Dans le cadre du Club du Grain Numérique, ISLEAN a organisé fin juin en partenariat avec le Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables (CSOEC) une série de webinaires sur l’entreprenariat. Le premier webinaire abordait le sujet de : La data : le nouvel eldorado de l’entrepreneuriat ? Retour sur cet échange, animé par Eric Villesalmon (Partner ISLEAN), avec Christophe Le Houedec (Ayolab), Matthieu Chabeaud (AskR.ai) et Laurent Le Breton (Eegle) que vous pouvez également retrouver en vidéo. Nous remercions tous les entrepreneurs pour leur investissement au sein de cette aventure.
La data : le nouvel eldorado de l’entrepreneuriat ?
Le Club du Grain Numérique cherche à faire rayonner les différents projets entrepreneuriaux ainsi que l’entreprenariat lui-même via des entretiens auprès des entrepreneurs. Ce 1er webinaire de l’édition 2021 a réuni trois startups très différentes participantes au concours de l’entrepreneur de l’année 2021 (voici le lien pour voter pour l’entrepreneur de l’année) :
Synthèse des échanges et débats
# Présentez votre entreprise et à quels problèmes répond votre solution ?
Christophe Le Houedec cofondateur et CEO d’Ayolab : « Nous sommes une entreprise qui fournit de la donnée à des grandes marques comme L’Oréal sur leur distribution sur des places de marché de e-commerce. »
Il a illustré son propos en précisant les tendances du marché : la part du digital dans le chiffre d’affaires de L’Oréal est en 2020 de 26,6%, elle était de 15,6% en 2019 et de 11% en 2018. La part des places de marché dans le e-commerce mondial est de 62%. La pénétration du e-commerce dans le monde s’explique par le développement des places de marché comme Amazon, AliExpress…Ces places de marché aboutissent à une fragmentation des canaux de distribution pour les marques. Il y a de plus en plus d’acteurs qui vendent un même produit, une même marque sur des sites de e-commerce. Les marques ont donc besoin de données pour savoir comment piloter les canaux de distribution et notamment contre les ventes non autorisées.
Christophe Le Houedec ajoute : “Ayolab intervient pour fournir cette data, nous sommes capables de dire à une marque comme L’Oréal quels sont les acteurs sur les différentes places de marché qui vendent leurs produits en sachant si ces ventes sont autorisées ou non. Notre valeur est qu’on aide les marques à comprendre ce qu’il se passe sur les places de marché mondial, améliorer leur distribution et protéger leur image de marque.”
Matthieu Chabeaud un des 3 cofondateurs et le CEO d’AskR.ai. La startup créée fin 2016 rassemble 10 collaborateurs avec une quinzaine de clients qui sont des grands comptes. Une levée de fonds s’est déroulée récemment.
Matthieu Chabeaud précise : “L’enjeu de la startup est de mettre à disposition des données actionnables utiles pour prendre des décisions opérationnelles notamment pour les collaborateurs qui sont en première ligne sur des sujets de performance en particulier dans le retail avec les directeurs de magasins qui sont noyés dans un monde de chiffre.” Il continue : “L’objectif de la technologie AskR.ai, à la croisée des chemins entre le Big Data et l’intelligence artificielle, est de proposer de la donnée actionnable pour pouvoir décider rapidement, et identifier des faits inhabituels qu’on ne peut pas voir à l’oeil nu avant que ces faits aient un impact financier sur l’entreprise.”
La technologie se base sur du machine learning à fine maille et sur le conversationnel, c’est-à-dire que l’accès à la donnée ne se fait plus sur un nombre immense de tableaux de bord illisibles pour les opérationnels mais se fait de manière conversationnelle, c’est la data assistance.
Laurent Le Breton, fondateur et dirigeant d’Eegle. L’entreprise fondée en 2017 et basée à Rennes rassemble 9 collaborateurs sur le champ de la smart city ou des territoires intelligents : « La société intervient sur l’émergence de l’intelligence collective. Souvent la smart City, c’est mettre beaucoup de technologie, nous on intervient sur l’émergence de l’intelligence collective grâce à la collaboration autour des données. On fait en sorte que les acteurs publics et privés qui travaillent sur les mêmes problématiques de diagnostics territoriaux puissent réunir des données, s’appuyer sur ce capital numérique pour comprendre ce qu’il se passe. Il y a un enjeu d’efficacité pour éviter de perdre de l’argent avec des projets qui vont s’avérer être un échec.”
La plateforme est en commercialisation depuis un an, la société est en recherche de fonds, une augmentation de capital est en cours. Des premiers clients publics et privés ont été signés. Une des spécificités de la société est qu’elle s’adresse aux petits et moyens acteurs des territoires : petites collectivités territoriales, bureau d’étude, géomètres-experts. Il faut donc un outil ergonomique et facile d’accès.
# Votre solution est-elle tirée par la thématique de la Data ou est-ce le résultat d’un cheminement qui vous a conduit étape par étape à entrevoir cette thématique comme un sujet central de votre produit ?
Matthieu Chabeaud affirme : « La data s’est imposée comme une évidence. Avec les co-fondateurs, c’est notre deuxième start-up, la première était déjà tournée vers cette thématique de la data. » Les 3 fondateurs sont confrontés à ce sujet de la difficulté de la mise en valeur de la data par les entreprises depuis quinze ans. De plus, le volume de données a crû ces dernières années, la valorisation prend donc un sens encore plus essentiel pour les entreprises.
Dans un précédent emploi, Laurent Le Breton travaillait sur les sujets de la Smart City dans une entrerprise. Il l’a quittée pour une première aventure entrepreneuriale autour de la simulation urbaine. Il s’est rendu compte qu’avant d’envisager de faire de l’intelligence artificielle, du big data, il fallait structurer la donnée. Il ajoute “Tout le monde travaille la donnée, mais il n’y pas de gouvernance. Le sujet a été de permettre à des personnes qui ne sont pas des experts de la donnée de s’en emparer, de structurer les démarches et les stratégies autour de la donnée.”
Christophe Le Houedec ne vient pas du monde de la donnée mais du e-commerce, il travaillait chez Amazon. Après avoir créé la startup, une rencontre avec un des premiers clients et François Misslin, cofondateur et CTO d’Ayolab, a permis de faire matcher un besoin de certains types de données avec une solution technique. L’entreprise vient donc d’un besoin client très ciblé.
# Quel rôle a joué l’open data dans votre aventure ?
La société de Laurent Le Breton intervient en aval de la production de la donnée : “A partir du moment où les données sont produites, Eegle permet de réunir, d’assembler les données. L’open data fournit une masse de données très importante sur beaucoup de territoires.” Cependant pour Laurent Le Breton, il reste encore beaucoup de travail sur l’open data qui est peu structuré : “Il n’y a pas beaucoup de gouvernance sur les jeux de données. Certains jeux de données peuvent être modifiés du jour au lendemain, certains services numériques qui se basent sur ces jeux de données se retrouvent en difficulté. Pour l’instant la publication de l’open data est vue comme une contrainte qu’une chance.”
Pour Christophe Le Houedec, il y a des évolutions significatives qui vont avoir lieu sur la façon dont la donnée va circuler via le développement des tiers de confiance, ce mouvement est encore embryonnaire.
Chez Matthieu Chabeaud, l’Open Data n’a pas joué un rôle essentiel dans son aventure entrepreneuriale.
# Pouvez-vous décrire les 3 ou 4 niveaux de maturité typiques d’une organisation relativement à la data ?
Matthieu Chabeaud pense que “décrire aujourd’hui les niveaux de maturité des entreprises est compliqué car on est tout juste en train de sortir de la préhistoire. On est encore sur la première phase du big data avec l’acquisition de la donnée. Aujourd’hui 87% des organisations ne parviennent pas à identifier les problèmes de performance ayant un impact financier. Aujourd’hui, il y a une prise de conscience importante pour rendre ces données actionnables. Les entreprises cherchent à responsabiliser les personnes en première ligne pour leur permettre de prendre des décisions grâce aux données, d’identifier des problèmes, de saisir des opportunités pour améliorer la performance.é
Laurent Le Breton a décrit 4 niveaux de maturité :
- Le premier niveau est la prise de conscience : beaucoup de personnes font de la donnée sans le savoir, comme les agents dans les collectivités territoriales. Ils produisent des données qui ont de la valeur mais ils ne savent pas qu’elles peuvent contribuer à autre chose que l’activité au jour le jour
- Le deuxième niveau est la structuration de la donnée
- Le troisième niveau est la gouvernance : quand les données sont structurées et qu’elles peuvent servir à d’autres services, quelles règles sont définies dans cette gouvernance : qui publie ? A quel rythme ?
- Le quatrième niveau est la sortie de la donnée de son organisation vers l’extérieur pour qu’elle apporte de la valeur. Ces sujets concernent le territoire au sens large : la partie publique comme les collectivités territoriales et les acteurs privés comme les opérateurs de l’Etat
Pour Christophe Le Houédec : “Il est compliqué d’établir des niveaux de maturité face à la data, il y a de grandes disparités. Dans le monde d’avant, des grossistes alimentaient les magasins physiques dans la rue. Aujourd’hui, les grossistes vont développer une activité de e-commerce grâce à Amazon en torpillant les marques en proposant des prix à -30%, -40% sur certains produits. Certaines marques luttent contre ce phénomène mais d’autres ne l’ont pas compris. C’est un danger pour l’image de marque. Dans certains cas, le manque de connaissance des marques est dangereux.”
# Quels sont vos profils d’interlocuteurs ?
Chez Ayolab, ce sont des commerciaux, des personnes proches du business. La volonté est que la donnée soit actionnable et interprétable facilement. Ce ne sont pas des profils techniques.
C’est la même idée avec Matthieu Chabeaud, les interlocuteurs sont du côté du business, des managers opérationnels qui ont la volonté de transformer leurs collaborateurs en équipiers autonomes sur des prises de décision.
Du côté de Laurent Le Breton ce ne sont pas les élus qui sont visés car ils n’ont pas le temps, ce sont plutôt les personnes des métiers, des personnes qui ont besoin de la donnée mais qui ne savent pas la manipuler. L’objectif est de s’éloigner le plus possible de la DSI, des experts, même si Eegle est parfois en lien avec ces services pour faire le lien avec les acteurs métiers.
Pour voir et revoir ce webinar dans son intégralité, vous trouverez la vidéo au bout de ce lien.