Pour cette publication de 15 août, proposons un retour sur l’histoire d’un des GAFAM, celui qui est sans doute le plus exemplaire de la révolution industrielle que nous vivons depuis plus de 20 ans, celle de l’ère du digital : Amazon. Exemplaire, car là ou Google a été le chef de gare de la révolution numérique, là ou Facebook, devenu Meta, est le pionnier des réseaux sociaux et des mondes virtuels, Amazon est devenu la plateforme au confluent des mondes numériques et du monde bien physique de la livraison à domicile.

Un pionnier de la révolution industrielle numérique

On sait que l’entreprise est née de la vision d’un homme : Jeff Bezos. On sait qu’il travaillait dans la finance et qu’il a compris, parmi les premiers qu’internet allait changer nos vies. On se souvient peut-être moins qu’il a lancé l’entreprise en 1994 ! Qui parmi nous avait déjà un mail à cette époque ? Qui en France avait déjà abandonnée le minitel pour internet ? Qui connaissait le mot ? Le réseau était cependant en avance aux USA, et quand Amazon a ouvert le service en 1995, le succès a été rapidement au rendez-vous. Mais pas la rentabilité, cela a pris 7 ans ! Première leçon de cette histoire : les licornes brulent beaucoup de cash avant d’être à flot.
Jeff Bezos avait donc compris que le e-commerce était notre avenir. Il choisit de se lancer dans la vente d’un produit au format standard, facile à envoyer par la poste, facile à décrire sur un site web, et pour lequel il existe un gros entrepôt à Seattle : le livre. Et il prend des parts de marché avec un modèle simple : prix cassés et livraison à domicile. A noter : la loi sur le prix unique du livre en France est la raison principale pour laquelle la part de marché d’Amazon est inférieure en France à celle des autres pays occidentaux.

L’entrée en bourse se fait en 1997. Jeff Bezos est nommé homme de l’année par le Time en 1999. L’entreprise arrive en France en 2000. La crise de la « bulle internet » éclate en 2001. Amazon survit, et avec déjà plus d’un milliard de dollars de chiffre d’affaires, atteint enfin la rentabilité fin 2001, prouvant ainsi la viabilité du modèle e-commerce. Mais l’atteinte de ce seuil de rentabilité a pris 7 ans car chaque centime gagné était réinvesti, principalement dans les 2 mamelles du e-commerce : le numérique, et la logistique.

L’invention du commerce numérique…

Les équipes d’Amazon ont déposé de nombreux brevets liés à ce qu’on appelle aujourd’hui « l’expérience utilisateur » et qu’ils ont contribué à inventer : pouvoir commander en quelques clics pour faciliter l’achat d’impulsion, disposer d’un moteur de recommandation pour « habiller le client » comme on disait dans le commerce traditionnel (ou faire du « cross-selling » comme on dit aujourd’hui), retenir la carte bleue ou l’adresse de livraison, toujours pour minimiser les clics, etc…
Très tôt, Bezos a montré qu’il était un excellent homme d’affaires, mais qu’il avait aussi une compréhension profonde de l’architecture web qui allait dominer le monde. Le mémo qu’il envoya à tous ses employés en 2002 est devenu légendaire. En 5 phrase, il exigea de ses équipes de développement qu’elles rendent toutes leurs données accessibles via et uniquement via des API (webservices), terminant par « quiconque ne suivra pas ces principes sera viré. Merci et bonne journée. » Voici un lien vers un des nombreux sites qui expose ce API Mandate .

… et des infrastructures de l’ère digitale

Parce qu’une entreprise de e-commerce mondialisée avait besoin de puissance numérique, Amazon s’est doté très tôt de ses propres infrastructures numériques en appliquant les principes de modularité et de scalabilité de l’ère digitale. Dès 2003, l’entreprise a conceptualisé ce que serait l’Infrastructure-as-a-service et Amazon Web Service (AWS) a été lancée en 2006 avec une offre de service pionnière : la possibilité de disposer d’un serveur opérationnel en un clic et de cesser de le payer dès qu’on n’en a plus besoin. Une révolution quand on sait l’effort de capacity planning dont devaient faire preuve toutes les DSI du monde et le délai nécessaire pour ajouter des serveurs dans leurs Datacenters.

Aujourd’hui, AWS réalise plus de 80 Mrds de CA et est la principale source de profit du groupe Amazon. Malgré la croissance phénoménale du marché IaaS de plus de 20% par an, AWS conserve sa position de leader incontesté de ce marché, avec plus d’un tiers de parts de marché, loin devant Microsoft, Google et IBM.

L’innovation logistique

A ses débuts, Amazon utilisait des professionnels de la logistique existants comme La Poste ou DHL pour livrer ses livres. Mais très vite, l’entreprise s’est dotée de ses propres infrastructures, et est devenue, de par le volume d’objets gérés, l’un des leaders du secteur, avec une amélioration continue des techniques de stockage et de livraison pour toujours plus d’efficience.

C’est ainsi qu’aujourd’hui, rien qu’en France, Amazon dispose de 21 entrepôts, pour plus de 900 000 mètres carrés de stockage.
En ce qui concerne la livraison au dernier kilomètre, Amazon mixe là encore partenariats locaux et innovation interne. Ainsi, l’entreprise a expérimenté dès 2013 la livraison par drones.

C’est bien parce qu’Amazon est devenue une plateforme à la fois numérique et logistique qu’elle peut agréger aujourd’hui les offres de producteurs et de commerçants partout dans le monde. Ils développent leur business en s’appuyant sur des infrastructures aujourd’hui éprouvées, qu’ils ne seraient pas en capacité de recréer eux-mêmes.

Aujourd’hui

Bien sûr, le groupe Amazon s’est diversifié : contenus vidéos en ligne avec Prime, objets connectés avec Alexa, Kindle, etc… Mais le cœur du réacteur reste le site e-commerce pour le volume de vente, les infrastructures numériques pour le profit, et les plateformes logistiques. Il est présent partout dans le monde, sauf en Chine.

Jeff Bezos reste président du conseil d’administration mais il a cédé la direction opérationnelle en 2021 à Andy Jassy, l’homme qui a développé AWS. Il se passionne désormais, comme Elon Musk, pour la course aux étoiles. La prochaine révolution industrielle ?