« Le client est roi » peut-on lire dans maints articles de management. Cet aphorisme fait injonction au fournisseur de rechercher, au-delà de l’objet de la transaction, la satisfaction de son client, objectif ultime de la transaction, source de valeur pour le client comme pour le fournisseur. La satisfaction du client est le sentiment durable qu’il a bien fait d’acheter le bien ou le service, ce qui lui donne envie de préférer le même fournisseur pour ses achats futurs, et de le recommander à ses proches.

Parler à son fournisseur, une obligation du client

La satisfaction du client suppose un dialogue entre celui-ci et le fournisseur, afin que ce dernier collecte et comprenne les attentes du premier. Les entreprises de biens et services grand public prennent l’initiative du dialogue. Cela s’appelle le marketing. Ce dialogue prend la forme de publicité, de communication, de campagnes de promotion (coupons d’achats etc.), d’enquêtes, de mécénat, etc.

Seul le client peut dire à son fournisseur quel est l’objectif de la prestation

Mais dans le cas d’une transaction complexe, notamment portant sur un service de longue durée à apporter à une entreprise ou un organisme de grande taille, il revient au client de conduire ce dialogue. C’est particulièrement le cas quand il s’agit d’un projet d’entreprise dont une partie est confié à un prestataire extérieur. L’objectif du projet d’entreprise appartient à l’entreprise cliente. Il est même possible que cet objectif se déplace au cours du projet. C’est donc à l’entreprise cliente d’incarner cet objectif afin d’y faire adhérer son prestataire.

Pour que s’exerce ce dialogue, le client doit animer un échange permanent avec son fournisseur. Cela se fait classiquement via un comité de pilotage, mais l’usage de plates-formes collaboratives et d’outils adapté peut améliorer ce dialogue.

Souvent le contrat de projet ne définit qu’imparfaitement l’objectif de la transaction, il n’en définit que l’objet. Or c’est une erreur de croire que les tribunaux ne jugeront que sur l’objet d’une transaction. Ils rechercheront « l’intention des parties » à travers les engagements prévus au contrat. Et s’ils sont vigilants à l’obligation du fournisseur d’exercer son « devoir de conseil », c’est-à-dire d’éclairer sur les apports et les inconvénients de telle ou telle prestation qu’il propose, les juges vérifient aussi que le client fournit suffisamment d’information à son fournisseur afin que ce dernier puisse exercer le devoir de conseil.

Le client responsable si son fournisseur est défaillant

Un organisme n’exerçant pas son devoir de client pourrait être jugé responsable des carences de son fournisseur défaillant. Un organisme demande conseil à propos de son prestataire de services informatiques d’hébergement et d’exploitation. J’écoute avec effroi la litanie des dysfonctionnements récents ayant eu des conséquences graves, menaçant la pérennité même des activités. J’ai bien noté au passage qui a rédigé le contrat de services, et je sais que le rédacteur a prévu un comité de pilotage mensuel. Je demande à consulter le compte rendu du dernier comité de pilotage. Lequel n’a pas été réuni depuis plus de sept mois. « Vous comprenez, cela ne sert à rien ». Sauf que la tenue régulière d’un tel comité de pilotage aurait conduit à enregistrer la carence répétée du prestataire, son incapacité à prendre en charge les actions de son ressort, le danger pour son client dans lequel le mettait son comportement, et aurait permis à négocier, ou exiger en justice, une sortie de contrat avec dédommagements. La modification de comportement que nous avons suggérée à l’organisme lui a finalement permis de ne pas perdre dans la procédure judiciaire à laquelle cette affaire ne pouvait que mener.

Dans un autre cas, un contrat de maintenance concernant une application informatique paramétrée et adaptée pour une entreprise prévoyait un paiement forfaitaire annuel, quelles que soient les évolutions demandées, augmenté d’un tarif à l’acte au-dessus d’un plancher de jours prestés. Cet engagement paraît raisonnable, dans la mesure où le prestataire s’oblige à garder une connaissance des particularités de l’entreprise. Au sein de cette dernière, une personne suivait les évolutions demandées au moyen d’un registre très simple où étaient enregistrées la demande d’évolution, la date, le devis du prestataire et le dernier statut connu. Une cinquantaine de demandes étaient en souffrance depuis de nombreux mois, très peu avaient été exécutées.

Or le prestataire venait d’émettre sa facture annuelle où il indiquait que le volant annuel de jours n’était pas atteint. Il facturait donc uniquement le forfait.

Je conseillai au client de contester cette facture. En effet, certes le volume de prestations n’avait pas été atteint, mais en raison par carence du prestataire, qui n’avait pas accompli ce qu’on lui avait demandé, non pas par carence du client d’exprimer son besoin. Le client se serait mis en faute de ne pas signaler la faute de son fournisseur.

Un art difficile

Le devoir de client exige de dire à son fournisseur ce qu’il attend de sa prestation. Sans s’immiscer dans les modes de gestion respectifs, il s’agit de rechercher ensemble comment la prestation peut être réalisée en plus grande conformité avec l’objectif de la prestation. Cet art reste aussi difficile que les relations entre les hommes.