Avant, j’accompagnais des entrepreneurs dans leur recrutement. J’ai entendu des centaines de fois l’argument fatidique : “j’ai pris ce candidat parce que j’ai eu un vrai fit avec lui”; ou “ça n’a pas marché, aucun fit”. La notion de fit reste très nébuleuse et semble être la réponse magique aux sujets du recrutement. Car dans l’entreprise, tout se veut rationnel pour prendre les décisions les plus justes possibles ; alors pourquoi accepte-t-on que le “fit” fasse la loi et dicte qui doit ou ne doit pas travailler dans nos équipes ?

Le recrutement est un enjeu de premier ordre pour toute entreprise comme point de départ des sujets RH

Si c’est vrai dans le secteur de la prestation intellectuelle et plus généralement dans les entreprises de services, déterminer qui le fait, c’est déterminer comment c’est fait. Par exemple, un cabinet de conseil avec des mauvais consultants est un mauvais cabinet de conseil. Ce principe peut être généralisé plus largement dans l’industrie par exemple, la qualité de mon produit final dépend du niveau d’attention et d’implication de mon chef de ligne/manutentionnaire etc…

Ce qui représente la force des bons est donc la difficulté des mauvais, et la santé RH d’une entreprise peut être soit un coût soit un capital.

Le coût d’un recrutement

Ci-dessous un graphique de la date de départ moyenne des nouveaux recrutés dans les entreprises françaises.

Date de départ moyenne d'un collaborateur nouvellement recruté dans une entreprise en Frnace.

*Ignition program Les coûts cachés d’un mauvais recrutement

Ajoutons à ce graphique le coût d’un recrutement. En moyenne, il faut compter environ 6mois entre le lancement d’un recrutement et l’arrivée de la personne: 1 mois pour définir son besoin ; 2 mois pour trouver la bonne personne ; 3 mois de préavis. La personne recrutée est donc déjà un investissement pour l’entreprise avant son arrivée. Lorsqu’on y ajoute l’investissement dans sa formation, le seuil de rentabilité d’un nouveau recruté peut monter à 1/1,5ans. On imagine donc facilement que le coût initial du départ d’un collaborateur juste à la fin de son onboarding puisse se chiffrer en dizaines voir centaines de milliers d’euros.

Bien recruter est donc primordial, et si la RH est communément admise comme étant un sujet stratégique pour une organisation, le recrutement est souvent vu comme une tâche banale. Bien recruter étant la porte d’entrée, c’est la condition nécessaire (pas suffisante) à une RH en bonne santé.

Certains biais empêchent l’objectivité des décisions

Recruter est un exercice difficile, car il engage des interactions humaines et des choix fondés sur ces interactions. Nos choix sont parfois influencés. Prenons pour exemple quelques situations bien connues de tous :

  • “ Quand dois-tu recruter ?
  • Pour hier”

Ou encore

  • “Je l’ai pris parce que j’ai vraiment eu le meilleur feeling avec lui”.

Ici quelques biais non-exhaustifs :

  1. l’urgence, est-ce que le décisionnaire prendra le temps de prendre la bonne personne ou est-ce qu’il fera des concessions sur le profil pour remplir le besoin immédiat ? Ici l’investissement long terme qu’est un recrutement est mis à mal pour un besoin court terme.
  2. Le fameux fit avec le candidat : EMPÊCHE TOUT JUGEMENT OBJECTIF. Si souvent le recrutement est vu comme un jeu de séduction mutuel, il ne faut pas tomber dans le piège de recruter quelqu’un pour avoir une bonne ambiance au bureau. La notion de bien-être dans l’entreprise est et doit être au service de sa mission et de sa réussite.

Le danger évident est de se laisser emporter par ces éléments vers des mauvais choix ; ce qui peut mettre l’organisation en danger.

C’est pourquoi le recrutement est une science à rationaliser

À travers des outils, des process, des personnes. Le tout étant de permettre des décisions objectives en s’autorisant l’absence de tout biais de décision.

Pour recruter efficacement (la bonne personne), il faut donc s’armer d’outils qui protégeront le recruteur contre lui-même. Prenons l’exemple de la scorecard (Who – a method for hiring, Geoff Smart):

La scorecard

La scorecard est un outil qui permet de déterminer le profil à recruter à partir de critères rationnels. En partant de la mission, on détermine les résultats attendus et donc les compétences que le profil doit avoir.

  • La mission : il ne s’agit pas de la description du poste, mais de résumer ce sur quoi le candidat sera attendu.
  • Déterminer les objectifs SMART (specific, measurable, achievable, relevant and time-bounded) sur lesquels le candidat est attendu. On peut en définir entre 3 et 8.
  • Les compétences que le candidat doit mettre en place pour atteindre les objectifs de la mission aussi bien soft que hard.

Ensuite, il convient de déterminer parmi ces compétences celles qui sont une obligation pour le poste et celles qui sont un plus, et ensuite d’élaborer les étapes du processus de recrutement pour l’évaluation de ces éléments. Chaque étape doit compléter la précédente et permettre d’évaluer une nouvelle brique. À la fin d’un entretien, il faut être en mesure de noter l’atteinte satisfaisante ou non des éléments évalués et en fonction passer à la prochaine étape ou non. L’erreur très fréquente d’un processus de recrutement est la validation successive : un junior valide ; ensuite, un manager revalide les mêmes points et finalement un associé survalide ce qui a déjà été validé. Un triple bon feeling n’empêche pas la triple erreur de jugement. La difficulté réside dans la capacité des décisionnaires à s’extraire d’une décision personnelle et à s’en remettre dans un process qui est la somme des appréciations objectives d’autres collaborateurs. Finalement, la confiance est au centre d’outils comme celui de la socrecard. L’enjeu devient donc la définition de ces outils et de ces process pour entrer dans cette démarche de confiance.

Pour conclure

Le fit n’est ni un outil rationnel ni un savoir faire, il met en péril les organisations. Néanmoins, il n’est jamais vraiment possible de s’extraire de tout jugement personnel quant au recrutement ou non d’un futur collaborateur. S’armer d’outils et de process, c’est faire preuve de courage et entrer dans une logique de subsidiarité.

En complément, quelques conseils pour les candidats sur comment nous faisons passer nos entretiens chez islean: ici.