par des rencontres informelles fréquentes avec le client
  • Des réunions internes à l’équipe pour assurer un management efficace
    • Des réunions quotidiennes rapides (15 à 20 min maximum)avec l’équipe, formelles ou informelles (type RDV à la machine à café) pour partager sur les difficultés de la veille et les objectifs de la journée, motiver les hommes, identifier les obstacles à lever par le management
    • Des debriefings internes à l’équipe, en fin de projet ou d’étape, pour se dire franchement ce qui a bien fonctionné et ce qui a moins bien fonctionné et pour en tirer les enseignements

A côté de ces rituels par projets, le collaborateur doit aussi ressentir son appartenance à l’entreprise par d’autres rituels, plus transverses : séminaires, réunions de partages de bonnes pratiques, voyages, systèmes d’évaluation et de récompense, etc… Ce ne sont pas là des gadgets mais des éléments indispensables à la capacité des collaborateurs d’interagir de manière fluide, d’un projet à l’autre.

 

Dire tout cela, c’est probablement enfoncer des portes ouvertes. Et pourtant, nous pouvons constater chaque jour que ces bonnes pratiques ne sont pas systématiquement mises en application. Ce sont pourtant sans doute des éléments préalables qui permettraient à nombre d’entreprises de progresser significativement, avant même de songer à des réorganisations plus complexes.