L’impact involontaire des modes de management sur le fonctionnement des entreprises et sur les collaborateurs
Il y a 3 mois, je m’étais amusé à trouver des analogies de gestion de projet/conduite du changement dans le roman L’ivresse de la métamorphose de Stefan Zweig. Je réitère l’exercice avec un film de Stanley Kubrick, Full Metal Jacket. Je porterai cette fois mon attention sur le fait que les modes de management peuvent impacter involontairement le fonctionnement des entreprises et l’expression personnelle des collaborateurs.
Pour les personnes n’ayant pas vu le film, je vais essayer de ne pas vous dévoiler toutes les subtilités de ce chef d’œuvre antimilitariste !
L’intrigue de Full Metal Jacket se déroule en plein milieu de la guerre du Vietnam, nous y suivons le quotidien d’un groupe de jeunes recrues américaines sur deux événements :
- la première partie du film développe l’éducation sévère et humiliante des engagés dans le huis clos d’un camp d’entraînement
- la seconde partie montre l’évolution de ce groupe sur le terrain vietnamien dans un contexte de peur et de stress quasi-permanent.
Dans ce film, Stanley Kubrick ne s’attarde pas sur les réalités visibles de la guerre et n’essaye pas de peindre une vision pro-américaine du conflit (Mel Gibson peut aller se brosser). De mon point de vue, il se concentre sur l’étude psychologique d’un groupe d’individus et la destruction des expressions personnelles des recrues par leur propre institution/management. Pour le téléspectateur, l’ENNEMI dans ce film, n’est donc pas le camp vietnamien mais le commandement américain (=> le management des équipes).
Pour vous illustrer ce point de vue, je vais vous présenter 3 exemples décrits dans Full Metal Jacket.
Full Metal Jacket, la méthodologie à ne pas suivre pour gérer les ressources humaines de votre entreprise
1) Dans la première partie du film, au camp d’entraînement, le réalisateur introduit le soldat Lawrence, un individu grand, gros, simplet et visiblement inapte à évoluer dans un contexte de combat. Durant toute la première partie, il devient donc la victime du cruel sergent instructeur puis par inertie du reste du groupe (même les personnes qui l’aidaient au quotidien). Cette torture morale puis physique transforme ce personnage attachant en véritable monstre. Il finit par assassiner le sergent instructeur et par se suicider.
Avec cet exemple, Stanley Kubrick développe d’une part le recrutement non qualifié des soldats américains pour en faire de la chair à canon -alors que certains apporteraient plus de valeur dans d’autres activités de l’organisation. D’autre part, il montre comment un manager peut pousser des individus à écarter des personnes du même groupe, impactant alors tout le fonctionnement de la garnison.
Full Metal Jacket, la méthodologie à ne pas suivre pour accompagner vos équipes
2)Dans la deuxième partie du film, nous pouvons voir un soldat prendre l’initiative d’assassiner des civils vietnamiens (sûrement poussé par un mélange de doctrine militaire, de peur et de folie). Visiblement ce personnage n’a plus aucun repère, il n’est plus encadré par son management, il a perdu sa capacité de jugement et prend d’horribles initiatives. En plus de mener cet individu vers un état d’anxiété intense lors de son retour à la vie civile, cette initiative dessert la volonté de l’organisation de protéger les civils durant la guerre.
Full Metal Jacket ne vous apprendra pas à pérenniser votre organisation pyramidale
3)Enfin au fur et à mesure de la deuxième partie du film, nous voyons mourir un par un sur le terrain l’ensemble des chefs de la garnison américaine. De grade en grade, le spectateur voit diminuer, sans pouvoir agir, la capacité à prendre des décisions de la garnison. Le commandement tombe inévitablement dans les mains d’un personnage bourrin et loin d’avoir les capacités à gérer ce contexte…
Stanley Kubrick semble critiquer l’organisation pyramidale de l’institution militaire. Les étages de gouvernance disparaissant, l’autonomie et le pouvoir de gestion sont attribués à des individus qui n’ont pas été formés à cela.
De la même manière, dans le cadre d’une entreprise, les urgences, par exemple, peuvent totalement désorganiser une organisation pyramidale et donner de l’autonomie à des personnes qui n’ont pas été accompagnées pour gérer cela
Quels enseignements dans Full Metal Jacket ?
- Evaluez rapidement le potentiel d’un nouveau collaborateur et le positionner sur des missions où il pourra amener le maximum de valeur à l’entreprise
- Identifiez les relations officieuses entre les collaborateurs et groupes de collaborateurs et créer des opportunités pour solidifier ces relations (par exemple : créez des moments d’échanges conviviaux, promouvez la transparence, faites collaborer des personnes « différentes » sur des projets…)
- Accompagnez les collaborateurs dans leur prise d’autonomie. Et ce n’est pas parce qu’ils sont autonomes qu’il ne faut pas faire des points réguliers avec eux pour vérifier qu’ils suivent la bonne direction
- Si vous êtes dans une organisation pyramidale, essayez de l’aplanir au maximum possible en développant les capacités d’autonomie de vos équipes et en créant des opportunités de collaboration sur leurs différentes missions.
Pour aller plus loin sur le sujet du management : Les thématiques de la souffrance au travail, comment les identifier ?
Paul Schwebius