Aujourd’hui j’ai eu le plaisir de prendre un café express calé au chausse-pied dans l’agenda très serré d’entrepreneure de Marie-Pauline, CEO et Co-fondatrice de NetR. Marie-Pauline est avant tout une amie, ancienne camarade des Mines de Sainté comme moi (ma grande-marraine comme on dit là-bas !) et la suivant régulièrement sur Linkedin, Facebook et autres réseaux sociaux, je me suis dit qu’elle méritait bien un article entrepreneur sur notre blog ! Voici ce que vous devez retenir sur NetR…

NetR : marketplace des données structurées pour la data science

Quel est le service développé par NetR ?

NetR est une plateforme mettant à disposition des données de santé anonymisées et structurées, de façon sécurisée, labellisées et annotées pour les usages de data science en santé, et en particulier pour l’intelligence artificielle.

Concrètement, nous structurons des données de santé directement sur le terrain, au sein même des hôpitaux et des cliniques, et nous constituons des bases de données labellisées et qualifiées ; notre valeur est dans la transformation et le nettoyage de la donnée, étape souvent longue et complexe pour les industriels et autres start-up de l’écosystème MedTech qui souhaitent ensuite développer des usages autour de ces données. Nos algorithmes de traitement du langage sont capables d’analyser des grands volumes de comptes-rendus médicaux, et nous permettent d’extraire les informations pertinentes pour constituer une base de données structurée, entièrement labellisée.

A quel problème souhaites-tu répondre avec NetR ?

Nous voulons résoudre le problème d’accès à la donnée de santé ! C’est un vrai enjeu de nos jours, et pour tous les acteurs de la santé, médecins, industriels, hôpitaux… J’ai pu le vivre moi-même dans mon activité professionnelle. En effet, ingénieur de formation (de l’école des Mines de Saint-Etienne), j’ai poursuivi mes études en médecine. Je suis actuellement interne de radiologie à Paris. Mes deux casquettes, à la fois ingénieur et médecin, m’ont rapidement fait me poser des questions sur la matière première que j’appréhendais au quotidien… l’image médicale et donc la donnée de santé. J’ai surtout vu l’importance de cette donnée, la difficulté d’avoir une donnée structurée et valorisée. Avec NetR, nous agissons pour favoriser l’innovation en simplifiant l’accès à la donnée, tout en respectant les contraintes de réglementation et de sécurité (par exemple, la RPGD). 

Comment as-tu décidé de devenir entrepreneur et de créer NetR ?

Je suis arrivée dans l’entrepreneuriat par opportunité. J’ai été approchée par un incubateur pré-team Entrepreneur First et j’ai été sélectionnée parmi les 2 000 candidats pour participer à leur programme de création d’équipe. Ce fut décisif car après avoir pitché mon idée j’ai pu trouver mon futur associé ! Nous sommes très complémentaires avec Baptiste ce qui fait la force de notre équipe ; il a un profil technique et l’expérience de projets web, et de l’entrepreneuriat. Cette rencontre m’a permis de lever mes doutes et de me lancer ! En effet, nous nous lancions dans l’aventure sans trop de risque grâce à un accompagnement de 6 mois, financé par l’incubateur et nous avions gagné une place à Station F. 

Quel bilan fais-tu sur NetR ?

NetR existe depuis bientôt un an maintenant, toujours hébergé à Station F et désormais incubé dans le programme iPEPS de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM). L’environnement dont on bénéficie à Station F est extrêmement dynamique et innovant, ce qui est une chance et nous apporte chaque jour son lot de nouveaux défis et de nouvelles opportunités.
L’objectif qu’on s’était fixé en début d’année était simple : valider le marché et comprendre comment se positionner dans un secteur complexe et très concurrentiel. Pour cela, on a testé, interrogé, essayé, échoué et aussi réussi à avancer. D’ailleurs dans l’ensemble, on est très fier et content du chemin parcouru ; d’abord parce qu’on est allé plus vite que prévu, et aussi parce qu’on a prôné une approche frugale pour nos débuts (ce que le bon start-upper appelle en franglais “bootstrapper”), ce qui a posteriori était, je crois, un très bon choix. 

Et au fait, d’où vient le nom “NetR” ?

NetR est une référence au Dr Frank Netter, un chirurgien américain bien connu des étudiants en médecine, qui a illustré des atlas d’anatomie avec un talent incroyable. C’est aussi un mash-up entre “network” et “docteur”. Chez NetR, on croit au pouvoir de l’intelligence collective et on est convaincu que la tradition médicale peut servir à améliorer la médecine de demain. 

Quelles sont les prochaines étapes ?

Aujourd’hui, NetR croît vite et on a besoin d’agrandir l’équipe pour se développer. Les mois à venir seront essentiellement consacrés à développer l’équipe et avancer sur la construction du produit. On a initialement verticalisé nos compétences et nos efforts sur un type de données – l’imagerie médicale – mais on souhaite pouvoir traiter toutes les sources de données de santé non structurées, ce qui de fait nous ouvrira de nouveaux secteurs d’activité et de nouveaux cas d’usage. A plus long terme, on a l’ambition de permettre au système de santé de développer une autre activité que le soin, par l’innovation notamment, et tous nos efforts sont résolument tournés vers cet objectif, qui bénéficiera en premier à améliorer la qualité des soins pour les patients. 

L’e-santé, on y vient ?

Comment vois-tu l’évolution du secteur de la santé avec l’arrivée des nouvelles technologies, du numérique ?

Le numérique a déjà largement révolutionné la santé, en apportant des outils toujours plus performants au service des médecins et au chevet des patients. En revanche, la mise en oeuvre des outils numériques dans le système de soins est pour moi, encore loin d’être aboutie. Le numérique doit rester un outil qui facilite la prise en charge du patient, sans le mettre en danger ni alourdir la tâche des soignants. En France particulièrement, on a un immense enjeu à ce niveau là. La santé fait partie des piliers du pacte social français et pour maintenir un haut niveau de qualité de soins, tout en restant fidèles aux valeurs européennes en matière de santé, il est plus que nécessaire d’amorcer rapidement et massivement des efforts sur le numérique en santé. Cela passera, à mon sens, par la formation, l’innovation et le développement de nouveaux modèles de financement du système de santé. Avec NetR, on tâche dans la limite de nos moyens, d’agir sur ces deux derniers points, tout en restant lucide sur l’ampleur de ces enjeux. 

Quel est ton point de vue sur la position de la France sur les sujets de e-santé ?

La France accuse actuellement un retard en matière de e-santé; notamment en lien avec la mise en place laborieuse du dossier médical partagé. Les systèmes d’information dans l’écosystème du soin ont été implémentés de façon très hétérogène et disparate, sans réelle unification au niveau national et on en paye aujourd’hui les conséquences. L’Etat a toutefois pris conscience de ces enjeux et semble actuellement dans une dynamique très positive vis à vis des sujets de numérique en santé. Pour preuve, le remboursement des consultations de télémédecine et le déploiement du DMP sont des indicateurs de la politique mise en place. A mon sens, outre le fait d’être des signaux forts de l’engagement du gouvernement, ces décisions ouvrent également de nouvelles opportunités en terme de partenariats et de collaborations entre les institutions publiques (hôpitaux, agences de santé, etc) et les acteurs privés (soignants, mutuelles, industriels, etc.)  

Selon toi, que pensent les professionnels de santé de la transformation numérique de leur activité ?

La plupart des professionnels de santé sont favorables à l’adoption de nouveaux outils, sous réserve qu’ils facilitent et simplifient leur mission; prodiguer le meilleur soin possible à la population. La numérisation du système de santé devra donc nécessairement prendre en compte ce contexte pour avoir la meilleure adoption possible. La formation des professionnels de santé aux outils numériques est aujourd’hui un enjeu; d’une part pour l’usage même de ces outils mais aussi et surtout pour recentrer le professionnel de santé sur la relation avec le patient. 

Et les patients, comment vivent-ils l’intrusion du numérique dans un contexte médical souvent perçu comme intime, encore loin de ces considérations digitales ?

Les craintes vis à vis du numérique en santé sont en partie justifiées. En effet, on reste en Europe très sensible à l’usage des données personnelles et notamment quand on touche à la sphère médicale. L’Etat est théoriquement le garant de la sécurité des citoyens dans ce type de situation et a pour mission de réguler la mise en place des outils numériques en santé. Néanmoins, cette régulation ne doit pas non plus freiner les avancées technologiques et scientifiques, au risque de voir notre système de santé perdre en qualité. C’est la raison pour laquelle les usages du numérique en santé doivent nécessairement s’accompagner d’évolution réglementaire, éthique, et sociétale. De fait, la relation médecin-patient sera impactée par ces nouveaux outils et il est aussi de la responsabilité des professionnels de santé de veiller à ce que cette relation demeure la plus qualitative et humaine possible, que ce soit à travers un smartphone ou pas.

Pour conclure, en 3 mots, la e-santé c’est quoi pour toi ?

Pour moi la e-santé c’est avant tout de la santé, au même titre que la télémédecine est avant tout de la médecine. C’est aussi à mon sens synonyme de progrès et de performance. Progrès parce qu’à l’échelle de l’humanité, le numérique a apporté un immense bénéfice au plus grand nombre et il n’y aucune raison que la santé n’en bénéficie pas. Et performance parce que les usages des nouvelles technologies laissent penser que demain, on sera capables de poser de meilleurs diagnostics, plus précoces, plus précis, plus sûr, et d’apporter de meilleurs traitements pour prendre en charge les patients.