Dans le cadre de nos rencontres avec des entrepreneurs, nous avons eu la chance de rencontrer Laurent Le Breton, co-fondateur d’une plateforme innovante de partage de la donnée pour les collectivités territoriales, EEGLE. Laurent partage pour ISLEAN le parcours de l’aventure entrepreneuriale et son expérience.

Data, territoires et entrepreneuriat : Laurent Le Breton nous raconte Eegle

Quel est le problème à résoudre qui a lancé EEGLE ?

Les territoires doivent prendre des décisions de plus en plus complexes et font face à un double défi : d’abord, maîtriser une masse colossale de données pour bien comprendre la situation de départ et aussi anticiper les conséquences des décisions.

La donnée est compliquée à traiter :

  • Malgré les progrès faits sur l’Open data, les jeux de données de l’Open data sont rarement utilisables du premier coup ;
  • Aujourd’hui, beaucoup de monde continue à avoir recours à des tableurs, alors que l’information a besoin d’être visualisée facilement.

Dans ce contexte, la décision des collectivités devient une gageure entre les élus et les services :

  • Comment partager la situation de départ, sur le plan technique ?
  • Comment illustrer les avantages techniques des politiques menées sur le territoire ?
  • Comment répondre aux contraintes et politiques nationales, notamment avec des objectifs chiffrés ?

Nous avons donc cherché à accompagner la transformation de la gouvernance de la donnée, en proposant une solution aux collectivités et professionnels du territoire. La plateforme permet de mettre autour de la table les acteurs des territoires pour qu’ils puissent alimenter des scénarios qualifiés et quantifiés de façon collaborative, en discuter ensemble en voyant les résultats des scénarios. Nous sommes convaincus qu’EEGLE permet l’expression de tous les avis et facilite la prise de décision.

Comment avez-vous lancé le projet ?

J’ai commencé à m’intéresser progressivement aux territoires. J’ai d’abord travaillé sur un plan stratégique vers ce marché pour un grand groupe (avant 2016). Cet éditeur de rang mondial cherchait à se diversifier dans la Smart City.

Avec d’autres associés, nous avons monté une première entreprise sur des sujets de modélisation systémique (pour illustrer, cela visait à ressembler à Sim City – jeux de gestion de villes, ndlr – en vrai, avec des paramètres ex : temps dans la voiture, CO2…). Nous cherchions déjà à simuler des scénarios pour les territoires. L’angle d’attaque, très techno, me donnait l’impression de rater une partie du sujet, notamment l’approche sociologique des phénomènes.

J’ai donc décidé de créer EEGLE en février 2017, avec cette idée : comment réunir tous les acteurs autour de la donnée (un partage d’abord et une compréhension des territoires) ? L’enjeu est de fabriquer un socle collaboratif entre tous ces acteurs. Il doit permettre ensuite à toutes les familles d’acteurs d’y retrouver ses repères (ex : les spécialistes de la mobilité doivent retrouver les termes de leurs professions), et à chaque fois, cela permet à EEGLE de développer des modules métiers adaptés.

Open data sur Orléans

EEGLE aujourd’hui ?

Notre plateforme est commercialisée depuis février 2019.

Nous sommes 9 personnes aujourd’hui.

Nous visons en priorité des « PMT », c’est-à-dire les Petits et Moyens Territoires :

  • Les grosses métropoles (même si Rennes est un client) sont déjà dotées d’équipes et de plateformes historiques en contrat pluriannuels ;
  • Le territoire doit avoir une équipe technique (qui apparaît à partir de 5 000 habitants).

Notre cœur de cible est la ville entre 10 000 et 50 000 habitants. Ces clients ont les ressources et les compétences, tout en ayant pu garder une proximité entre les services techniques et les élus sur un cycle de décision plus court. Toutefois, ces villes sont soumises à des contraintes régulières (ex : PCAET, PLUi…) qui commencent toujours par un diagnostic. Et là, notre plateforme devient un atout pour aider les territoires dans le diagnostic et les décisions liées au plan.

Ecrans Eegle Open data sur Rennes métropole

Accessoirement, notre plateforme aide aussi à préparer des données pour ces collectivités dans une perspectives de mise en conformité par rapport à la Loi Lemaire. Seulement 10% des collectivités éligibles ont répondu aux obligations de l’Open data.

Les suites du développement ?

Nous avons une croissance raisonnée qui me plait. Toutefois, nous nous posons la question du financement, pour accélérer la croissance au niveau national.

Pas facile toutefois car comment présenter les collectivités et leurs attraits économiques aux investisseurs du capital risque ? D’autres modèles peuvent nous aider comme par exemple, des partenariats industriels ou des investisseurs institutionnels (ex : Caisse des dépôts). Bref, c’est encore très ouvert !

Nous cherchons également à faire connaître notre offre, notre marque (la plateforme a à peine un an !) et nous investissons sur le marketing pour développer notre notoriété, en priorité auprès de notre cible des Collectivités avec les « PMT ».

Open data sur Ville de Saint Malo

Quels enseignements pour Laurent ?

Je ne suis pas entrepreneur à la base (20 ans dans un grand groupe auparavant). Mais, car c’était ma deuxième entreprise, j’ai trouvé la création d’EEGLE plus complète.

« J’apprends tout le temps, c’est vraiment un bonheur ».

Photo Laurent Le Breton - fondateur Eegle

L’un des paradoxes que je rencontre est que, malgré toutes les responsabilités et contraintes quotidiennes, j’éprouve un grand sentiment de liberté. De la liberté dans les choix faits et à assumer, mais surtout dans ce qui reste à construire.

Quelques conseils pour ceux qui voudraient se lancer ?

Oser se lancer. On apprend et on y arrive ! Et il faut apprendre à persévérer et à croire en sa vision !

Travailler en permanence sur l’esprit d’équipe, ne jamais lâcher pour emmener tout le monde avec soi dans le projet.

Sur un registre plus personnel, j’ai l’impression qu’une place est en train de se dessiner pour des entrepreneurs à mission sociétale. Certes, on peut se prendre des murs, mais je rencontre de plus en plus de chefs d’entreprises qui cherchent à renouveler leur approche du développement de leurs compagnies, d’y ajouter cette fibre sociétale.  Cela se traduit notamment dans le choix des offres et des partenaires, mais aussi dans le management des équipes.