Le 12 avril 2019, ISlean consulting participait à la conférence « IA et souveraineté numérique » organisée à l’hôtel de l’Industrie. Parmi les intervenants : de nombreuses start-up du numérique (Qwant, Anaxago, Whaller, Softlaw, …), Philippe Kalousdian, associé fondateur de notre cabinet, et Cédric Villani, député de la 5ème circonscription de l’Essonne. Quant à moi, j’étais dans le public, j’ai écouté, et voici ce que je peux vous en dire.
IA et souveraineté numérique en deux boîtes
Qu'est-ce que l'intelligence artificielle ?
Selon Cédric Villani« L’IA est un procédé algorithmique capable d’effectuer des tâches dont on aurait cru naïvement qu’elles nécessiteraient de l’intelligence pour les effectuer »
Qu'est-ce que la souveraineté numérique ?
Selon Wikipédia« La souveraineté numérique désigne l’application des principes de souveraineté au domaine des technologies de l’information et de la communication (TIC) »
Qu’y a-t-il à l’intersection entre l’intelligence artificielle et la souveraineté numérique ? La donnée. En Europe, nous semblons assez fortiches pour légiférer autour du sujet des données, notre Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) en témoigne, et tant mieux. En Europe, nous avons également les compétences pour innover dans le numérique, en témoignent toutes les start-ups présentes à ce rendez-vous du 12 avril, et tant mieux. En revanche, la donnée, nous ne la possédons pas (en grande partie) et c’est bien ce qui nous inquiète : tout dépossédés de données que nous sommes, comment nourrir nos IA et asseoir notre souveraineté ? C’est à cette question qu’ont tenté de répondre les intervenants de cette conférence.
Compter sur l’Europe et le citoyen européen
Pour répondre à la question posée plus haut, Thomas Fauré – intervenant fondateur de Whaller, le réseau social européen – nous suggérera de croire dans le citoyen européen. De concert avec Eric Lemaire – fondateur de Yoocan – Thomas Fauré met en avant la prise de conscience européenne autour du danger de l’hégémonisme des GAFAM, BATX qui a poussé une partie d’entre nous a changé radicalement nos habitudes numériques ces dernières années. Prenez Qwant, moteur de recherche français qui, du haut de ses 5 années d’existence est aujourd’hui visité plus de 70 millions de fois par mois ; ou encore Whaller, qui a réussi à rassembler en l’espace de 6 ans plus de 400 000 utilisateurs. Mais cette prise de conscience fait-elle pour autant de l’Europe un acteur de la donnée en puissance ? A cette question, une partie des entrepreneurs présents donnent également la réponse d’une Europe vertueuse : « La Chine se sert de la donnée à des fins de soumission de son peuple, les Etats-Unis à des fins financières, et nous, l’Europe, développerons des plateformes au service de la liberté ». Des plateformes au service de la liberté certes, encore faut-il qu’elles soient utilisées : croire dans le citoyen européen c’est donc le croire responsable en tant que consommateur et en tant qu’acteur du numérique.
Sommes-nous responsables ?
Dans la lutte pour la donnée, la responsabilité semble donc incomber à nous tous français, européens :
- Nous les citoyens : les consommateurs responsables
- Nous les entrepreneurs : les producteurs responsables
- Nos administrations publiques : les arbitres responsables
En ce qui s’agit de l’arbitrage, Philippe Kalousdian, fondateur d’ISlean consulting, partage un retour d’expérience douloureux (que vous retrouverez à 01:18:20 dans ce replay) : dans ses appels d’offre, l’état français ne semble pas encore prêt à faire confiance à ses start-ups – qui constituent pourtant son terreau d’innovation, notamment dans les domaines de l’intelligence artificielle et de l’exploitation de la donnée – et continuent à privilégier les grands groupes du numérique (Dassault, Orange, etc.). Nos producteurs responsables, eux non-plus, ne sont pas tous au rendez-vous : prenez Airbus qui annonçait en 2017 son partenariat avec l’acteur américain Palantir pour la réalisation de sa plateforme big data skywise. Et les consommateurs alors ? Je crois que la responsabilité du consommateur est utopique à l’échelle de l’Europe : le choix des solutions numériques alternatives reste un choix d’initiés et un choix marginal, et il le restera tant que nous développerons nos produits et nos services du numérique comme des alternatives et non comme des disruptions apportant une valeur réelle et nouvelle aux utilisateurs. On pourrait par exemple se réjouir de la diminution du nombre d’utilisateurs de Facebook en Europe ; la réalité est que ces utilisateurs ont migré vers Instagram, Twitter ou Reddit en grande partie.
Des solutions disruptives plutôt qu’alternatives
Tristan Nitot – fondateur de Mozilla Europe et vice-président de Qwant depuis 2018 – était parmi les intervenants de cette conférence du 12 avril. Qwant est un moteur de recherche français dont le principe structurel est de ne collecter aucune donnée sur ses utilisateurs. A l’instar d’autres produits et services présentés pendant cette conférence (Whaller, Anaxago, Yoocan, Softlaw, la liste complète ici), Qwant n’est pas qu’une alternative aux solutions mainstream des géants du numérique : la start-up propose un service qui a une vraie valeur pour les utilisateurs (en l’occurrence : garder le contrôle sur ses données). S’il est difficile, selon moi, de miser sur notre responsabilité en tant que consommateurs pour espérer une migration à large échelle des solutions mainstream vers les solutions made in Europe, n’est-il pas préférable de miser sur ce qui a fait le succès des GAFAM, BATX ? : apporter de la valeur aux utilisateurs par le biais de solutions innovantes et disruptives.