Que les vacances s’achèvent ou pas pour vous, vous pouvez lire La Révolution transhumaniste de Luc Ferry, dont le sous-titre est : « comment la technomédecine et l’ubérisation du monde vont bouleverser nos vies. »

Quand je fais des conférences pour présenter notre étude sur la Révolution Industrielle Numérique, viennent souvent des questions plus philosophiques de type « mais que deviens l’humain dans tout cela ? » ou « l’intelligence artificielle supplantera-t-elle l’homme un jour ? » Je peux avoir des avis sur ces questions, mais, en tant que consultant en Transformation, il me semble qu’il ne m’appartient pas vraiment d’y répondre. En revanche, je peux désormais renvoyer au livre du philosophe Luc Ferry, dont la lecture permet à chacun de se faire une opinion.

Structure du livre

Après avoir planté le décor et expliqué pourquoi il lui semblait indispensable d’écrire sur le sujet alors que la majorité des intellectuels français l’ignore superbement et reste enfermé dans des débats dépassés, Luc Ferry découpe son propos en 3 chapitres et une conclusion :

  • Un premier chapitre où il rappelle ce qu’est le transhumanisme allant du transhumanisme biologique au posthumanisme cybernétique
  • Un deuxième chapitre où il synthétise les arguments des pros et des anti : « bioconservateurs » contre « bioprogressistes »
  • Un troisième chapitre intitulé « l’économie collaborative et l’uberisation du monde » plus proche de nos sujets quotidiens de travail. Il y critique une vision de la révolution internet qui conduirait à la fin du capitalisme et à la fin du travail
  • Une conclusion où il renvoie dos-à-dos le pessimisme conservateur qui voudrait en vain freiner les évolutions technologiques, et ce qu’il appelle la « niaiserie de l’optimisme solutionniste » et ou il plaide pour une régulation politique qui pose des limites sans interdire de manière idéologique, populiste ou non argumentée

Un bon résumé du débat d’idée actuel

Premier avantage du livre : il s’agit d’un remarquable travail de vulgarisation et de synthèse d’autres ouvrages de références qui permet de se faire une bonne vision à date de ces sujets. Citons ses principales sources :

  • Les 4 rapports fondateurs du débat sur le transhumanisme : de « Converging Technologies for Improving Human Performance – Nanotechnology, Biotechnology, Information Technology and Cognitive Science », paru en 2003 et qui a inspiré notamment la politique d’investissements de Google au rapport de 2009 du parlement européen intitulé « Human Enhancement »
  • Deux livres vulgarisateurs sur le transhumanisme biologique : La Mort de la mort du Dr Laurent Alexandre et Le transhumanisme est-il un humanisme du philosophe belge Gilbert Hottois
  • Les travaux d’opposants au mouvement transhumanistes que sont Francis Fukuyama et Michael Sandel, Habermas (dont Ferry montre les limites)
  • Pour le chapitre sur l’Ubérisation du Monde, il s’appuie très largement sur les travaux de J. Rifkin à la fois pour louer (et synthétiser) la description qu’ils donnent de la Révolution Internet et pour critiquer leurs conclusions idéologiques sur la fin du capitalisme ou du travail. Dans le paragraphe dédié aux 4 Internets (de la communication, de l’énergie, des objets connectés, de la logistique), il renvoie également au manifeste de Benoît Montreuil publié en 2012 pour un « Internet Physique » consistant à transposer sur le transport des marchandises les concepts des réseaux internet de transports de données.
  • Toujours dans ce chapitre, il s’appuie sur les travaux d’économistes. Schumpeter est pris en référence, mais il pose également les termes du débat contradictoire sur la fin du travail en mettant en miroir les travaux de Daniel Cohen d’un côté et de Nicolas Bouzou de l’autre

Le regard d’un philosophe

Deuxième avantage : Luc Ferry porte sur ces questions son regard de philosophe, montrant la filiation implicite du transhumanisme avec la tradition philosophique matérialiste de Spinoza, quand lui se situe plutôt dans une tradition idéaliste / kantienne. On retrouve là une cohérence avec ses précédents ouvrages, notamment son livre écrit avec son ami matérialiste André Compte-Sponville.

Conclusion

On peut trouver un peu artificielle la juxtaposition du chapitre sur l’économie collaborative à côté des premiers chapitres. Elle n’est toutefois pas illégitime, le projet des transhumanistes étant de faire converger les technologies et de changer la vie, dans tous les domaines.

Au final, un livre dense, assez court, agréable à lire, et qui se lit donc relativement vite. Hautement recommandable.