Dans le cadre de nos rencontres avec des entrepreneurs, nous avons eu la chance d’échanger avec Louis Jarjat, co-fondateur de Naelis. Avec ses deux associés, Thomas Hauvuy et Joël Maitrehenry, ils ont édité un logiciel, Novae, permettant de générer de la valeur à partir de données de mesure dans le domaine de l’énergie. Concrètement, c’est un moteur de calcul permettant de traiter une multitude de données des différents acteurs du secteur de l’énergie (RTE, GRTgaz, Enedis, GRDF, fournisseurs…). Louis partage pour ISlean consulting son aventure entrepreneuriale et son expérience.

Quel est le problème d’origine à résoudre que vous avez identifié et qui a lancé le projet ?

Nous sommes sur un périmètre de niche donc si on ne contextualise pas, on n’y comprend pas grand chose.

Au départ, il n’y avait que peu d’échange de mesures dans le monde de l’énergie pour deux raisons principales :

  • Il n’y avait qu’un acteur : EDF-GDF donc des relations contractuelles uniquement entre l’acteur institutionnel et les consommateurs
  • Le réseau ne renvoyait que peu de mesures : des courbes de charge (une mesure toutes les dix minutes) pour le haut de portefeuille, des index (une mesure par mois, voire par trimestre) pour le marché de masse. Avec les compteurs intelligents (smart metering), on passe à une “démocratisation de la courbe de charge” : une mesure toutes les 10 minutes pour tout le monde, donc il y a un effet volume

L’ouverture du marché et le passage au Smart Grid ont eu plusieurs conséquences :

  • Le démantèlement de l’acteur historique en six entités :
    • Deux gestionnaires de réseau de transport : RTE pour l’électricité, GRTgaz pour le gaz
    • Deux gestionnaires de réseau de distribution : Enedis (ex-ErDF) pour l’électricité, GRDF pour le gaz
    • Deux fournisseurs : EDF pour l’électricité, GDF, puis GDF Suez, puis Engie pour le gaz
  • La multiplication des acteurs : fournisseurs, responsables d’équilibre, acteurs de flexibilité… Cette multiplication des acteurs a amené une démultiplication des relations contractuelles
  • La génération de multitude de données grâce au réseau intelligent symbolisé par les compteurs intelligents notamment (smart metering : Linky pour l’électricité et Gazpar pour le gaz). Ces nouveaux compteurs communiquent dans les deux sens et permettent surtout d’acquérir des mesures plus fines qu’avant
Le différents acteurs du monde l'électricité.

Le différents acteurs du monde de l’électricité. ©Naelis

Thomas, Joël et moi intervenons dans ce contexte depuis plus de vingt ans et plus spécifiquement sur tout ce qui concerne l’exploitation des données de mesure énergétique dans les systèmes d’information.

Tous les projets auxquels nous avons participé commençaient par une phase de définition et de conception de concepts transverses :

  • Courbes de charge, index, découpages horosaisonniers (été/hiver, heures pleines/heures creuses, pointe) …
  • Gestion de la périodicité (5’, 10’, 15’, 20’, 30’…), des arrondis, du changement d’heure été/hiver
  • Calculs d’énergies à partir de puissances, de puissances à partir d’énergies, de monotones…
L'outil Novae s'insère dans l'architecture fonctionnelle existante.

L’outil Novae s’insère dans l’architecture fonctionnelle existante des entreprises clientes. ©Naelis

Il nous est apparu nécessaire de construire un outil qui prendrait en compte les éléments de base en termes de concept ou de fonctionnalités pour tous les acteurs.

Pour revenir à la question initiale, le problème auquel on a donc voulu répondre est tirer de la valeur à partir des données de mesure énergétique. On a développé un outil qui exploite les données de mesure de manière transverse. On compte utiliser ce socle pour développer des utilisations spécifiques. L’histoire nous donne raison. La Commission de régulation de l’énergie (CRE) a établi des perspectives sur la gestion de données de mesure qui entérinent notre vision et valident nos choix.

Quel est le concept que vous proposez pour y répondre ?

Pour pouvoir exploiter les données, on a édité un logiciel, Novae, qui est en fait un moteur de calcul. Or quel est l’intérêt d’un moteur de calcul ? C’est de pouvoir tirer de la valeur à partir de données numériques. Novae permet de construire interactivement des formules de calcul complexes et d’obtenir des résultats de manière immédiate.

Il y a donc de multiples contextes dans lesquels Novae peut être utilisé pour une multitude de cas d’utilisation.

On parle évidemment de nouvelles offres commerciales, mais au-delà de nouveaux services. Et c’est là que se situent les principaux gisements de business.

Comment avez-vous lancé le projet ?

Nous sommes trois fondateurs tous issus du monde de l’énergie (électricité et gaz) et spécialisés dans la gestion des données de mesure. Au départ, chacun de nous a conduit sa propre réflexion et a poussé ses idées vers son management.

Chacun de nous avait une volonté d’entrepreneuriat mais pas nécessairement d’indépendance. C’est le manque de volonté et de soutien dans nos sociétés respectives qui nous a décidé à créer notre propre structure en 2017.

Naelis aujourd’hui ? Les perspectives de développement ?

On essaie de signer notre premier client. Les structures qui ont le plus besoin de valoriser les données de mesure énergétique pour l’instant sont les gestionnaires et distributeurs du réseau comme RTE, Enedis, GRTGaz, GRDF.

Notre souci vient de la transversalité de Novae : pour appréhender son utilité, notre interlocuteur doit maîtriser ses besoins cœur de métier : on n’a pas de souci pour trouver des interlocuteurs au niveau opérationnel mais on en a pour l’instant pour concrétiser les opportunités commerciales. On n’est pas attractif d’un point de vue achat. Toutefois, on espère signer notre premier client cette année.

A terme, on vise tous les clients de l’énergie à l’exception des particuliers : transporteurs, distributeurs, fournisseurs, gros consommateurs.

Quel apport personnel et partage d’expérience en tirez-vous ?

Je reculais à l’idée de monter une boîte car je pensais que pour en gérer une, il fallait tout maîtriser : le contractuel, le juridique, la comptabilité. On m’a aidé à comprendre que la première chose à faire quand on crée une entreprise, c’est de savoir s’entourer.  Il est illusoire et inule de savoir tout faire. Pour le juridique, il faut un avocat, la comptabilité, il faut un comptable, les finances, un banquier. J’ai appris à ne pas savoir. La non-maîtrise était un stress, maintenant je suis entouré de personnes qui vont m’apporter une réponse à tout problème que je rencontre.

Quels conseils donnez-vous à ceux qui ont envie de se lancer dans l’entrepreneuriat ?

Le conseil que je donne est qu’il faut tenter : il ne faut pas se dire avant d’y aller je veux tout connaître. Puis quand je vais savoir tout ça, je vais créer ma boîte. La bonne démarche est de se dire : il faut un cœur de métier, des compétences, des convictions et pour les choses autour, il y a des spécialistes, il faut s’entourer des bonnes personnes. Il ne faut pas avoir peur d’être accompagné.