Le dialogue client fournisseur se produit à l’occasion du comité de pilotage. Ce moment important mérite toute l’attention du client soucieux de conduire son fournisseur à combler ses attentes.
Le comité de pilotage n’est pas un simple exercice formel
Dans un précédent article, nous évoquions le devoir de client, la nécessité pour celui-ci de fixer à son prestataire de services l’alignement sur les objectifs de la prestation. Le comité de pilotage est un moment important de ce dialogue client – fournisseur.
Comment le préparer, que doit-on y dire, quelle suite donner ?
Si la prestation est un projet important, le client peut bien sûr confier à un assistant maître d’ouvrage le soin de préparer, animer et restituer ces comités. Mais cela ne dispense pas au client de piloter les enjeux, y compris auprès de son maître d’ouvrage pour préparer le comité que ce dernier animera et restituera. Des contrats de service de longue durée, comme des contrats d’externalisation, même s’ils portent des enjeux importants, ne sollicitent généralement pas d’assistant maître d’ouvrage. Ils nécessitent pourtant des comités de pilotage dans lesquels le client tient la barre, même si c’est le fournisseur qui en propose l’ordre du jour et qui en fait le compte rendu. Or, si un comité de lancement de prestation ou de projet est en général ressenti comme satisfaisant pour les deux parties, les difficultés arrivent au cours des comités de pilotage récurrents, qui peuvent se figer sur des usages inadaptés.
Un comité de pilotage, pour quoi faire ?
Il convient de ne pas confondre le comité de pilotage avec la réunion de réception d’un lot de prestations. Les opérations de vérification ou d’inspection se sont pas l’objet d’une réunion de comité de pilotage. Celui-ci peut éventuellement officialiser la recette d’un lot de prestations. Mais l’objet essentiel est ailleurs. Les responsables du côté du client et du côté du prestataire, qui ont chacun autorité pour mobiliser les ressources respectives, doivent régler entre eux les éléments clé du projet :
- Quelle valeur doit créer la prestation du fournisseur pour le client ?
- Le trépied périmètre-coût-délai pour le projet global, en tout cas précisément pour la séquence de projet en cours, est-il partagé ? De même en ce qui concerne les paramètres essentiels de qualité de service ?
- Les risques de projet sont-ils compris de la même manière par les partenaires ?
- Quelles actions spécifiques sont respectivement attendues de part et d’autre lors de la prochaine période (jusqu’au prochain comité), par qui seront-elles conduites et comment seront-elles suivies ?
Or il arrive souvent que le premier comité de pilotage d’une prestation nouvelle réponde bien à ces objectifs, mais que peu à peu les suivants soit se figent dans un formalisme qui devient inadapté à la création de valeur, soit se vident de substance.
Quel ordre du jour
Idéalement l’ordre du jour comprend la consolidation des points que souhaitent traiter l’un et l’autre partenaire. Le client peut le proposer, notamment via son assistant maître d’ouvrage quand il y en a un. Ou le prestataire peut le proposer, sur la base de sa méthodologie ou d’un canevas qui a été retenu en début de prestation. Mais même si cette réunion est répétitive, il est hautement préférable que les partenaires gardent de la souplesse sur la définition de cet ordre du jour.
En pratique, le partenaire qui joue le rôle d’animateur proposera un ordre du jour. L’autre partenaire ajoutera les points qu’il veut aborder. Ceci se fait environ une semaine à l’avance. Un simple échange de courriels suffit généralement. Il faut toutefois rappeler qu’il y a essentiellement deux parties à un tel comité, le client et le prestataire, non pas les différents départements du client face à différentes composantes du prestataire et peut-être de ses sous-traitants. Sinon l’ordre du jour se boursouffle de tous les points de vue.
L’animateur, qu’il soit le client ou le fournisseur, veillera à ce qu’une personne rapporte chaque sujet à traiter, et que les bonnes personnes soient présentes pour prendre la décision.
Mettons-nous en situation de devoir choisir les points pour un ordre du jour de comité de pilotage. Comment procéder ? Si chacun écoute ses passions ou veut soigner sa carrière, le jeu consistera à chercher des coupables des soucis rencontrés et à chercher à faire payer ces coupables. Il n’est pas certain que le partenariat client-fournisseur trouve le chemin de la construction de valeur dans ce jeu-là. Le comité tournera à un échange de doléances voire de réquisitoires. Mais comme il n’y a pas de juge, il n’y aura pas de verdict. Et donc pas de plan d’action.
La dynamique de l’ordre du jour est de faire un constat objectif et partagé du passé afin de concevoir ensemble l’avenir. Cette dynamique doit se retrouver dans l’ordre des sujets à traiter. Cette dynamique est différente de celle de la plupart des réunions internes d’entreprises, ou différents sujets sont traités en séquence, en vue d’une coordination finale. On trouve donc classiquement :
- Un point de situation chiffré : niveaux de services de la période, jalons atteints s’il s’agit d’un projet, valeur acquise, consommation du budget, avancement des actions décidés précédemment, autrement dit : l’expression du passé récent dans la perspective de la prestation.
- Un partage sur les risques perçus de part et d’autre. L’évolution des risques vient souvent de changement dans l’environnement d’un des partenaires, que l’autre ne peut deviner. Le fait de se poser la question en commun permet de ne pas oublier qu’une situation nouvelle, déménagement, évolution d’organisation, nouvelle activité pour le client, conduit à changer l’équation de risques, et à définir des mesures nouvelles.
- Le partage des jalons de la séquence suivante, s’il s’agit d’un projet ou s’il y a un sous-projet dans la prestation.
- En synthèse, un plan d’actions, qui doit être le résultat de la réunion même si des propositions sont faites avant.
Les partenaires ne s’interdiront pas de traiter un sujet particulier en lien avec la prestation. Mais une dérive fréquente est d’instruire ou argumenter, souvent à charge ou à décharge, pendant le comité de pilotage. La compréhension d’un sujet particulier devrait être traiter en amont d’un comité qui se veut décisionnel. En bonne pratique, la démarche consiste :
- En cours de prestation, un partenaire détecte soit un problème, soit un écart visible dans les chiffres, soit tout changement d’environnement faisant peser un risque sur l’objectif de la prestation.
- Le partenaire le plus diligent peut rechercher les causes d’écart et proposer des solutions de réduction, en vue de présenter synthétiquement cette étude en comité : c’est alors un point d’ordre du jour.
- Si le problème est détecté en cours de comité de pilotage, il est préférable de ne pas l’instruire pendant le comité, mais de prendre la décision de l’instruire, avec les moyens ad hoc.
- Le comité de pilotage doit décider la suite à donner.
La minute liminaire
Bien des ouvrages de management ont été écrits sur l’art de la réunion, traitant les questions de respect des horaires, de courtoisie, d’implication des personnes, de support de réunion etc. Un rituel est nécessaire, c’est une clé pour permettre aux personnes de parler en objectivité, mais aussi en vérité, en limitant de blesser les autres et de laisser déraper les discussions.
Parmi les rituels, il en est un qui me paraît utile à toute réunion, et particulièrement à un comité de pilotage : la minute liminaire. Il s’agit de vérifier, en début de réunion, que tous les participants sont d’accord avec l’ordre du jour. Si un point est à ajouter, ou si l’ordre de traitement doit être aménagé, c’est à ce moment qu’il faut en décider.
La restitution
L’un des partenaires propose une restitution dans un délai de quelques jours. Il est important de vérifier que le partenaire est en accord avec cette restitution. Ce sera d’autant plus simple que les éléments relatés sont factuels. Les éléments d’entrée, présentés en séance ou annexés à l’ordre du jour (tableaux de bord, chiffres…) sont annexés au compte rendu. Nous avons l’habitude d’afficher le plan d’actions, synthétisé sous forme de tableau, en tête du compte rendu, afin qu’il soit immédiatement visible.
Le formalisme et le support du compte rendu sont libres, les parties peuvent se mettre d’accord sur les modalités les plus efficaces. Si elles conviennent d’utiliser un outil partagé de gestion d’activités ou de projets, la mise à jour des actions partagées sera le compte rendu le plus efficace.
Dans tous les cas, le formalisme et le canal de diffusion doivent privilégier la reconnaissance des engagements respectifs des partenaires sur les actions à tenir et les objectifs à atteindre, tout en maintenant une bonne traçabilité. La transmission de compte rendu par courrier électronique paraît un procédé désormais daté. Il n’empêche que cela assure une bonne traçabilité du dialogue.
Brilliant as usual and useful