Quand on pense commerce, on pense supermarché, boulanger, pharmacien, coiffeur… Quelqu’un chez qui on va, pas loin de son lieu de vie ou de travail, chez qui on va acheter quelques objets de consommation ou certains services. Le plus souvent, c’est à la demande, avec une prestation individuelle : Jean n’achète pas la même chose que Laure au supermarché, et n’a souvent pas la même coupe de cheveux. Anis préfère aller chez le boulanger à 7h45, Claude plutôt à 17h40. Face à cette diversité de clients, si votre commerce proposait un abonnement d’1 baguette tradition/j à livrer chez vous pour 25€/mois, ça vous surprendrait ? Je ne pense pas que ça devrait.

Commerce et abonnements : un mélange improbable ?

La question m’est venue en regardant un de mes clients toujours très bien habillé. Ca ne lui coûte pas la peau des fesses de passer toutes ses chemises au pressing, tous le temps ? Et là une idée me vient : s’il y va tous les jours, peut-être qu’il aurait droit à un abonnement ? Après tout, Dollar Shave Club vous livre tous les jours par courrier des produits d’hygiène personnelle, alors pourquoi pas un lavage et un repassage ? D’ailleurs Amazon propose aussi des produits des abonnements pour de la nourriture ou du papier toilette.

Les avantages sont, vus de ma fenêtre : une demande et des revenus lissés, donc une production lissée et des clients fidélisés. Et pour le client, l’assurance d’avoir son produit ou son service avec une charge mentale plus faible, et peut-être même à prix compétitif.

Comment faire alors, pour un commerçant ou une chaîne de commerces, pour proposer un abonnement ? J’ai réfléchi à une méthodologie macro que je partage avec vous.

Tout commence par la connaissance client

Les étapes suivantes en dépendent. Connaître ses clients et ses prospects est une condition de succès pour la démarche :

  • Qui ?
  • Consomme quoi ?
  • Pour quel besoin ?
  • Combien ?
  • A quelle heure ?
  • A quelle fréquence ?
  • Pour quel prix ?

Je décris en quelque sorte une forme de segmentation qu’on appelle « segmentation comportementale ». Elle vient s’ajouter à d’autres formes de segmentations clients (géographique, démographique, psychographique). Il est important à mon avis de ne pas se contenter de moyennes ou de statistiques descriptives mais d’avoir les distributions de données à disposition.

La distribution en dit plus que quelques statistiques

La distribution en dit plus que quelques statistiques : pourquoi a-t-on une grosse « queue » à droite ?

Construire des offres adaptées

Une fois vos clients segmentés et compris, vous pouvez commencer à construire des offres. Outre les questions habituelles que les marketeux connaissent bien mieux que moi, la démarche doit en plus répondre aux questions suivantes :

  • Quel segment j’adresse ? Exemple : les hommes qui ont besoin d’une coupe de cheveux tous les 2 mois, la mère de famille active qui vient chercher du pain tous les soirs etc.
  • De quoi ces clients ont besoin ?
  • Combien ?
  • A quelle heure ?
  • A quelle fréquence ?
  • Pour quel prix ?

Armé de ces informations, vous pouvez commencer à vous projeter sur des scénarios. Ex. : si j’adresse les besoins de 80% de ce segment, je dois proposer 2 baguettes tradition fraîches par jour livrées tous les soirs du lundi au vendredi entre 17h et 20h sur un créneau à choisir de 20 minutes. Cela va me coûter X€ par an pour 100 clients, je dois donc le facturer à 35€/mois. A vous d’ajuster les curseurs évidemment en simulant plusieurs scénarios.

Cet exercice est à répéter pour chaque segment ou chaque offre que vous essayez de construire. L’avantage c’est qu’en cible vous avez une meilleure capacité à prévoir vos besoins en matières premières, en main d’œuvre, en sous-traitance et en revenus.

Quid de ceux qui ne rentrent pas dans les cases ?

Gérer les exceptions

Gérer les exceptions

Que faire de ceux qui ne seront probablement pas intéressés par votre nouvelle offre ? Plusieurs options selon moi :

  • Décider que vous ne souhaitez plus adresser ces clients. Tant pis pour M. Arbani qui achète une baguette une fois tous les 4 mois.
  • Maintenir l’offre d’origine, qui est le paiement à l’unité consommée, sans y toucher
  • Maintenir l’offre d’origine en faisant payer le client pour l’incertitude qu’il crée.  Après tout quand vous avez prévu de laver et repasser 58 chemises et qu’on vous en ramène 10 de plus au dernier moment, vous pouvez vous poser la question.

Les autres impacts

Proposer ces nouvelles offres n’est pas sans effet sur d’autres activités. Je cite quelques exemples :

  • Les RH : horaires, fiches de postes…
  • Vos systèmes d’information
  • La facturation et les options de paiement
  • Le SAV
  • La gestion des fournisseurs : renégocier les contrats, mettre en place de la sous-traitance pour la livraison à domicile…

Conclusion

Ensuite vous faites ce que vous feriez pour toute nouvelle offre : la présenter, la tester auprès de clients ou de prospects, et voyez si ça accroche !

En tous cas la transformation des offres du commerce en abonnements est une piste à explorer pour trouver de nouveaux relais de croissance et réduire tout un tas d’incertitudes dans un monde fondamentalement chaotique. La démarche peut être cadrée et menée à bien à condition de connaître ses clients et d’être prêts à étudier tous les scénarios quitte à investir pour se faire accompagner.