La rupture ou la mort

Dans le nouveau monde, ce n’est pas le gros poisson qui mange le petit ; c’est le plus rapide qui mange le plus lent.

Klaus Schwab, Fondateur et directeur exécutif du Forum économique mondial

Les cas d’écoles se succèdent. Peu importe la taille des structures ou leurs domaines d’activités, l’évolution des business models s’avère indispensable à la survie et au développement des organisations. L’accroissement de la compétitivité inter-entreprises nécessite aujourd’hui une remise en question permanente des business models. Menant si nécessaire à des évolutions par ruptures.

L’exemple récent d’un business classique : La mort de Pinder

Un peu plus d’un an après la fermeture du célèbre cirque américain Barnum (146 ans de représentations), c’est au tour de l’acteur Français Pinder de plier le chapiteau. Gilbert Edelstein, PDG de la SA Promogil, société exportatrice du cirque Pinder vient de déclarer sa mise en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Créteil le 2 mai 2018. Cet événement ne marquera peut être pas la fin de ce totem, ayant déjà survécu à plusieurs crises financières internes (1928, 1971, 1983).

Gilbert Edelstein explique la situation comme le résultat de “la crise économique” conjuguée aux effets des attentats et à la baisse du nombre de spectateurs scolaires passés de “450 000 à 100 000 en trois ans”.

Le numéro des éléphants du cirque Pinder – Le cliché du cirque traditionnel – Thesupermat

Le modèle financier du cirque Pinder est classique : un chiffre d’affaire généré par les entrées (entre 13 et 45 €) et amputé de gigantesques charges fixes. Chez Pinder cela représente entre 20 et 30 k€ par jour. Cela englobe l’entretien et l’amortissement des installations, les déplacements, les salaires et le coût de la ménagerie. Pour payer les seules charges fixes il faut donc vendre quotidiennement entre 444 places et 2 300 places (en fonction des hypothèses de prix et de montant des charges). 90% des frais sont dédiés à la gestion / fonctionnement et 10% aux spectacles.

Une dégradation progressive des résultats financiers

 

CA, Trésorerie disponible, Dettes et Résultat d’exploitation de la société Promogil (M€) – Source: Société.com

 

En 13 ans la société Promogil a divisé par deux son chiffre d’affaires passant de 10,5 M€ à 5,2 M€. La situation s’est dégradée depuis 2015 avec une remontée de la dette, associée à une disparition de la trésorerie et des pertes récurrentes. Selon Monsieur Edelstein la situation est similaire dans l’ensemble des cirques Français.

Un exemple de stratégie de rupture : Le Cirque du Soleil

Seulement 10% du budget de fonctionnement des cirques classiques est investi dans le spectacle, le “produit”. C’est à dire que 90% des dépenses ne sont pas directement “appréciées” par le client. Le Cirque du Soleil à construit son propre Business model sur ce constat. Terminé la ménagerie de plus en plus décriée et synonyme de coûts exorbitants. Le modèle s’est basé sur la redirection des budgets dans l’offre client en investissant dans le contenu du spectacle. Le but ? Proposer une expérience client extraordinaire digne des grands shows télévisés.

Le risque à bien été payé! Après une mise de fond conséquente pour le lancement de la structure, le Cirque du Soleil est devenu l’une des plus importantes entreprises de spectacles au monde.

La société en quelques Chiffres : 4 000 employés, CA de 850 M$, 30% de rentabilité!

En 2015 son fondateur Guy Laliberte a vendu 90% du groupe pour une valorisation totale de 1,5 G€. Le deal rassemblait le fond d’investissement TPG capital, le Chinois Fosum et un consortium d’investisseurs.

 

Le nouveau Business model implique une instabilité plus forte des résultats financiers, avec des investissements conséquents et réguliers dans les spectacles. Cela représente annuellement plusieurs dizaines de millions d’euros dans les productions permanentes. Les résultats financiers sont liés au succès et à la popularité des spectacles. Chaque exercice est une remise en question ! En 2009 la structure a arrêté prématurément cinq de ses spectacles, et réduit ses nouvelles productions de 3 spectacles annuels à 1. Bilan : un plan de licenciement drastique réduisant de 20% de la masse salariale : -1 000 personnes !

Le changement doit être initié dès les phases de croissance

Vous ne songerez pas à initier une rupture brutale dans une phase de croissance, mais rien ne vous empêche de la préparer. Chaque transformation nécessite des moyens conséquents pour être menée à bout, mieux vaut préparer votre prochaine bataille quand vous en avez les moyens.

De Kondratiev à Kitchin, plusieurs économistes ont mis en évidence le fonctionnement cyclique de l’économie. Vous pouvez rationnellement penser qu’avec un fonctionnement constant il est possible de passer d’une situation saine à un état moins favorable (comme le contraire, qui en général est moins gênant). La rupture est une stratégie permettant d’inverser à moyen terme une tendance.