Dans le cadre de nos rencontres avec des entrepreneurs, nous avons eu la chance de rencontrer Louis-Gabriel de Causans, co-fondateur d’une plateforme innovante de vente de véhicules d’occasion, Kyump. Louis-Gabriel revient pour ISlean consulting sur le parcours du projet et les enseignements.
Quel est le problème à résoudre qui a lancé Kyump ?
Malgré ce qu’écrivent les experts et gourous sur la transition énergétique, l’automobile reste pour le moment un moyen de masse de transport. C’est un marché en hausse continue et régulière (ndlr : le parc automobile est passé de 20 millions en 1980 à 40 millions en 2017). Il existe des raisons à la poursuite de cette hausse : abandon des voies ferrées pas assez fréquentées dans certains régions, familles monoparentales devant se déplacer, couple avec des modes de déplacement décalés…
Face à cela, nous trouvions que le marché de la vente des véhicules d’occasion présentait plusieurs problèmes. Tout d’abord, si vous souhaitez vendre par un professionnel, vous devez accepter que le concessionnaire, en tant qu’intermédiaire de la vente amenant un service, garde une partie du prix de vente. Et en fait, cette marge est très élevée, car elle finance de nombreux coûts fixes traditionnels (ex : show-room, personnel, stocks…). En moyenne 30% du prix de vente sera pour le concessionnaire.
A l’inverse, si vous préférez passer entre particuliers, votre expérience sera très anxiogène : un premier rendez-vous entre acheteur et vendeur, sur un grand parking désert, anonyme, après la journée de travail par une soirée humide de novembre par exemple…
Citation de la « télé des inconnus », Perdu de recherche
« Rendez-vous au 4ème sous-sol, à une heure du matin… Comme çà, on sera tranquilles »
En plus de cette expérience, le vendeur devra passer du temps sur les plateformes à renseigner les annonces, prendre connaissance des démarches administratives variées (et remplir des formulaires…). Tout cela lui demandera beaucoup de temps et d’énergie. Enfin, le vendeur sera toujours exposé à des risques sur le paiement et sur le service-après-vente : en effet, si une pièce lâche quelques semaines après la vente, l’acheteur pourra toujours tenter le coup en rappelant le vendeur ou en lui rendant visite pour s’expliquer.
L’acheteur, lui aussi, est exposé aux risques techniques sur le véhicule. La pièce qui lâche, après 3 semaines d’utilisation, coutera souvent nettement moins cher à remplacer que deux ans de procédure pour vice caché… L’acheteur aura aussi passé beaucoup de temps sur internet : connaitre le juste prix, se renseigner sur les modèles et enfin sur les démarches à mener.
Avec Kyump, nous proposons d’acheter et de vendre sa voiture d’occasion en toute tranquillité, au bon prix, grâce à un intermédiaire de confiance.
Comment avez-vous lancé le projet ?
Nous avons démarré à 3, amis de longue date partageant l’envie d’entreprendre. Début 2015, nous devions gérer la sortie de notre poste précédent, tout en travaillant sur la création de Kyump. En avril 2015, nous déposions les statuts de l’entreprise. Notre fraîche structure faisait sa première vente une semaine après. Sans avoir de site internet !
A l’époque, une dizaine de plateformes se sont lancées. Avec le recul, certaines avaient des sites beaucoup plus beaux… Comme nous avions des moyens très limités, nous avons concentré nos efforts sur la compréhension de nos (futurs) clients. Nous n’avons pas surinvesti sur la technologie ou le marketing. Nous avons donc identifié les pain points du parcours client (à la fois vendeur et acheteur) et nous en avons déduit que nous allions offrir les points clés : d’abord, une inspection du véhicule (garantie qualité technique), ensuite une intermédiation totale (confort : tout se fait depuis chez soi), et une sécurisation du paiement, enfin une garantie de 6 mois après la vente. Le tout pour une commission de 5% sur le prix de vente.
Nous avons également décidé de maîtriser tout de suite la qualité de notre promesse : nous avons démarré par l’Ile-de-France et en novembre 2015, nous y avons recruté notre premier inspecteur-mécanicien. Nous avons pu travailler également sur nos processus afin d’avoir un modèle performant et fiable avant de commencer à le déployer géographiquement. Cela consolide notre capacité à tenir notre promesse. Enfin, nous avons également développé un algorithme pour pouvoir proposer rapidement un prix de vente au niveau réel du marché.
Mi 2016, nous avions « prouvé le concept » et rencontré notre marché. Toute cette période a vraiment permis de tester notre modèle, d’itérer et de tester, le tout pour vraiment comprendre nos clients.
Et Kyump aujourd’hui ?
Nous opérons maintenant dans 4 zones en France : Ile-de-France, Lyon, Nantes et Rouen.
Notre équipe est passée à 30 personnes. Entre temps, nous avons pu boucler une première levée de fonds pour accélérer notre croissance. Nous avons structuré l’équipe et chaque associé a développé sa spécialisation.
Notre algorithme est opérationnel : il permet de collecter toutes les annonces sur le web, de faire des analyses textuelles pour alimenter un référentiel homogène ; surtout il suit les annonces dans le temps pour connaitre les prix réels des transactions (pas seulement les prix affichés par le vendeur au début de sa démarche).
Les suites du développement ?
Nous avons prévu de continuer à investir dans notre technologie, notamment avec notre algorithme. En parallèle, nous attaquons la dimension marketing digital. Dans les deux cas, nous souhaitons développer les compétences en interne et allons donc recruter pour compléter l’équipe !
Nous allons poursuivre aussi notre croissance géographique en ouvrant de nouvelles villes, comme par exemple Bordeaux.
Quels enseignements pour Louis-Gabriel ?
Ensemble, nous avons évité un piège : au départ, nos 3 profils de fondateurs se ressemblent… Sur le papier, la complémentarité n’était pas évidente. Depuis 2015, nous avons en fait développé des spécialisations en nous appuyant sur nos forces respectives et surtout sur nos goûts.
Ensuite, le deuxième enseignement concerne la perte de la « petite boule du dimanche soir ». Cela correspond à la petite (ou grande en cas de vrai malheur ou malaise dans son emploi) appréhension de devoir attendre une semaine avant le prochain week-end. Concrètement, j’ai hâte de rejoindre l’équipe, de partager de nouvelles idées et de faire avancer les choses. C’est très stimulant de construire quelque chose qui ne vous pré-existe pas à plusieurs. Il y a énormément de plaisir, amplifié quand vous avez le goût du dépassement (ndlr : Louis-Gabriel a fait son service militaire dans la légion étrangère !).
L’entrepreneuriat est aussi une expérience riche humainement. En 2015, on pouvait dire que nous étions 10 start-up à attaquer ce nouveau marché. Nous avons tous énormément appris. Certains de mes ex-confrères qui sont partis faire autre chose entre temps, sont les premiers à me dire combien cette expérience a été riche. Quelle que soit l’issue de l’aventure, l’entrepreneuriat fait tellement gagner en employabilité et en compétences que le marché vous regarde différemment. Et réciproquement !
Quelques conseils pour ceux qui voudraient se lancer ?
Avec le recul, je me permets de mettre en avant une chose que je ne changerai pas, si c’était à refaire depuis le début : tous nos investissements initiaux nous ont permis de développer une vision solide du client. Cela requiert de la patience, mais c’est très utile de bien comprendre les « vraies douleurs » du client par rapport à l’offre actuelle. Cette connaissance du marché est le premier avantage concurrentiel qu’une entreprise peut avoir.
Et la bonne nouvelle, c’est que cet actif change souvent et oblige donc à rester innovant !