L’outillage électroportatif a connu une révolution ces 20 dernières années grâce à plusieurs innovations technologiques qu’on ne voit quasiment pas. C’est notamment grâce aux nouvelles technologies de batteries, aimants et électronique.
Il y a 20 ans, des rallonges et des gros bras
L’outillage électroportatif, il y a 20 ans, c’était sans batteries, mû par des moteurs à balais en graphite, dit « brushed », avec une électronique qui tenait sur un timbre poste, et un gros câble en cuivre pour amener la puissance nécessaire pour faire tourner le moteur.
Plus on avait besoin de puissance (découpe de fortes épaisseurs de métal ou de béton, démolition, perçage de béton de gros diamètre…), plus il fallait un gros moteur avec de gros câbles, parfois jusqu’à du triphasé qui permet d’apporter plus de puissance à masse de câble égale.

C’est gros, c’est lourd et il y a un fil à la patte
Il existait quelques outils sur batteries : des visseuses, des petites perceuses. Avec de GROS inconvénients :
- la batterie était quasi vide quand on en avait besoin. Il fallait anticiper et mettre à charger les batteries quelques heures avant les travaux,
- même avec une batterie chargée à bloc, la puissance était très moyenne, inadaptée à la plupart des travaux.
Seuls les bricoleurs du dimanche utilisaient ces outils. Les pros n’utilisaient que des outils filaires, lourds, solides, puissants.
L’inconvénient de ces outils était leur poids, et le besoin d’avoir des rallonges de forte section. C’est l’image d’Epinal de l’ouvrier au marcel blanc tâché, avec les gros bras et les auréoles sous les bras et le front luisant de sueur.
Il était une fois la batterie d’ordinateur portable
Inventée dans les années 1970 par des financements d’Exxon, puis commercialisée dans les années 1990 pour la première fois par Sony, la batterie Lithium-ion a révolutionné les matériels portables, et pour cause :
- une énergie massique 3 à 5 fois plus élevée que la précédente génération de batterie,
- de grandes intensités donc des puissances élevées,
- pas de déchargement quand non utilisée.
D’abord largement utilisées dans les ordinateurs portables, les batteries Lithium-ion se sont ensuite répandues partout. Et ce grâce à la baisse des coûts permise par l’augmentation des volumes de vente et l’accumulation d’améliorations.
Et notamment dans les outillages électroportatifs, qui ont enfin eu une grosse patate, directement disponible, sans peser le poids d’un âne mort. Passez quelques heures ou quelques jours sur un toit ou un échafaudage à visser d’énormes vis, vous comprendrez tout de suite le bénéfice.
Les voitures électriques, elles aussi, n’existent que grâce à ces batteries de nouvelle génération.
Mais les batteries seules n’auraient pas suffit à révolutionner l’électroportatif.
Des aimants ultra puissants
Deux autres technologies, venues d’horizons tout à faits différents, ont convergé avec les batteries pour donner de fantastiques outils légers et sans fils et encore plus puissants que leurs lourds ainés filaires : les aimants permanents au néodyme et l’électronique de puissance.
Ces aimants ont émergé dans les années 1980, donc à peu près contemporains des batteries Li-ion.
Que permettent ces aimants ? Tout simplement de réduire la complexité des moteurs électrique à masse et couple/puissance équivalents. Rotor ou stator, auparavant en bobinage en cuivre, peuvent être remplacés par ces aimants permanents. Les moteurs sont donc moins chers, plus petits, et incroyablement puissants.
Eoliennes et voitures électriques, drones, scooter electriques, etc. n’existeraient pas sans ces aimants prodigieux.
Une petite machine telle que celle ci-dessous en photo pourrait casser un bras si le couple n’était pas limité par l’électronique.

Petite mais costaude, de quoi casser des bras
Justement, nous y voici : l’électronique est l’innovation qui, avec celles des batteries et des aimants, a permis à l’électroportatif d’exploser.
L’électronique de puissance et les moteurs brushless
Les batteries fournissent un courant continu. Pendant longtemps, cela a contraint à utiliser des moteurs simples à rotor et stator en bobinage de cuivre, et de réguler la puissance injectée au travers de balais en graphite (les fameuses « brushes ») avec un rhéostat.
On avait des machines de puissance moyenne, dont les balais s’usaient vite, très sensibles à la poussière, lourdes et chères (le cuivre c’est cher), avec un rendement améliorable puisqu’une partie de la puissance partait dans le rhéostat et dans les frottements.
L’électronique de puissance a permis de générer un courant alternatif de fréquence choisie, ce qui a permis d’utiliser des moteurs bien plus intéressants : les moteurs synchrones et les moteurs asynchrones, pouvant être « brushless », c-à-d. sans balais en graphite qui frottent et qui s’usent.
Inconvénient : ces moteurs ne peuvent fonctionner qu’avec un courant alternatif. Or, une batterie ne fournit que du courant continu. Il faut de l’électronique de puissance pour générer des courants forts à fréquence pilotable.
Bonne nouvelle : depuis les années 1990, cette électronique de puissance est disponible, miniaturisée, et abordable.
Plein d’avantages pour les outils grâce à ce combo magique :
- simples donc moins chers,
- avec plus de puissance car moins de frottements,
- plus durables car moins d’usure et poussières due aux frottements,
- légers car nécessitant moins de matière.
Le tableau est maintenant complet, et l’électroportatif a pu prendre son essor avec quelques fabricants pionniers, dont Makita, suivi par tous les autres.
Plein d’autres secteurs touchés
Il est intéressant de constater également que les moteurs des motrices de trains, notamment celles des TGV, ont suivi la même évolution :
- d’abord des moteurs à courant continu à balais avec les TGV orange des années 1980 (Puissance de 0,343 kW/kg de moteur),
- puis les TGV Atlantique avec des moteurs synchrones à balais, dans les années 1990 (Puissance de 0,759 kW/kg de moteur, x2 !),
- les TGV Duplex avec des moteurs asynchones pour les années 2000
- enfin, les moteurs synchrones brushless à aimants permanents sur les AGV (1,17 kW/kg de moteur, encore x2 !)
Une puissance multipliée par 4 par kg de moteur, ça s’appelle un progrès révolutionnaire.
Conclusions
Je trouve très intéressant de constater comment des innovations venues d’horizons aussi différents ont été assemblées par des gens intelligents, qui ont su, comme l’étymologie du mot intelligence le signifie, faire ces liens entre horizons lointains pour créer ces objets plus performants, plus légers et moins chers.
Batteries Lithium-Ion, aimants au néodyme et électronique de puissance ont permis l’émergence d’outils qui ont transformé les secteurs du BTP et des travaux divers, car les ouvriers ont maintenant des outils ultra légers, solides, durables et puissants à leur disposition.
Tout comme nous avons aussi de super trains, et des voitures électriques qui n’ont pas fini de nous étonner.
On peut se demander pourquoi ces appareils ne sont pas encore connectés à l’Internet, vu le prix faible des puces Bluetooth ou Wi-Fi. Les usages potentiels ne sont pas des gadgets : localisation antivol (ces machines coûtent cher et sont petites donc faciles à voler !), gestion d’usure, encrassement, conseil d’utilisation, durée d’utilisation… Personne à ce jour ne fournit ces services qui arriveront sans aucun doute prochainement.
Une ombre au tableau cependant.
La disponibilité du lithium et des Terres Rares, source de conflits à venir, de suprématie chinoise, est qui fera des bas coûts d’aujourd’hui les coûts élevés de demain.
… et qui fera …
Un article très intéressant ! Grâce à ces nouvelles batteries et à des moteurs surpuissants, j’ai en effet pu construire récemment un drone « géant » qui permet de porter des charges lourdes (plusieurs dizaines de kilos)… Et ça marche vraiment ! voir ici par exemple :
https://www.youtube.com/watch?v=RfsD-SC2nu4
En me documentant pour écrire cet article, j’ai compris que le Cobalt était un élément critiques pour les batteries Li-Ion, et que la plupart des grands acteurs poussent leur R&D pour en réduire le besoin ou remplacer le Co par autre chose (https://fresh-energy.org/whats-up-with-the-cobalt-used-in-ev-batteries, https://www.energy.gov/eere/vehicles/articles/reducing-reliance-cobalt-lithium-ion-batteries et Tesla et Samsung https://www.cnbc.com/2021/11/17/samsung-panasonic-and-tesla-embracing-cobalt-free-batteries-.html)