Coup de tonnerre ce matin : l’ogre BNPP a dévoré le Compte Nickel, start-up auteur de la seule révolution bancaire depuis l’apparition de la banque en ligne. Nous avions rencontré un des associés fondateurs, Hugues le Bret. Réactions et réflexions à chaud
Compte nickel gobé par la BNPP
550 000 clients pour 200 M€
La presse de ce matin a annoncé la vente de 95% du capital du Compte Nickel à la BNPP, pour 200 M€.
Le fond Partech est évoqué comme déclencheur de la transaction, compte tenu d’une clause de liquidité.
Une très bonne affaire pour la BNPP ?
Je trouve que ce n’est pas cher payé pour acquérir près de 550 000 clients, qui génèrent près de 30 €/an de produit net bancaire. Cela fait près de 15 M€/an. Quand on sait que le coût d’acquisition d’un client en banque monte allègrement à 200 €, voire plus, on peut se dire que c’est une très bonne affaire pour la BNPP, qui atteint poussivement 284 000 clients pour son offre Hello Bank lancée en 2013, alors que Compte Nickel, avec une force de frappe commerciale infiniment plus modeste, atteint 552 053 clients en date du 9 avril 2017 (725 550 au 21 octobre 2017), avec un lancement le 14 février 2014. Et chaque mois, 20 à 30 000 clients en plus.
Une innovation car ciblant des « non clients »
En effet, Compte Nickel avait innové de plusieurs manières : d’abord en allant chercher les laissés pour compte des banques classiques. Petits revenus irréguliers, anciens interdits bancaires…
Ensuite, le recours au réseau des buralistes a été un coup de génie, car totalement complémentaire d’un service full web.
Toujours pas de Google ou de Facebook en Europe !
Cette mainmise d’une start-up flamboyante par un acteur historique, comme celles il y a un an de Withings et de Captain Train pour des montants comparables de 200 M€, fait se reposer la question du développement des sociétés innovantes en France et en Europe.
Encore une fois, on passe à côté de l’émergence d’une licorne européenne, comme on en trouve heureusement mais trop peu avec Criteo ou Blablacar. Et sur la banque, nous avons heureusement ces sociétés N26, bankin’ ou qonto qui sont encore indépendantes.
Quid de l’avenir ?
Car le sujet maintenant pour Compte Nickel, c’est son devenir dans la galaxie BNP Paribas. Hugues le Bret connait bien le sujet, il a été président de Boursorama Banque, elle aussi start-up absorbée par une banque historique, la Société Générale. Boursorama fut en son temps une belle illustration de ce qui se faisait de mieux en banque de détail pur web, avec une interface et des tarifs très bien pensés.
Aujourd’hui cette banque n’innove plus. Elle a refait son front office web, qui suit la mode des IHM web, mais qui a perdu en lisibilité. Et pas la moindre trace d’API, d’échange de fichiers intelligent. Une offre « Pro » a été ouverte le 1er décembre 2016, à 9€ / mois. Donc 104 € / an et uniquement pour les auto-entrepreneurs et entreprises individuelles. Avec un catalogue tarifaire comme tout le monde : un maquis de complexité et de surcoûts prohibitifs à la moindre occasion. À 180° de l’esprit initial de Boursorama.
Donc notre crainte est de voir le Compte Nickel petit à petit, micro décision par micro décision, normalisé, stérilisé, calcifié dans la culture de son acquéreur. Les fondateurs et les personnes clés, graduellement engluées par une gouvernance politique comprendront la liberté perdue, et quitteront progressivement l’aventure pour être remplacées par des Gletkin, « commissaire politique qui interroge le camarade Roubachoff dans le zéro et l’infini, le célèbre roman d’Arthur Koestler », comme l’explique Philippe Silberzahn.
Pour achever de vous en convaincre, je vous invite à découvrir le Blog et les ouvrages de Philippe Silberzahn, qui explique tout ceci avec clarté et brio.
Nous souhaitons de tout coeur que ce scénario de digestion n’ait pas lieu, et que l’équipe qui a donné vie au Compte Nickel puisse continuer d’innover pour ses clients.
Longue vie au Compte Nickel !
Sur le même sujet, je vous invite à lire ces articles : « Disruption numérique de la banque : le compte nickel », « La fabuleuse histoire du Compte Nickel, notre Uber de la banque », cet article de Gaspard Koenig : « Pourquoi je suis un déçu des fintech », ainsi que cet article « Qonto, la banque repensée pour les entreprises »
Article du 4 avril 2017, mis à jour le 9 avril 2017 et le 21 octobre 2017.